Présentation des organisateurs
Objectif : L’immigration provoque beaucoup de
questions : « La France pourra-t-elle assimiler ou
intégrer une diversité de cultures aussi grande ? Sommes-nous
appelés à devenir une société pluriethnique ? Comment conserver
notre identité française ?
Avons-nous les moyens
d’accueillir toute la misère du monde ou ne devrions-nous
pas aider davantage les pays les plus pauvres à se développer
? Est-ce que leur présence nous appauvrit ou nous
enrichit ?... »
Face à ces questions, nous souhaitons
raison garder, analyser de façon objective les flux migratoires, en
mesurer les chances et les difficultés, mais aussi porter un regard
habité par l’espérance sur ce monde en mutation.
Contenu : Denis Vienot, avec son expérience et sa capacité d’analyse nous aidera à percevoir les enjeux des phénomènes migratoires et à les replacer dans le contexte politique, économique et religieux. Il nous dira aussi comment nous pouvons vivre une rencontre de l’autre (en France et à l’étranger) qui soit vraiment respectueuse et enrichissante pour les deux parties, et qui permette un vivre-ensemble local et planétaire. Enfin, il nous rappellera comment la foi invite à réfléchir et engage à ouvrir des voies nouvelles.
Denis VIENOT, est secrétaire général de Justice et Paix, ancien secrétaire général du Secours Catholique, ancien président de Caritas Europe et de Caritas Internationalis. Après des études juridiques. Après des études juridiques (Diplôme d’Études Supérieures de Droit Public, Diplôme d’Études Supérieures de Sciences politiques) et une expérience de six ans en milieu bancaire axée principalement sur les financements internationaux, il est entré au Secours catholique Caritas France en 1975 |
Cadrage de la question en France
« Des chiffes contre les phantasmes » en France (Alternatives économiques, Les chiffres de l’économie 2013) |
Pour 65 millions d’habitants en France, le solde migratoire est de 75 000 personnes, 200 000 entrées moins 125 000 sorties
Les 200 000 :
Un quart d’Européens, environ 50 000 personnes
Les autres :
80 000 regroupements familiaux dont 50 000 conjoints
Immigration liée au travail : 20 000
Etudiants: 65 000 en 2010 (contre 17 000, 1995) mais seuls 6000 ont pu rester pour travailler en France après leurs études.
Le flux des entrées est supérieur à celui des années 90 mais il est de la moitié de celui des années 55-75
La France accueille moins d’immigrés que ses voisins du fait de sa démographie relativement dynamique
C’est l’immigration familiale qui est majoritaire actuellement
Il y a 5,8% d’étrangers (c’est à peu près la moyenne des 40 dernières années).
En Espagne 12%
En Allemagne 9%
En Italie et en Grande Bretagne 7%.
En France les immigrés (personne née à l’étranger ; elle peut avoir la nationalité du pays d’accueil par naturalisation) sont 5,4 millions soit 8,4% de la population ; 38% sont devenus Français.
On croit souvent que les immigrés coûtent chers. C’est faux. En effet certes ils sont surreprésentés parmi les bénéficiaires des prestations sociales mais leur grand nombre dans les classes d’âge actives –peu d’enfants et de personnes âgées- fait qu’ils coûtent moins en matière d’éducation et de retraites ; en outre ils consomment une grande part de leurs revenus ce qui procure des recettes de TVA.
En 2005, recettes en provenance des immigrées : 72 milliards d’euros
Dépenses : 68 milliards d’euros
Demandeurs d’asile
En 2011, dans l’Union européenne 327 000 demandes, +19% / 2010
La France est en nombre, 57 000, le second pays de réception au monde après les USA mais en demandeurs par habitants elle est la 14ème au monde et la 9ème en Europe
Dans le monde les plus nombreux viennent dans l’ordre, d’Afghanistan, de Chine
10
En France :
2011 |
2010 |
ÉVOLUTION (2011 / 2010 %) |
|
Bangladesh |
3 462 |
3 061 |
13,1% |
Rép. Dém. Congo |
2 827 |
2 616 |
8,1% |
Arménie |
2 651 |
1 278 |
107,4% |
Sri Lanka |
2 544 |
2 265 |
12,3% |
Russie |
2 205 |
2 424 |
-9,0% |
Chine |
1 991 |
1 805 |
10,3% |
Haïti |
1 831 |
1 500 |
22,1% |
Kosovo |
1 822 |
3 267 |
-44,2% |
Guinée |
1 598 |
1 712 |
-6,7% |
Turquie |
1 488 |
1 240 |
20,0% |
Autres pays |
18 045 |
15 763 |
14,5% |
Sous total pays du top ten |
22 419 |
21 168 |
5,9% |
Total 1ères demandes |
40 464 |
36 931 |
9,6% |
Le taux de rejet français est élevé, 89% en 2010 contre 75% en Europe.
Première partie : Les enjeux des phénomènes migratoires
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Chapitre « Europe. Populations en mouvements », pages 64 & 65
Sur fond de bouleversements politiques en Afrique du Nord et au Moyen- Orient, des milliers de réfugiés et de migrants en quête de sécurité et d’un avenir sûr se sont lancés dans une dangereuse traversée maritime vers l’Europe à bord d’embarcations souvent bondées et impropres à la navigation.
D’après des estimations prudentes, au moins 1 500 hommes, femmes (dont certaines enceintes) et enfants ont péri noyés au cours d’une telle tentative. Plutôt que de prendre des mesures pour sauver des vies, par exemple en augmentant le nombre d’opérations de recherche et de secours, l’Union européenne (UE) a préféré renforcer les capacités de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex1) afin de dissuader ceux qui voudraient gagner l’Europe en traversant la Méditerranée. Selon certaines informations, les forces de l’OTAN n’ont pas secouru des personnes en perdition en mer, alors même que leur intervention en Libye était présentée comme une opération visant avant tout à éviter des victimes civiles.
