Les organisations caritatives dans les conflits internationaux. Le cas de Caritas Internationalis
Humanitaire et militaire. Le consensus européen
Denis Viénot
Président de Chrétiens en Forum
Secrétaire général de Justice et Paix France
Membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme
Ancien président de Caritas Internationalis
Module : Les grandes organisations internationales et la gestion des conflits
Session Les organisations internationales humanitaires dans les conflits.
Centre d’Etudes diplomatiques et stratégiques à l’Ecole de guerre
Paris, 4 décembre 2012
Il faut éviter les confusions entre humanitaire et militaire.
Un principe absolu : l’acteur humanitaire doit garder le rôle principal dans l’action humanitaire quelle que soit la situation. Sur le plan pratique personne n’a le contrôle total d’une situation de crise ou de guerre. Les humanitaires développent des liens stratégiques pour dispenser l’aide humanitaire.
En ce sens, les relations avec les militaires peuvent être essentielles pour acheminer l’aide ou négocier l’accès à une zone par exemple. Mais il faut maintenir la neutralité et l’indépendance. Ainsi garder ses distances avec les militaires et ne pas agir sous contrôle militaire.
Les militaires prenant part à des opérations de secours observeront le droit international et appliqueront les principes humanitaires. Ils ne porteront jamais d’armes.
Mais l’acteur humanitaire au sens large s’est agrandi.
Et il y a de nouveaux acteurs de la paix :
Les ONG, en plus de l’aide humanitaire, peuvent avoir une fonction de médiation, plus ou moins en lien avec le retour de réfugiés, la réorganisation de services publics, l’eau, la santé, les écoles, l’agriculture etc. Mais elles peuvent avoir des influences négatives. Il leur faut rester neutres dans la gestion des dons et des aides en évitant les violences. Elles doivent conduire des actions équilibrées : le cas classique est de soutenir la population locale chez laquelle sont installés des camps de réfugiés. Elles font ce que l’Etat ne fait pas, vont là où il ne va pas, proposent une alternative, sont des structures légères et ont donc le beau rôle car elles n’ont pas à gérer des contradictions d’une puissance publique.
Des personnalités politiques de stature mondiale, d’anciens chefs d’Etats comme Jimmy Carter, des hauts fonctionnaires, des financiers philanthropes comme George Soros, des artistes. Ainsi George Clooney a mis en place le « Satellite Sentinel Project » pour prévenir tout crime de guerre au Sud-Soudan où des référendums d’autodétermination ont eu lieu en janvier 2011 : « Nous voulons que les auteurs potentiels de crimes sachent que nous les observons » ce qui se fait en utilisant des satellites commerciaux pour surveiller la région.
Les acteurs religieux sont efficaces pour la médiation dans les conflits intra-étatiques.
Par la dimension du pardon et les caractéristiques religieuses.
Par leurs possibilités d’observation, de dénonciation des violations des droits de l’homme, de la violence, car ils ont des réseaux capillaires.
Par l’appel à la conscience, par la défense des plus faibles, la transformation des structures sociales inégalitaires.
Par leur capacité à rapprocher les parties pour obtenir un accord.
Par leurs atouts dans l’éducation et la diffusion des mécanismes de paix.49
On peut penser au rôle d’évêques locaux, Mgr Ruiz au Chipas, le Cardinal Sin aux Philippines ou San Egidio au Mozambique.
Le mélange militaire
En matière d’opérations militaires de maintien de la paix il est accepté que 7% de coût des ces opérations soit inclus dans l’APD. / Aide publique au développement. On accepte cela car par exemple un hôpital militaire soignera aussi la population locale.
7% pourquoi ?
Les dépenses militaires mondiales s’élèvent à 1740 milliards de dollars en 2011. Les opérations de maintien de la paix en représentent 0.5%.
Ce sont donc environ 600 millions d’APD qui sont du militaire au plan mondial. Et de plus il y a dans l’APD des dépenses de nature militaire comme celles de formation de la police par exemple. Et il y a 130 000 casques bleus dans le monde ; ils sont financés par les Nations Unies en partie avec des fonds comptabilisés en APD dans l’aide multilatérales des financeurs principaux.
