Sida

Les catholiques : un quart des réponses mondiales et sans jugement


L’action du réseau Caritas dans le domaine du sida est l’un des éléments de son identité. Elle s’est progressivement élargie à partir des années 1980.


Ainsi au Chili, à travers les difficultés du pays et de l’Eglise, la Caritas maintient sa ligne au service des plus pauvres. Elle a pu de ce fait paraître engagée ou conservatrice selon les époques. Engagée quand, avant la Croix Rouge, elle était présente dans les stades et les camps d’internement après le coup d’Etat de Pinochet, et y conduisait en septembre et octobre 1973 des actions humanitaires, la distribution et le ramassage du courrier, des recherches. Plus conservatrice quand le Vicariat de la Solidarité du diocèse de Santiago prit la première place, ce qui n’empêchait pas Caritas de poursuivre et de promouvoir une action sociale moderne.

Ainsi dans la proche banlieue de Santiago, Caritas a ouvert un hébergement pour malades du sida. Après l’achat de la maison, les protestations du voisinage ont failli faire échouer le projet. Mais paradoxalement la publicité ainsi faite a attiré de nombreux bénévoles. Ils formaient en 1989 un réseau d’une centaine de personnes.

C’est la deuxième fois que je visite un tel centre. La Caritas de La Nouvelle Orléans rencontrée en 1988 et celle du Chili sont en harmonie avec les orientations de l’assemblée générale de la confédération qui avait en 1987 décidé, dans la douleur, de faire du sida un axe de travail nouveau.


Au départ, une assemblée générale assez classique et tranquille. Un thème coutumier, « Pour construire la paix, construisons des communautés de justice et de charité ». Des conférences et des groupes de travail qui mettent bien l’accent sur la dimension communautaire et intégrale du développement.

Et tout à coup la crise explose. Lors de la séance sur l’examen des motions, la motion IV met le feu aux esprits, présentée par Caritas Suisse,  soutenue par Caritas Danemark et de nombreuses autres : « Il ressort clairement des discussions avec des délégués d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et d’Europe qu’il existe un souci profond et une réelle préoccupation au sujet du sida dans divers pays. Il est donc souhaitable que la question soit incluse dans l’agenda de la présente 13ème Assemblée générale. »

Les débats s’engagent avec violence. Des Africains accusent les Européens de colonialisme, de mépris. Ceux-ci rétorquent sur l’urgence d’agir.

Les discussions sont vives. De nombreux Européens conduits par la Caritas anglaise, Cafod, veulent un engagement face à la montée de la maladie, des représentants d’autres continents aussi. Il faut dire qu’à l’époque presque personne dans l’Eglise n’aborde le sujet

Le compte rendu de la séance statutaire qui vote sur les motions indique :

« Motion IV : (SIDA) Retirée car la Confédération est déjà engagée et continuera à suivre ce sujet. »

Mais le Message final va de l’avant: « Les nouvelles crises médicales et sociales, comme l’abus et le trafic de drogues et, plus particulièrement, la pandémie du sida, touchent tous les continents et menacent notre société mondiale ; elles exigent à la fois une réponse professionnelle et compatissante dénuée de toute attitude de blâme ou de jugement. »

Le directeur de Cafod, Julian Filokowski avec le secrétaire général Gehrad Meier ont su dès la fin de l’assemblée engager un travail international qui se poursuit toujours : formation, soutien de projets médicaux dans tous les continents. Et ce ne sera que vers 2007 que les Eglises d’Europe de l’Est se préoccuperont du sujet ! Au Pakistan en janvier 2010 des réserves existeront encore chez certains évêques.

Le plan de travail adopté par l’assemblée suivante en 1991 insiste : « Les activités liées à la prévention, l’éducation et les services de lutte contre le sida devraient être insérés dans le cadre du développement continu et d’une action de formation à tous les niveaux de la Confédération. »

C’est ainsi que Caritas Internationalis est devenu le lieu d’Eglise pilote en matière de sida, malgré des résistances internes et bien évidemment externes. Des moyens énormes y ont été consacrés, en personnel, en budget, en temps. Lorsque, Président de Caritas Internationalis, je rencontrerai en 2006 le Cardinal Lozano Barragán, Président du Conseil pontifical pour la Pastorale de la Santé, il soulignera ce fait avec reconnaissance tout en confirmant son désir de poursuite de notre collaboration.

A la conférence internationale sur le sida à Mexico en 2008, on notera que les organisations catholiques délivrent le quart des soins au niveau mondial dans les domaines de la prévention, des traitements et de l’accompagnement des malades.


En 1990 déjà dans ses conclusions, le congrès de Caritas Afrique insiste par exemple sur le travail en matière de sida. Je visite d’ailleurs à cette occasion le centre de Keur Massar près de Dakar animé, avec cinq guérisseurs réputés, par le docteur Yvette Parès, une biologiste française qui a été introduite dans les sphères fermées de la médecine traditionnelle africaine. Le centre soigne principalement des lépreux ; il est soutenu par le gouvernement sénégalais et le Secours catholique. Nous sommes critiqués par les tenants de la pharmacopée européenne, or des centaines de personnes gagnent leur vie par la récolte des plantes et surtout les malades guérissent : dix mille depuis près de dix ans. Le docteur Yvette Parès y travaille aussi sur le sida. Quelques années plus tard, sous son insistance, je remettrai un dossier à un haut responsable de la santé militaire en France. Je n’obtiendrai peu après qu’un poli «  Nous savons ». J’aurai fait mon devoir de postier.


En 2000 j’avais été émerveillé par deux religieuses qui animaient un groupe de quelques bénévoles dans le service de pédiatrie d’un hôpital d’Irkoutsk pas loin du lac Baïkal en Russie : les enfants malades du sida y étaient délaissés, faisaient peur. La petite équipe réussissait peu à peu à éveiller et intéresser le personnel hospitalier.


L’esprit dans lequel ce travail se réalise aux quatre coins du monde articule compassion, professionnalisme médical et social, ouverture à toutes les cultures et mentalités. A l’opposé, il faut être clair, de celui véhiculé par certaines organisations mélangeant humanitaire et prosélytisme.

Ainsi sur le site web de World Vision USA on peut ainsi lire cette véritable erreur : « La crise des orphelins de sida appelle une réponse que seuls les Chrétiens peuvent apporter : celle qui combine la compassion avec un respect pour la vérité. »1

C’est exactement le contraire de ce que je pense : tout homme, toute femme, quelle que soit sa race, sa religion est appelé selon ses valeurs à la compassion, à l’action envers son prochain. Il n’y a pas de monopole chrétien !


1 Mandrin Colson, president of Prison Fellowship Ministries

http://www.worldvision.org/content.nsf/getinvolved/hope-pastors-toolkit-quotes (juillet 2009)