Ceux qui sont malgré tout parvenus sur l’autre rive de la Méditerranée y ont trouvé une Europe souvent peu désireuse de les accueillir. Au lieu d’apporter une réponse humanitaire à une crise humanitaire, les pays européens ont continué de se focaliser sur la police des frontières et le contrôle des flux migratoires.
Les milliers de personnes qui sont parvenues à atteindre l’île italienne de Lampedusa ont été reçues dans des conditions déplorables, les autorités italiennes n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour faire face au nombre croissant d’arrivants.
Les nouveaux arrivants sur l’île étaient souvent abandonnés à eux-mêmes ; un grand nombre étaient contraints de dormir dans des conditions rudimentaires et n’avaient qu’un accès limité, ou pas d’accès du tout, à des installations sanitaires et à des salles d’eau. Le fait d’atteindre les côtes européennes n’était pas non plus une garantie de protection. Ainsi, en avril, aux termes d’un accord conclu entre l’Italie et la Tunisie, les autorités italiennes ont commencé à renvoyer des Tunisiens sommairement et collectivement dans leur pays.
Les pouvoirs publics ont eu largement recours au placement en détention à des fins de dissuasion et de contrôle, au lieu de n’utiliser cette mesure qu’en dernier ressort et de manière légitime.
De nombreux États européens, dont la France et le Royaume-Uni, ont par ailleurs refusé de réinstaller des réfugiés qui avaient fui la Libye en raison du conflit armé, alors même qu’ils étaient partie à ce conflit sous la bannière de l’OTAN.
Dans toute la région, des États ont continué de commettre des violations des droits humains en interpellant, en plaçant en détention et en expulsant des étrangers, même lorsque ces derniers avaient vocation à recevoir une protection internationale. Les pouvoirs publics ont eu largement recours au placement en détention à des fins de dissuasion et de contrôle, au lieu de n’utiliser cette mesure qu’en dernier ressort et de manière légitime.
Souvent, les dispositifs d’asile ne remplissaient pas leur rôle auprès des personnes en quête d’une protection. Ainsi, dans des pays comme l’Allemagne, la Finlande, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède ou la Suisse, la procédure de détermination du droit à l’asile était expéditive et ne garantissait pas que des personnes ne seraient pas renvoyées dans des endroits où elles risquaient d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux.
Des personnes ont été renvoyées de Turquie et d’Ukraine sans même avoir eu accès à la procédure d’asile dans ces pays.
À la suite de l’arrêt historique rendu en janvier 2011 par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce, les États européens ont suspendu les renvois de demandeurs d’asile vers la Grèce aux termes du Règlement Dublin II, ce pays ne disposant pas d’un système d’asile efficace. Certains États continuaient néanmoins de renvoyer des personnes vers des pays comme l’Irak ou l’Érythrée, contre l’avis du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ou de renvoyer de force des Roms au Kosovo alors qu’ils risquaient réellement d’y être victimes de persécutions et de discriminations.
À l’échelle régionale, plusieurs centaines de milliers de personnes étaient toujours déplacées en raison des conflits ayant accompagné l’effondrement de la Yougoslavie ou de l’Union soviétique. Souvent, elles ne pouvaient pas rentrer chez elles à cause de leur statut – ou absence de statut – au regard de la loi et en raison de discriminations les empêchant de faire valoir leurs droits, notamment en matière immobilière.
Soucieux avant tout de négocier une nouvelle législation communautaire en matière d’asile, les États membres de l’UE n’ont pas remédié aux carences de leurs systèmes respectifs d’asile ni à celles des accords de renvoi des demandeurs d’asile vers le pays d’entrée dans l’UE.
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Denis Viénot, La Justice dans la peau, Paris, DDB, 2010
« Où vont aller les réfugiés de l’environnement ? » Page 75
J’avais été fortement sensibilisé au sujet, un an auparavant, en Nouvelle-Zélande lors de la Conférence régionale de Caritas Océanie.
Le sujet principal est le changement climatique ! La région Océanie pousse cette question dans la confédération. Le père Michael MacKensie de Kiribati présente la situation dans son pays, un archipel situé à la fois en Polynésie et en Micronésie, entre les îles Marshall et Hawaï au Nord et les îles
Salomon.
Le Kiribati est composé de trente-trois îles dont l’altitude varie entre deux et trois mètres. La température de l’eau a augmenté depuis 1950, passant de 28 à 29 degrés.
Ces îles sont très vulnérables au réchauffement climatique jumelé à des destructions de l’environnement. Déjà les grandes marées font des dégâts importants. Le stock de poisson baisse. Les pluies sont plus rares et l’agriculture est affectée. Où vont aller les réfugiés de l’environnement ?
La secrétaire générale, Lesley- Anne Knight, prend la parole à Genève devant le Forum humanitaire global lors de sa session sur le changement climatique, fin juin 2009, présidée par Kofi Annan, l’ancien secrétaire général des Nations unies :
« Il est nécessaire de développer la prise de conscience des effets du changement climatique sur tout ce que nous faisons. Cela n’aurait pas d’intérêt de mettre en place des programmes agricoles, des projets relatifs à l’eau, à la santé, aux migrations, à la paix, sans prendre en compte l’effet du changement climatique sur l’avenir de ces activités. »
Dans ce contexte et pour faire face aux challenges du futur, les gros consommateurs doivent accepter une diminution de leurs niveaux de vie, « conduire de plus petites voitures, prendre moins de vacances à l’étranger, ne pas consommer des fruits et des légumes exotiques toute l’année, et peut-être payer un peu plus d’impôt »2
D’ici à 2050 environ 200 millions de personnes pourraient devoir quitter leur foyer sous l’effet des conditions climatiques.