Un autre aspect est le lien entre activités militaires et humanitaires.
Le civilo-militaire est-il une aide au développement ? Non, c’est une action complémentaire de l’action militaire
Dominique Lagarde, “Afghanistan, En finir avec la guerre ? », 2010, page 247 :
« Le 30 octobre (2008), dans la vallée de Tizin, dans le sud du district de Surobi, un dispositif tout aussi impressionnant a été déployé au petit matin : environ 400 hommes et 90 véhicules blindés, appuyés par quatre mortiers de 120mm et par des tireurs d’élite héliportés sur les points hauts ; deux avions de chasse assuraient la couverture aérienne. Objectif affiché : offrir des kits scolaires et prodiguer des soins médicaux. (…) Le colonel chef de corps : « Je veux empêcher que la population ne bascule du côté obscur de la force. »
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L’enjeu n’est pas de savoir si les organisations humanitaires doivent établir ou non des relations avec les militaires en cas de crises mais plutôt d’en déterminer les limites.
Dans le réseau Caritas nous avons tenu plusieurs concertations sur la collaboration avec les armées.
Pour les Polonais, l’armée est un pilier de la nation. Pour des victimes d’années de dictatures militaires en Amérique latine le contexte sera différent. Par ailleurs il ne saurait y avoir de mélange entre les actions humanitaires et militaires, vues par les victimes de la crise.
Il existe souvent une interaction entre les forces armées et les agences humanitaires au cours des opérations de secours mais l’augmentation des forces militaires engagées dans un travail habituellement considéré comme du domaine humanitaire engendre des confusions.
La coopération est facile en matière d’échange d’informations voire parfois de soutien logistique. Elle est plus délicate si l’humanitaire paraissait « associé » aux forces militaires. En tout état de cause, dans la quasi-totalité des cas, les escortes armées et la distribution des aides des humanitaires par les militaires sont à prohiber. Il convient de refuser l’utilisation du mot humanitaire pour décrire des activités conduites de façon partiale, réalisées pour servir une mission politique ou militaire.
L’enrôlement des militaires dans le travail humanitaire est une nouvelle mode ou nécessité. Le développement des activités civilo-militaires va à l’encontre des principes humanitaires adoptés par la Croix Rouge internationale. Nous les avons repris à Caritas50 en précisant par exemple
Notre refus de principe à toute activité humanitaire des forces armées. En 2006 à New York avec Jan Egeland, secrétaire général adjoint pour les Affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence, nous abordons la question de la militarisation de l’aide humanitaire. Il pense qu’en cas de catastrophe naturelle il est possible voire souhaitable de faire appel à la collaboration des armées, s’il n’y a pas d’autre alternative. Par contre, en cas de conflit, c’est totalement exclu.
L’engagement des militaires doit être limité dans le temps ; il doit s’exercer à la demande expresse des autorités civiles légitimes ou d’une organisation internationale reconnue par tous.
De plus, les armées sont parfois impotentes et incapables de gérer à des coûts satisfaisants des opérations de secours ou médicales. Le coût d’un hôpital militaire étranger grevé des soldes de fonctionnaires expatriés explose par rapport à celui de son pair du pays concerné employant des personnels locaux.
Mais la question de la militarisation de l’humanitaire va aujourd’hui avec celle de la privatisation du militaire. Sami Makki1 la décrit en détail pour les Etats-Unis.51 Le monde des organisations non gouvernementales américaines se caractérise par le poids grandissant de celles qui « utilisent l’aide pour évangéliser les populations en terrain conquis. […] Se développe alors une privatisation de l’aide internationale américaine du fait de la nature des financements. […] De plus en plus ce sont souvent des entreprises commerciales qui agissent pour le compte du gouvernement américain et qui n’ont plus aucun lien avec les organisations non gouvernementales bénévoles. […] Les compagnies privées dont les services sont payés par le Pentagone sont d’un coût parfois excessivement élevé. Elles sont devenues essentielles à une nouvelle stratégie interventionniste reposant sur la capacité de projection rapide des forces ». Ce phénomène mercenaire s’étend à des services proposés à des entreprises, des ONG, des agences des organisations internationales ou aux forces armées des pays en voie de développement.
