Interreligieux

Un dialogue de vie


La réunion des Caritas du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord d’avril 2006 à Chypre est une occasion de réflexion sur le dialogue interreligieux, sur sa mise en pratique concrète. Car la mission de Caritas est de pratiquer ce dialogue, de le mettre en actes.

Mgr Jean Sleiman, Président de Caritas Irak et Archevêque latin de Bagdad analyse :

« Si la globalisation favorise l’avènement d’une humanité plus unie malgré son pluralisme, elle n’en charrie pas moins de graves risques totalitaires inhérents à toute visée hégémonique. Le modèle dominant, conforté par le capitalisme et les médias, lamine les cultures et irrite les identités culturelles et religieuses particulières, suscitant les réactions de refus et de repli, voire même des résistances intégristes extrêmes qui fanatisent le religieux et radicalisent le politique. Le terrorisme devient guerre sainte. L’intolérance est légitimée au nom de la religion et de Dieu lui-même. (…)

« Face à ces contradictions, le dialogue interreligieux a pour mission de promouvoir un universalisme respectueux des singularités et valorisant les diversités. (…)

« Le dialogue du vivre ensemble prépare celui de l’agir ensemble. Les grandes causes de l’humanité rassemblent de plus en plus des croyants de toutes les Fois : la promotion de la paix, de la justice, de la liberté religieuse, de l’égalité entre l’homme et la femme, la défense des droits des enfants exploités soit par le travail, soit par le sexe, la protection des ressources naturelles et de l’environnement, la lutte contre la discrimination, contre le chômage, le racisme etc. »


Ibrahim Shamseddine, chiite libanais, Président de « Imam M.M. Shamsuddin Foundation for Dialogue » à Beyrouth, montre lui comment le dialogue entre les Chrétiens et les Musulmans n’est pas un effet de mode mais répond à une obligation, aux besoins des deux religions de conduire un « dialogue de vie » Elles ont en commun la croyance en un Dieu créateur de toute chose, en un Dieu créateur de l’homme ; en commun aussi la croyance en la résurrection, en la dignité de la personne et en la nécessaire unité de la famille humaine.

Musulmans et Chrétiens font face aux mêmes challenges de la pauvreté, de la famine, du sous-développement, des armes nucléaires, des forces de la nature. Le tsunami de fin 2004 n’a pas trié ses victimes selon leur foi ; elles étaient musulmanes, chrétiennes, hindouistes, bouddhistes.

Le partenariat interreligieux ne consiste pas à fusionner ou à créer une troisième religion. L’idée essentielle est l’acceptation mutuelle ; c’est un dialogue de vie. Chaque religion a deux espaces, celui de ses croyants et de ceux qui sont culturellement attachés à sa Foi, celui de l’espace commun où elle se joint à l’autre pour faire face ensemble aux problèmes de l’humanité afin de mettre l’homme sur le chemin de Dieu et pour le restaurer dans sa Foi.


Le dialogue interreligieux en actes est pratiqué par nos membres : Caritas Mauritanie ou Caritas Irak et leurs personnels largement musulmans, nos multiples actions et coopérations avec les communautés et populations musulmanes en Europe, en Asie, au Moyen Orient, avec les populations hindouistes en Inde et au Népal, notre programme au Darfour construit avec des organisations protestantes et qui bénéficient à 99,9% à des Musulmans. Au Sri Lanka, suite au tsunami, la procédure des appels d’offre a veillé à permettre le choix de fournisseurs des diverses religions, Chrétiens, Hindous, Bouddhistes, Musulmans.


En Indonésie, le plus grand pays musulman du monde, les chrétiens sont environ 8%, les Hindous 2% et les Bouddhistes 1%. Un bon quart de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’islam fondamentaliste monte. L’Eglise était traditionnellement engagée dans les écoles. Depuis quelques années elle est plus critique envers le régime. Elle vient de lancer une campagne contre la « culture de corruption » et veut agir contre la violence et pour la protection de l’environnement.

Le cardinal Julius Darmaatmadja insiste sur le fait que les difficultés ne sont pas religieuses mais économiques et ethniques. Il pousse à la collaboration avec les Musulmans. Les Catholiques risquent d’être coincés entre deux fondamentalismes, celui de certains musulmans et celui de protestants américains. Là aussi les sectes pullulent. C’est le vivre ensemble qu’il faut développer. D’abord le social, pas la liturgie : « Il n’y a pas de spécificités catholiques, il y des spécificités humaines. »