Et il y a un grand flou concernant leur statut juridique et de ce fait leurs droits.
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Les transferts d'argent des migrants tant internes qu'internationaux peuvent représenter un poids économique très important pour les ménages récipiendaires, mais également pour les Etats d'origine des diasporas. Les transferts d'argent des migrants constituent certainement l'apport le plus visible des migrants pour le développement de leurs familles et pays d'origine. Depuis quelques années, ces flux sont en forte croissance, trois fois plus importants que les budgets de l'APD au niveau global.
La fuite des cerveaux : les migrations de personnes fortement qualifiées ont considérablement augmenté au niveau international depuis les années 1990.
Les mobilités peuvent impliquer un déficit de compétences dans certaines zones et secteurs sensibles ne parvenant pas à les retenir faute d'opportunités socio-économiques.
Les collectivités locales de zones reculées ne parviennent pas toujours à recruter des personnels qualifiés faute de budget et d'infrastructures locales suffisamment attractives, pénalisant ainsi fortement le processus de décentralisation. Si les migrations bénéficient aux individus, puisque les revenus privés des migrants augmentent, certains Etats ou collectivités locales voient s’amenuiser leur capital humain sans pouvoir financer l’éducation des générations suivantes, du fait de l’absence de ressources fiscales issues d'une population active qualifiée plus imposable.
Alors que le nombre de migrants internationaux faiblement qualifiés (éducation primaire) n'a que marginalement augmenté au sein de l'UE durant la période 1990-2000, le phénomène s’est inversé. En moyenne, près d'un quart des immigrés vers l'OCDE ont un niveau d'éducation supérieure. L'attractivité des pays de l'OCDE pour les plus qualifiés peut porter préjudice à certains pays en développement dont le capital humain reste fragile.
Le secteur de la santé et l'émigration des travailleurs qualifiés dans ce domaine, vers les pays à revenus élevés affecte plus particulièrement les systèmes de santé des pays d'origine.
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C’est le titre d’un article récent d’Alternatives économiques.
Les conditions de vie des immigrés sont moins bonnes que celle des autres résidents. Celles de leurs enfants sont meilleures mais moins que celles du reste de la population.5
Dans les années 70 l’immigration venait principalement de 6 pays, Algérie, Maroc, Tunisie, Espagne, Italie, Portugal, depuis le début des années 2000 cela a changé : en 2008 la population étrangère venait d’Afrique subsaharienne, d’Asie, de Turquie et de pays d’Europe de l’Est.
45% des immigrés non européens vivent dans des logements de bonne qualité contre 75% des ménages français.
Souvent les écarts résultent d’un cumul de facteurs, âge, niveau d’éducation, conditions d’emploi etc.
Cinq ans après leur sortie du système éducatif 82% des descendants d’immigrés d’Europe du sud ont un emploi, ce qui est peu différents des natifs. Or seuls 61% des descendants d’immigrés d’Afrique en occupent un. Cela s’explique par le poids du diplôme dans l’accès à l’emploi.
Le taux de chômage des étrangers surreprésentés dans les métiers pénibles est deux fois supérieur à celui des Français, et plus encore pour les femmes et les étrangers hors Union européenne.6
Les étrangers sont plus souvent ouvriers et artisans que cadres.
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A partir des situations accueillies.
En 2011, 30% des situations de pauvreté concernent des étrangers. Dix ans plus tôt, leur part était de 23%.
En dix ans, le profil de ces étrangers a changé : le Secours Catholique rencontre aujourd’hui davantage de femmes, de familles et moins d’hommes seuls.
L’origine de ces étrangers a également beaucoup évolué : contrairement aux idées reçues, la part des Maghrébins est passée de 54 à 27 % des étrangers rencontrés. A l’inverse, il y a plus de personnes migrantes d’Afrique sub-saharienne et d’Europe de l’Est.
Les étrangers sont souvent présents depuis longtemps, sur le territoire français. En 2011, ils sont 42 % à vivre en France depuis plus de cinq ans, alors qu’en 2002 ils n’étaient que 18 %.
Cela montre que leurs conditions de vie se sont dégradées, dans la mesure où 5 ans après leur arrivée sur le territoire, ils ont encore besoin d’avoir recours à l’aide d’une association.
Les personnes sans papiers ne représentent en 2011 qu’une faible part des étrangers rencontrés (6 %).
Le droit du travail doit être reconnu pour les demandeurs d’asile. La durée de validité des cartes de séjour doit être rallongée, et les taxes exigées fortement réduites pour permettre aux personnes d’origine étrangère d’accéder plus facilement à des emplois.
La France sait-elle encore intégrer les immigrés ? |
Une vision optimiste
L’intégration à la française, ça marche!
« Autrefois, on le disait aveuglément, fiers de notre modèle. Depuis, le pessimisme s’est imposé et il est communément admis que l’intégration ne fonctionne plus ! En réalité, si l’on considère des indicateurs tangibles, comme le niveau de diplôme obtenu par les générations suivantes, la mobilité sociale, les mariages exogames, la majorité s’intègre, se fond dans la foule et disparaît des écrans. C’est en France que les immigrés et leurs enfants se sentent aussi le plus intégrés.