Cette nouvelle doctrine d’intégration des acteurs civils dans les processus militaires conduit ces derniers à « différentes postures allant de la recherche du partenariat pour des raisons commerciales au refus pour des questions de principe (indépendance de l’humanitaire pour les ONG). Cependant des paramètres structurels limitent les marges de manœuvre des ONG ».
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Caritas Europa a publié2 en 2011 une étude et des propositions sur le Consensus européen sur l’aide humanitaire de 2007.
« Le Consensus européen sur l’aide humanitaire de 20073 présente une vision commune de l’aide humanitaire pour les institutions et États membres de l’UE, en mettant l’accent sur les principes et engagements fondamentaux. Il énonce la primauté des principes humanitaires et du droit international (notamment le DHI, les droits de l’homme et le droit des réfugiés), établit de manière concrète une distinction claire entre l’aide civile et militaire en cas de crises humanitaires, et affirme que l’aide humanitaire n’est pas un instrument de gestion de crise. Il s’agit d’un instrument important visant à promouvoir une aide humanitaire basée sur des principes, à défendre l’espace humanitaire et à faciliter l’arrivée de secours auprès de ceux qui en ont le plus besoin.» (…)
L’engagement collectif des institutions de l’UE pour une aide humanitaire fondée sur des principes et pour ne pas utiliser cette dernière comme un instrument de gestion de crise constituera la base la plus solide pour garantir une distribution efficace de l’aide aux victimes de catastrophes.(…) »
Parmi les recommandations principales de Caritas Europa on peut lire :
« Le Conseil européen devrait veiller à ce que le mandat d’ECHO reste distinct des autres services de la Commission et institutions de l’UE, pour permettre à ECHO de fournir une aide humanitaire neutre et impartiale et de prôner une aide humanitaire fondée sur des principes. »
Définition des principes humanitaires
Humanité : Il faut alléger les souffrances humaines quel que soit l’endroit où on les trouve. L’objectif de l’action humanitaire est de protéger la vie et la santé et de garantir le respect des êtres humains.
Neutralité : Les acteurs de l’aide humanitaire ne doivent pas prendre parti pendant les hostilités ou se lancer dans des polémiques de nature politique, raciale, religieuse ou idéologique.
Impartialité : L’action humanitaire doit être menée uniquement sur la base des besoins, en donnant la priorité aux situations de détresse les plus urgentes sans faire de distinction sur la base de la nationalité, de la race, du genre, des croyances religieuses, des classes ou des opinions politiques.
Indépendance opérationnelle : L’action humanitaire doit être indépendante de toute visée politique, économique, militaire ou autre dans les zones où elle est mise en œuvre. »
Le document de Caritas Europa dresse une série de constats et d’analyses :
« C’est en Colombie que se déroule une des plus importantes opérations civile et militaire au monde en contexte de crise humanitaire. Mais les dangers que cela implique pour une aide humanitaire neutre et impartiale et pour la population demeurent largement inconnus. En 2009, le gouvernement colombien a élaboré et formalisé une stratégie civile et militaire, le « Plan national de consolidation intégrée ». Son but : assurer, défendre et renforcer le contrôle du gouvernement sur les quatorze principales zones de conflit, en établissant des « Centres pour la coordination de l'action intégrée » (CCAI). Ces centres coordonnent étroitement des activités militaires et de renseignement, avec des « programmes sociaux » humanitaires, de réhabilitation et de développement.