On y observe que seuls 16 % d’immigrés ayant la nationalité française ont peu ou pas le sentiment d’être Français, ce qui est bien inférieur, semble-t-il à d’autres enquêtes effectuées à l’étranger, mais ils sont encore 10 % à être dans ce cas pour les descendants de deux parents immigrés qui sont pour le plus grand nombre Français par le droit du sol.(…)
Les ratés de l’intégration, même minoritaires, sont particulièrement graves et douloureux. Lorsqu’une partie de la jeunesse des banlieues développe une contre-culture hostile à la France, se montre violente, les dégâts sont impressionnants.
Lorsque certains revendiquent des droits particuliers qui heurtent la laïcité et la conception que nous avons de l’égalité homme-femme, les frictions sont fortes. La méfiance s’installe. Et ce terreau nourrit les craintes et les extrémismes. »
Des enfants plus diplômés que leurs parents. Mais ils sont retard par rapport à la population majoritaire mais les garçons sont en retard sur les filles.
S’agissant de l’emploi, pour l’ensemble de la population, le taux d’emploi est de 81 % pour les hommes, et de 72 % en moyenne chez les femmes. En comparaison : selon l’origine, les taux d’emploi les plus forts s’observent chez les immigrés d’Espagne, d’Italie et du Portugal. Cela s’explique en partie par un effet de structure : les immigrés en provenance de ces pays sont en moyenne plus âgés que les autres. Pour les hommes, les taux d’emploi les plus faibles s’observent chez les descendants d’immigrés, en particulier les descendants d’immigrés d’Afrique subsaharienne (53 %), d’Asie du Sud-Est (60 %), du Maroc et Tunisie (61 %), de Turquie (67 %) et d’Algérie (69 %), alors que le niveau d’emploi est nettement plus élevé chez les descendants d’immigrés des pays de l’Europe du Sud (Portugal, 82 % ; Espagne et Italie, 86 % ou l’Union européenne, 81 % et proche du taux d’emploi de la population majoritaire, 81 %).
S’agissant de la seconde génération, on observe sans conteste une intégration par le travail marquée par une mobilité sociale. (…) Si les pères immigrés appartenaient aux professions peu qualifiées, notamment ouvrières, leurs fils accèdent plus fréquemment à des postes d’ouvriers qualifiés (74 % contre 62 % pour leurs pères). Ils ont connu, comme l’ensemble de la population, une mobilité professionnelle du fait de la baisse du travail non qualifié, de la tertiarisation des emplois, mais également de l’élévation du niveau de formation. Les fils occupent plus fréquemment des professions intermédiaires (22 %), voire de cadres (12 %), pour respectivement 7 % et 4 % pour leurs pères.
S’agissant des filles, 57 % d’entre elles sont employées. Elles accèdent aux professions intermédiaires dans des proportions équivalentes à celles des fils d’immigrés (22 %), mais sont moins souvent cadres (9 %). Signalons la réussite des descendants d’Asie du Sud-Est dont 27 % sont cadres.
Pour l’ensemble de la population, les chiffres sont respectivement de 24 % pour les professions intermédiaires, et 14 % pour les cadres.
Dans leur ensemble et quelle que soit la date de rencontre de leur conjoint (avant ou après la migration), la moitié des immigrés de 18 à 60 ans ont un conjoint immigré originaire du même pays.
L’union entre conjoints de mêmes origines domine pour certaines origines (82 % pour les originaires de Turquie, par exemple), mais devient minoritaire pour les immigrations plus anciennes (venues d’Espagne ou d’Italie).
Par ailleurs un peu plus de quatre immigrés sur dix vivent avec un conjoint né en France et dans 90 % il s’agit d’une personne de la population majoritaire
Le Haut Conseil relève un chiffre selon lui très marquant de la réalité de l’intégration des immigrés dans notre pays, au regard des cas étrangers : 65% des descendants d’immigrés vivent en couple avec des personnes de la « population majoritaire ». De façon générale, ce sont les hommes descendants d’immigrés qui épousent des femmes de la population majoritaire.
La part de mariages mixtes témoigne aussi du degré d’acceptation par la société d’accueil des immigrés et de leurs enfants. De ce point de vue, les comparaisons internationales sont éclairantes. Ainsi, en 2006, aux États-Unis, les couples mixtes composés d’une femme à la peau blanche et d’un homme à la peau noire (ou l’inverse) représentaient 0,67 % des couples mariés. Or, si les appariements se faisaient au hasard, on devrait compter au moins 11 % de mariages interraciaux.
Les immigrées, entrées avant l’âge de 13 ans en France, ont à peine plus d’enfants que les femmes nées en métropole. Enfin, après une génération d’adaptation, les femmes dont les deux parents sont immigrés ont à peu près la même fécondité que celles des familles d’origine française.
S’attaquer réellement aux ghettos communautaires
« Un immigré sur cinq (19 %) vit dans une ZUS / zone urbaine sensible, soit près d’un million de personnes. La proportion d’immigrés y est 2,5 fois supérieure à la moyenne nationale (18,3 % contre 7,3 %). Bien entendu, ici encore, ces chiffres ne prennent pas en compte les enfants d’immigrés nés en France, et devenus, de ce fait, Français. Pour 4,6 millions d’habitants de ces quartiers en 2004, un quart fait partie de ménages dont la personne de référence est étrangère. 83 % des immigrés résidant en ZUS sont originaires de pays tiers à l’Union européenne.
Les pays les plus représentés sont l’Algérie (21,5 %) et le Maroc (20,1 %) ainsi que
la Turquie. Les communautés se rassemblent naturellement au départ, pour s’entraider.
Puis chacun évolue selon ses possibilités. Mais le logement social a figé les parcours. Désormais, certains immigrés se transmettent presque les appartements de père en fils. Les enfants s’installent dans le parc HLM, dans les mêmes cités, ce qui renforce encore la concentration. Dans certaines classes, comme à Évry, les enfants dont le français est la langue maternelle sont minoritaires.
En Grande-Bretagne, des études menées par le Comité pour l’égalité raciale ont montré qu’au-delà de 20 % de personnes de la même origine dans un quartier, l’intégration se faisait difficilement. Le HCI propose que pour éviter les ghettos, principal obstacle à l’intégration, les offices HLM disposent du lieu de naissance du demandeur et de ses parents. Le HCI est bien conscient que cette mesure va à l’encontre de l’égalité de traitement qui aurait dû prévaloir.
Chacun aimerait que la mixité se réalise naturellement. Mais ce n’est pas le cas : les concentrations communautaires se renforcent dans le logement social. On rencontre beaucoup plus de familles africaines ou maghrébines dans les ensembles les plus dégradés. Ce qui alimente grandement le communautarisme, subi ou revendiqué.
La Cour des comptes avait déjà évoqué cette question délicate du peuplement sans oser préconiser des mesures précises. C’est justement pour éviter cette relégation que le HCI propose que les HLM disposent de données pour mieux répartir les demandeurs notamment dans les quartiers les plus valorisés. Les préfets seront chargés de veiller à la bonne mixité sociale.
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Le quatrième sujet concerne les migrants :
dans notre pays qui se replie sans cesse un peu plus sur lui-même, les immigrés voient rogner leur droit au séjour et au travail et leurs droits sociaux et sont finalement victimes de mesures d’éloignement arbitraires. Les candidats à la présidence de la République et à la députation devront démontrer que cette France du rejet de l’étranger n’est pas celle qu’ils entendent construire. Ils devront promouvoir un pays où les valeurs de solidarité reprennent sens et où l’immigration, composante essentielle de la France, s’inscrit dans la normalité et la richesse de la vie nationale.
Le respect des pays du Sud – notamment africains, avec qui nous avons des liens d’amitié historiques et forts – devra se traduire dans des politiques migratoires transparentes, ambitieuses et justes.
L’apparition, depuis 2007, d’une nouvelle génération d’accords bilatéraux entre États8 illustre le manque de considération accordée aux pays du Sud. Négociés dans des conditions opaques, ces accords mêlent politique de développement et « prévention de l’émigration non souhaitée ». Ces accords comprennent trois volets. Ils limitent drastiquement les possibilités de migration légale. Ils luttent contre l’immigration irrégulière et comprennent, pour le pays signataire, des clauses de réadmission de ses propres ressortissants ainsi qu’une coopération policière accrue. Enfin, ils conditionnent la politique de développement « solidaire » à la collaboration des pays concernés dans la lutte contre l’immigration « illégale ». Un véritable chantage à l’aide au développement !
Alors même que les flux africains en direction de l’Europe sont minoritaires, le gouvernement actuel a fait preuve d’une volonté d’affichage en cherchant à signer le plus grand nombre d’accords possibles, y compris avec des pays insignifiants en termes d’émigration vers la France (comme le Cap-Vert). Certains accords se sont pourtant révélés impossibles à signer, notamment avec des pays clés en termes de migration : c’est le cas avec l’Algérie ou le Mali. Malgré les pressions exercées par le ministère français de l’Intérieur sur l’État malien, ce dernier a résisté au fait d’apporter sa signature. Pour le Mali, le très faible taux de régularisation de ses ressortissants présents en France (et qui risquent donc l’expulsion) est une question sensible : pour cause, le montant des transferts de fonds effectués par les Maliens vivant en France est estimé à 295 millions d’euros par an, soit 11 % du PIB du Mali, sans doute beaucoup comparé à ce que proposait l’accord avorté.
Pour le CCFD-Terre Solidaire, les migrants doivent voir leurs droits fondamentaux respectés et cesser de faire l’objet d’une instrumentalisation politique. Ces accords doivent être renégociés, sur une base juste, équitable et transparente, fondée sur le respect des droits des migrants. Et ils doivent impérativement être dissociés de la politique d’aide au développement.
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Elles concernent toutes les personnes et populations en difficulté en France :
simplification et réduction des procédures pour faciliter l’accès aux droits,
développement de l’offre de formation qualifiante tout au long de la vie,
renforcement des moyens de Pôle emploi pour l’accompagnement dans la durée des demandeurs d’emploi,
augmentation du RSA de 25 % durant le quinquennat,
création d’une allocation de soutien à l’autonomie des jeunes de moins de 25 ans,
garantie d’un accueil inconditionnel de toute personne, quelle que soit sa situation administrative, tout au long de l’année,
construction de 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux,
mise en place d’un “bouclier énergétique” pour les personnes en difficulté qui concernerait les dépenses de toutes formes d’énergie,
restauration du droit au travail pour les demandeurs d’asile.
Concernant l’accompagnement des migrants, trois propositions complémentaires sont mises en avant :
le développement du premier accueil et l’accès aux soins
l’insertion par l’apprentissage de la culture et du français
le soutien à l’intégration complète des personnes, emploi, logement par exemple.
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Lors d’un colloque Secours catholique – Caritas Europa en novembre 2012 sur la pauvreté des enfants les questions de migrations et de traite ont été abordées.
Une représentante de l’Agence de protection de l’enfance de Bulgarie expliquait les difficultés particulières des enfants Roms. Ils sont victimes du travail illégal des parents à l’étranger où ils sont aussi exploités. Quand ils restent au pays, gardés par exemple par leurs grands-parents ils y souffrent aussi de l’effondrement de la vie familiale, comme à l’étranger d’ailleurs.
Grâce à la pression de l’Union européenne une nouvelle politique de la justice des mineurs est en cours d’élaboration.