Le gouvernement colombien exerce une pression considérable sur les donateurs et organisations humanitaires internationaux pour les inciter à orienter et coordonner leur aide en fonction du « Plan national de consolidation intégrée » et des CCAI. Selon l’enquête menée dans le cadre de l’Indice de réponse humanitaire 2010 (HRI), la Suisse et l’Espagne ont été félicitées par de nombreuses organisations humanitaires interrogées pour avoir pris position contre le gouvernement colombien et pour avoir explicitement présenté leur aide humanitaire comme une réponse à un conflit armé. La Suède a été reconnue parmi les rares donateurs ayant remis en cause le discours post-conflit du gouvernement et ayant soutenu les efforts de plaidoyer en faveur de l’aide humanitaire.
D’autres donateurs ont préféré ne pas opposer un refus ouvert au gouvernement - position jugée «profondément décevante » par les agences humanitaires qui réclament davantage d’action. À défaut d’une approche humanitaire concertée en réponse à cette situation, l’espace humanitaire de ces régions colombiennes est réduit et l’aide humanitaire utilisée à des fins politiques, militaires et stratégiques.
Les organisations humanitaires ont exprimé leur crainte de voir les efforts déployés pour répondre aux besoins humanitaires en Afghanistan, entravés par l’insistance des donateurs à prétendre que ces besoins ne sont pas prioritaires par rapports à d’autres. Au lieu de cela, de nombreuses stratégies de donateurs ont donné la priorité à une intervention militaire et humanitaire occidentale en faveur d’un redressement post-conflit et du renforcement des capacités militaires et civiles afghanes.
Les agences humanitaires - dont les inquiétudes vis-à-vis de la politisation de l’aide en Afghanistan sont exprimées dans le rapport 2010 du HRI, selon lequel «à l’exception d’ECHO, de la Norvège et de la Suisse, les donateurs ne défendent pas les approches humanitaires fondées sur des principes établis par le GHD» ont ainsi remis en cause cette mise au second plan de l’aide humanitaire. Plutôt que d’octroyer des fonds en fonction des besoins, des conditions politiques et militaires ont été établies pour l’utilisation des fonds destinés à fournir de l’aide à des régions spécifiques liées à une présence militaire.
Par exemple, le Ministère fédéral allemand de la coopération et du développement économique a établi une nouvelle ligne de financement de 10 millions d’euros uniquement ouverte aux ONG souhaitant mettre en œuvre des projets au nord de l’Afghanistan, là où l’armée allemande possède sa base. L’offre de financement a par la suite été liée à un accord d’échange de renseignements avec l’armée. Cet exemple souligne non seulement le non respect des principes d’impartialité et de neutralité, mais également celui d’indépendance, en créant d’importants risques sécuritaire pour les ONG qui sont perçues comme collaborant avec l’armée allemande. »
Il y a quelques années, sur 40 millions d’euros d’APD de la France pour l’Afghanistan, 38,5 millions étaient versés dans la région où l’armée française est déployée et finançaient des activités dites humanitaires engagées par les militaires.
« Dans son allocation d’aide de 2009, la France a déclaré que son critère de sélection des bénéficiaires de l’aide inclurait l’importance donnée à la défense nationale française et aux stratégies de lutte contre le terrorisme, en plus des cinq critères basés sur les besoins » Il sera intéressant de voir ce qui va maintenant se passer.
« Le programme du gouvernement autrichien (2008 – 2013) établit clairement que l’armée autrichienne a un rôle à jouer dans l’action humanitaire et les situations d’urgences.
Le gouvernement britannique a présenté une nouvelle politique humanitaire en septembre 2011 qui établit que : « Le gouvernement britannique reconnaît l’importance des principes humanitaires et de la préservation du caractère civil de l’aide humanitaire. » Et de poursuivre : «Nous veillerons à ce que l’aide humanitaire du Royaume-Uni soit livrée uniquement selon les besoins et qu’elle s’aligne sur les principes humanitaires d’humanité, d’impartialité et d’indépendance », précisant que l’aide humanitaire apportée par le gouvernement britannique « sera indépendante de tout objectif politique, militaire, économique ou de sécurité. » Et de dire encore : « Le Royaume-Uni approuve le Consensus Européen sur l’aide humanitaire et la résolution 46/182 de l’Assemblée Générale de l’ONU sur la coordination de l’aide humanitaire. » Cependant, cette politique semble en contradiction avec le Rapport sur la sécurité et la défense stratégique du Royaume Uni, qui associe l’aide internationale aux objectifs de la politique étrangère et de sécurité nationale, ainsi que la Stratégie de Création de Stabilité à l’Étranger (publiée en juillet 2011), que les trois départements d’État (Défense, Développement et Affaires étrangères) décrivent comme « la manière dont nous aurons recours aux outils de la diplomatie, du développement, militaire et de sécurité du Royaume-Uni dans le cadre d’une approche intégrée pour identifier, prévenir et en finir avec l’instabilité et les conflits à l’étranger ».