Il faut savoir que les acteurs de la traite sont peu condamnés en France. La traite est un crime même si la victime est consentante ; c’est la législation internationale.
Il n’y a en France chaque année que 500 condamnations pour proxénétisme aggravé ; 20% concernent des mineurs. Et 10 condamnations par an contre les clients.
En 2011 la peine moyenne pour proxénétisme aggravé n’était que de 3 ans de prison, l’amende de 7000 euros, alors que le trafic d’un enfant rapporte150 000 euros à son proxénète !
Un des grands problèmes des familles Roms est qu’elles sont coincées par des usuriers en Roumanie dont elles dépendant, et les dettes ne sont jamais soldées.
Caritas Europa fait des propositions en matière de traite des enfants qui tournent autour de la sensibilisation du grand public, de la prévention, de la signalisation des enfants et de leur réinsertion, comme par exemple.
Des formations spécifiques pour les travailleurs sociaux et médicaux, la police etl a gendarmerie, les magistrats
L’organisation de campagnes d’information dont en milieu scolaire dans les pays pauvres de départ
Par ailleurs en matière de migrations en général, les propositions relatives au enfants visent la préservation du cadre familial, le soutien aux enfants isolés dans leur pays ou dans le pays de migration. Caritas Belgique a ainsi mis en place un programme de tutorat pour les jeunes mineurs non accompagnés.
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Les assises de la solidarité internationale organisées par le gouvernement actuel visent à dégager des recommandations pour rénover la politique française de l’aide au développement accusée de manquer de clarté, de cohérence, de continuité.
Le ministre du développement, Pascal Canfin reconnait le choix d’un budget stable malgré le non-respect par la France des fameux 0,7% du PIB : pour 2013 il est prévu à 0,46% et seulement 0,48% en 2015. En 2009 le chiffre était de 0,47%.
Mais le gouvernement actuel recourt aux mêmes artifices que son prédécesseur en incluant des dépenses qui ne devrait pas y figurer. Et de ce fait plusieurs députés de gauche et écologistes estiment de pourcentage réel à 0,37 !
Et encore pire, la fraction de 10% de la taxe sur les transactions financières qui devait être versée au Fonds de solidarité pour le développement attendra puisqu’elle n’atteindra son plein régime que dans trois ans.9
Voilà qui ne va pas contribuer au développement des pays du Sud, donc à la maîtrise des migrations.
Par ailleurs, selon le ministre du développement les assises de la solidarité internationale qui s’ouvrent et doivent durer six mois préciseront la loi de programmation pluriannuelle de l’aide indispensable pour la vision à long terme du développement.
La question de la transparence et de l’efficacité de l’aide sera aussi abordée.
Il est évident que la pauvreté des pays du Sud engendre des migrations et que de ce fait les efforts des ONG en matière de plaider sont indispensables, au sein des plateformes « Paradis fiscaux et judicaires » animée par le CCFD, « Publiez ce que vous payez » animée par le Secours catholique, « Contrôle des armes » qui travaille sur le traité sur le commerce des armes. Justice et Paix est là aussi fortement engagé, comme le sont les réseaux internationaux, CIDSE, Caritas, Justice et Paix Europe.
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Il est revenu sur les restrictions dans l’accès à l’emploi des étudiants étrangers et sur la baisse des naturalisations
Le régime de la rétention pour les familles avec enfants a été adouci.
La « garde à vue » est en cours de modification. Un projet de loi est relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifie le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées : l’étranger en simple séjour irrégulier n’encourt pas l’emprisonnement et en conséquence ne peut plus être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure de flagrant délit.
Le même projet supprime le délit d’accueil d’étrangers en situation irrégulière.
La clarification des critères de régularisation est en cours.
Le droit de vote des étrangers a peut-être du plomb dans l’aile.
A titre de curiosité, noter qu’aux USA, Obama a renforcé le contrôle aux frontières, a accentué la pression sur les entreprises qui emploient des clandestins ; pendant son mandat de 4 ans 1 million de clandestins ont été expulsés ; il a donné le droit aux immigrants arrivés enfants de rester aux USA, ce qui concerne 1,1 million de sans-papiers de moins de 30 ans.10
Deuxième partie : Vivre la rencontre
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Pas d'angélisme : la rencontre avec les migrants est un choc. En quoi cette rencontre est un impératif pour les chrétiens? Comment en faire quelque chose de positif ?
« Comment se fait-il que les gens du Nord qui émigrent soient des expatriés ou des volontaires et que les gens du Sud qui émigrent soient des migrants ou des clandestins ? »
Cette phrase du document A la rencontre du frère venu d’ailleurs11, montre bien l’ambigüité de la question.
Il s’agit d’abord de clarifier des mots face à une législation débridée qui nourrit des réactions passionnelles. Ainsi 80% des quinze millions de réfugiés dans le monde vivent dans des pays en développement ; 1% en France. 8 500 y ont obtenu le statut en 2010.
Les immigrés représentaient en 2008 8,4% de la population française, contre 14% aux Etats Unis ou en Espagne (« Un immigré est une personne née à l’étranger, de parents étrangers et qui réside sur le territoire français. De nombreux immigrés ont donc la nationalité française »).
Et la France a un des taux d’immigration les plus faibles de l’OCDE :
Entrée d’immigrants permanents en pourcentage de l’ensemble de la population, 2009 (Le Monde, 15 mai 2012, « Immigration la nouvelle donne », El Mouhoud Mouhoud, page 21)
Allemagne 0.25%
France 0.30%
OCDE 0.61%
Italie 0.61%
Royaume Uni 0.66%
Espagne 0.75%
Suisse 1.51%
Le document analyse ensuite nos préjugés et les chances que constituent les migrations, leurs liens avec la mondialisation et enfin les richesses de la rencontre et de l’engagement accueillant.