Or l’article 61 du Consensus est très clair :
« Dans des circonstances très précises, l'aide humanitaire peut s'appuyer sur des moyens militaires, notamment pour le soutien dans les domaines de la logistique et des infrastructures principalement en cas de catastrophes naturelles. (…) Afin que la distinction entre opérations militaires et aide humanitaire reste bien claire, il est essentiel que les moyens et capacités militaires ne soient utilisés que dans des cas très limités et en dernier ressort pour l'appui d'opérations d'aide humanitaire, c'est-à dire (…) seulement si le recours à des moyens militaires, uniques en termes de capacité et de disponibilité, peut répondre à un besoin humanitaire essentiel. »
Le recours aux tactiques visant à gagner « le cœur et l’esprit » afin de convaincre les autorités étatiques nationales ou internationales a été particulièrement litigieux, car il met au défi la distinction entre l’action humanitaire et militaire, distinction essentielle pour la sécurité des personnes affectées et des travailleurs humanitaires.
Le volet assistance de ces missions figure dans des projets à impact rapide (QIP). Ces projets sont souvent (mais pas exclusivement) mis en œuvre par des forces militaires ou des parties contractantes privées. Leur but : faire bénéficier rapidement les états et les communautés d’infrastructures à petite échelle, comme la construction d’une route ou d’une école. Malgré leurs objectifs à court terme en matière de sécurité ou de profit politique, force est de constater que ces projets atteignent rarement l’efficacité et la rentabilité prévues. Des études récentes ont par ailleurs souligné que, loin d’avoir « le cœur et l’esprit conquis », les communautés locales restent souvent sceptiques quant à la plus-value des QIP. L’impact très limité de tels projets est de plus en plus évident (au Kenya, en Afghanistan et au Pakistan).
La doctrine militaire émergente n’a guère contribué à renforcer la séparation entre les forces militaires et les organisations humanitaires. Par exemple, un référentiel américain a identifié les organisations humanitaires comme étant des « sources indépendantes et souvent crédibles dans les régions où elles travaillent », avec des activités humanitaires désormais considérées comme une composante de base visant à gagner « le cœur et l’esprit (…) des insurgés et extrémistes ».
L’exploitation de l’humanitaire dans ce sens représente une menace importante pour la légitimation de l’aide humanitaire. Son impact négatif est d’autant plus exacerbé lorsque les forces militaires ne veillent pas suffisamment à se distinguer du personnel humanitaire ou qu’elles encouragent la confusion entre les fonctions militaire, politique et humanitaire.
Du fait que les militaires sont de plus en plus présents dans le domaine de l’aide humanitaire, force est de constater que les pays qui comptent le plus d’attaques à l’encontre du personnel humanitaire sont également ceux qui sont occupés par des pouvoirs militaires étrangers. Il devient alors impératif que l’UE et ses États membres, travaillent plus étroitement avec l’ONU et les organisations humanitaires, pour analyser soigneusement l’efficience de l’engagement militaire, et qu’ils s’assurent qu’une distinction claire soit faite.
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Bon nombre de contingents militaires étrangers ont été impliqués dès le départ dans la réponse au tremblement de terre à Haïti en 2010. Ils ont joué un rôle utile, par exemple en permettant à l’aéroport de fonctionner. Néanmoins, certains gouvernements nationaux ont passé outre la ligne directrice du «dernier ressort » dans l’exécution de leur réponse. C’est le cas du gouvernement espagnol qui a fait parvenir une grande partie de son budget urgence à Haïti par l’intermédiaire de ses forces armées. 450 soldats ont ainsi apporté une aide, via des bateaux amphibies, à une ville côtière où les ONG fournissaient déjà eau et assainissement, risquant ainsi une confusion des genres et compromettant l’efficience de la réponse du fait d’une coordination limitée. » Je peux témoigner que quelques mois plus tard il y avait moins d’armées candidates au Pakistan suite aux inondations de l’été 2010 !
Une preuve de plus que le vrai humanitaire est local, conduit par des locaux même si des financements extérieurs sont indispensables. Le vrai humanitaire d’urgence c’est le plan ORSEC4.
Deux questions pour l’avenir :
L’UE et les États membres ont exprimé leur engagement vis-à-vis des principes humanitaires, comme confirmé dans le Consensus Humanitaire, qui fournit un cadre politique fort. Toutefois, le fait que celui-ci ne soit pas appliqué de manière cohérente est problématique et ceci a des conséquences négatives à la fois pour les acteurs humanitaires et les populations touchées par les crises.
Le CICR a ouvert un débat sur les besoins futurs en matière d’évolutions du droit humanitaire. Il faut noter
La protection des personnes privées de liberté lors des conflits armés
La protection des déplacés
La lutte contre le terrorisme qui a conduit à des violations massives du droit humanitaire, détentions arbitraires, torture, assassinats
La protection de l’environnement
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1 Le débat stratégique américain. Militarisation de l’humanitaire, privatisation du militaire, Cirpes, Cahier d’études stratégiques, 36-37, 2004
2 Réconcilier la politique et la pratique, Le consensus européen sur l’aide humanitaire et les principes humanitaires, Caritas Europa, octobre 2011
3 Basé sur l’initiative GHD (Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire (GHD),), le Consensus Européen sur l’aide humanitaire a été adopté en 2007 comme cadre politique (accompagné d’un plan d’action arrêté de mai 2008). Le Consensus Humanitaire est une Déclaration commune du Conseil de l’Union européenne, du Parlement européen, de la Commission européenne et des États membres. Cette déclaration présente une vision commune sur l’aide humanitaire au niveau de l’UE.
Le Consensus Humanitaire établit la primauté des principes humanitaires et du droit international (notamment le DHI, le droit relatif aux droits de l’homme et le droit des réfugiés), établit de manière concrète une distinction claire entre l’aide civile et militaire en cas de crises humanitaires, et affirme que l’aide humanitaire n’est pas un instrument de gestion de crise
4 Décret du 13 septembre 2005, article 1er :
Le plan ORSEC s’inscrit dans le dispositif général de la planification de défense et de sécurité civiles. Il organise la mobilisation, la mise en œuvre et la coordination des actions de toute personne publique et privée concourant à la protection générale des populations.
Chaque personne publique ou privée recensée dans le plan ORSEC :
a) Est en mesure d’assurer en permanence les missions qui lui sont dévolues dans ce cadre par le préfet de département, le préfet de zone ou par le préfet maritime ;
b) Prépare sa propre organisation de gestion de l’événement et en fournit la description sommaire au représentant de l’Etat ;
c) Désigne en son sein un responsable correspondant du représentant de l’Etat ;
d) Précise les dispositions internes lui permettant à tout moment de recevoir ou de transmettre une alerte ;
e) Précise les moyens et les informations dont elle dispose pouvant être utiles dans le cadre de la mission de protection générale des populations relevant du représentant de l’Etat et des missions particulières qui lui sont attribuées par celui-ci.
Lorsque plusieurs personnes publiques ou privées exécutent une même mission, elles peuvent mettre en place une organisation commune de gestion d’événement et désigner un responsable commun correspondant du représentant de l’Etat.
Ces dispositions sont transmises au représentant de l’Etat et tenues à jour par chaque personne publique ou privée.