L’exposé des chances face à ce que nous pouvons considérer comme des problèmes fait bouger les lignes. Leurs transferts financiers vers les pays d’origine financent le développement pour, au niveau mondial, des montants supérieurs à l’aide publique au développement ; celle de le France baisse malheureusement. L’apport de leurs cultures vient nourrir une identité collective dynamique : le couscous, le jazz, le sport, la recherche scientifique, la peinture, la littérature, la vie politique - un ancien président de la République dont le père est né étranger, Nicolas Sarkozy, un ministre de l’Intérieur naturalisé français il y a 30 ans, Manuel Valls. Et Isabelle Adjani, Charles Aznavour, Jeannette Bougrab, Jean-Marie Cavada, Rachida Dati, Louis de Funès, Max Gallo, Edgar Morin, Noah, Tzonga, Platini, Zidane, Sylvie Vartan.
Mais la migration est d’abord un choc pour le migrant qui découvre l’Occident, des fonctionnements incompréhensibles, une nouvelle langue à apprendre. Très souvent un décalage entre ses attentes et ce qui lui est offert.
Quel Français s’est-t-il trouvé dans une telle situation ? Voyager à l’étranger sans filet, sans contrat d’assistance, sans perspective de retour sécurisé ?
Pour la plupart des migrants reçus par des associations d’accueil, c’est la relation de confiance qui déterminera toute la qualité de l’accompagnement.
Certains isolés auront des parcours fulgurant d’intégration. Une jeune femme kazakhe arrivée il y a dix ans était cadre administrative et comptable dans une grosse entreprise. Elle mettra 4 ans à obtenir l’asile en France. C'est-à-dire quatre ans de travail au noir dans des ateliers de confection turcs, plus de 12 heures par jour, sept jour sur sept, pour moins de 1000€ par mois ; souvent sans logement donc vivant à la rue. Elle ne perdra jamais sa dignité. Il y a quelques années elle se pacsera avec un Français veuf gérant d’un salon de coiffure.
Parler du choc de la rencontre, c’est donc parler d’un choc réciproque. C’est aussi pour les Français une occasion de comprendre le monde, une chance comme un livre vivant d’histoire ou de géographie.
La jeune kazakhe, Natalia, évoquait un jour avec un bénévole les feux de cheminée. Pour lui, c’était la chaleur d’un week end à la campagne, les odeurs d’automne ; pour elle c’était le froid de la fin de la période de la chute du Mur de Berlin en 1989 quand tout partait à vau-l’eau, que la seule chaleur et la seule lumière provenaient d’un maigre feu de cheminée.
L’accueil de l’étranger est partie intégrante de la démarche chrétienne et de la démarche citoyenne au niveau mondial comme le précise la « déclaration sur les droits de l’homme des personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent » (Assemblée des Nations Unies, 13 décembre 1985). Elle leur reconnait :
Le droit à la protection contre toute ingérence arbitraire ou illégale dans leur vie privée et familiale, leur domicile ou leur correspondance
Le droit de choisir leur époux, de se marier, de fonder une famille
Le droit à la liberté de pensée, d'opinion, de conscience et de religion
Le droit de conserver leur langue maternelle, leur culture et leurs traditions
Le droit de transférer à l'étranger leurs gains, leurs économies
Le droit à la propriété
Le droit de circuler librement et de choisir leur résidence
Le droit pour le conjoint et les enfants mineurs ou à charge d'un étranger qui réside légalement sur le territoire d'un Etat de l’accompagner ou de le rejoindre et à demeurer avec lui.
Le droit à des conditions de travail sûres et salubres, à un salaire équitable et à ce que les femmes se voient garantir des conditions de travail non inférieures à celles dont bénéficient les hommes et un salaire égal pour un travail égal
Le droit à la protection sanitaire, aux soins médicaux, à la prévoyance sociale, aux services sociaux, à l'éducation, au repos et au loisir.
La rencontre et l’accueil sont donc des impératifs citoyens et un processus d’accueil auxquels les chrétiens sont invités. Ils sont nombreux à s’y engager par des relations fraternelles et la défense des droits.
Le document « A la rencontre du frère venu d’ailleurs » invite à l’engagement collectif au sein de réseaux actifs, invite à l’engagement individuel.
Jean Paul II plaide lors de la journée mondiale du migrant et du réfugié de 2005 pour une vision positive de l’intégration :
«On doit exclure aussi bien les modèles fondés sur l’assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu’aux choix de l’apartheid. La voie à parcourir est celle de l’intégration authentique dans une perspective ouverte, qui refuse de considérer uniquement les différences entre les immigrés et les populations locales ».
Mais pour bien réaliser les tensions rencontrées on ne peut ignorer les systèmes de valeur et de représentation, les mythes, les symboles et les pratiques qui supportent et règlent notre vie personnelle et sociale.
Nous sommes sous l’influence des droits de l’homme, qui portent une vision positive de tout être humain ; mais nous sommes aussi influencé par des peurs et des représentations négatives de l’étranger, du Rom par exemple aujourd’hui.
« Le poids des contraintes matérielles des classes populaires n’est pas à négliger dans la représentation de l’étranger : quand on connait des conditions de vie difficiles, le chômage, on se sent menacé Dans un contexte de crise économique et d’identité culturelle, l’étranger devient une concurrent et un facteur d’insécurité face à un avenir incertain. »12
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Denis Viénot, La Justice dans la peau, Paris, DDB, 2010
« Interreligieux, un dialogue de vie », page 196
La réunion des Caritas du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord d’avril 2006 à Chypre est une occasion de réflexion sur le dialogue interreligieux, sur sa mise en pratique concrète. Car la mission de Caritas est de pratiquer ce dialogue, de le mettre en actes.
Mgr Jean Sleiman, président de Caritas Irak et archevêque latin de Bagdad, analyse :
« Si la globalisation favorise l’avènement d’une humanité plus unie malgré son pluralisme, elle n’en charrie pas moins de graves risques totalitaires inhérents à toute visée hégémonique. Le modèle dominant, conforté par le capitalisme et les médias, lamine les cultures et irrite les identités culturelles et religieuses particulières, suscitant les réactions de refus et de repli, voire même des résistances intégristes extrêmes qui fanatisent le religieux et radicalisent le politique. Le terrorisme devient guerre sainte. L’intolérance est légitimée au nom de la religion et de Dieu lui-même. […]
Face à ces contradictions, le dialogue interreligieux a pour mission de promouvoir un universalisme respectueux des singularités et valorisant les diversités. […]
Le dialogue du vivre ensemble prépare celui de l’agir ensemble. Les grandes causes de l’humanité rassemblent de plus en plus des croyants de toutes les fois : la promotion de la paix, de la justice, de la liberté religieuse, de l’égalité entre l’homme et la femme, la défense des droits des enfants exploités soit par le travail, soit par le sexe, la protection des ressources naturelles et de l’environnement, la lutte contre la discrimination, contre le chômage, le racisme, etc. »
Ibrahim Shamseddine, chiite libanais, président de Imam M.M. Shamsuddin Foundation for Dialogue à Beyrouth, montre lui comment le dialogue entre les chrétiens et les musulmans n’est pas un effet de mode mais répond à une obligation, aux besoins des deux religions de conduire un « dialogue de vie ». Elles ont en commun la croyance en un Dieu créateur de toute chose, en un Dieu créateur de l’homme ; en commun aussi la croyance en la résurrection, en la dignité de la personne et en la nécessaire unité de la famille humaine.
Musulmans et chrétiens font face aux mêmes challenges de la pauvreté, de la famine, du sous-développement, des armes nucléaires, des forces de la nature. Le tsunami de fin 2004 n’a pas trié ses victimes selon leur foi ; elles étaient musulmanes, chrétiennes, hindouistes, bouddhistes.
Le partenariat interreligieux ne consiste pas à fusionner ou à créer une troisième religion. L’idée essentielle est l’acceptation mutuelle ; c’est un dialogue de vie. Chaque religion a deux espaces, celui de ses croyants et de ceux qui sont culturellement attachés à sa foi, celui de l’espace commun où elle se joint à l’autre pour faire face ensemble aux problèmes de l’humanité afin de mettre l’homme sur le chemin de Dieu et pour le restaurer dans sa foi.
Le dialogue interreligieux en actes est pratiqué par nos membres: Caritas Mauritanie ou Caritas Irak et leurs personnels largement musulmans, nos multiples actions et coopérations avec les communautés et populations musulmanes en Europe, en Asie, au Moyen-Orient, avec les populations hindouistes en Inde et au Népal, notre programme au Darfour construit avec des organisations protestantes et qui bénéficient à 99,9 % à des musulmans. .Au Sri Lanka, suite au tsunami, la procédure des appels d’offres a veillé à permettre le choix de fournisseurs des diverses religions, chrétiens, hindous, bouddhistes, musulmans.
En Indonésie, le plus grand pays musulman du monde, les chrétiens sont environ 8 %, les hindous 2 % et les bouddhistes 1 %. Un bon quart de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’islam fondamentaliste monte. L’Église était traditionnellement engagée dans les écoles. Depuis quelques années elle est plus critique envers le régime. Elle vient de lancer une campagne contre la « culture de corruption » et veut agir contre la violence et pour la protection de l’environnement.
Le cardinal Julius Darmaatmadja insiste sur le fait que les difficultés ne sont pas religieuses mais économiques et ethniques. Il pousse à la collaboration avec les musulmans. Les catholiques risquent d’être coincés entre deux fondamentalismes, celui de certains musulmans et celui de protestants américains. Là aussi les sectes pullulent. C’est le vivre ensemble qu’il faut développer. D’abord le social, pas la liturgie : « Il n’y a pas de spécificités catholiques, il y des spécificités humaines. »
Troisième partie : la Foi chrétienne invite à des voies nouvelles
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C’est le dialogue entre les chrétiens et les autres religions
réalisé dans un respect de liberté, d’ouverture, d’écoute afin d’apprendre à se connaître, à apprécier à la fois nos différences et les valeurs communes qui nous lient les uns aux autres. La déclaration du Concile œcuménique Vatican II -Nostra Aetate- en est le document fondateur. (28 octobre 1965)
Préambule :
(…)
Tous les peuples forment, en effet, une seule communauté ; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter tout le genre humain sur toute la face de la terre; ils ont aussi une seule fin dernière, Dieu, dont la providence, les témoignages de bonté et les desseins de salut s’étendent à tous, jusqu’à ce que les élus soient réunis dans la Cité sainte, que la gloire de Dieu illuminera et où tous les peuples marcheront à sa lumière.
L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes après les avoir ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne.
Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.
5. La fraternité universelle excluant toute discrimination
Nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains des hommes créés à l’image de Dieu. La relation de l’homme à Dieu le Père et la relation de l’homme à ses frères humains sont tellement liées que l’Écriture dit : « Qui n’aime pas ne connaît pas Dieu » (1 Jn 4, 8). Par-là est sapé le fondement de toute théorie ou de toute pratique qui introduit entre homme et homme, entre peuple et peuple, une discrimination en ce qui concerne la dignité humaine et les droits qui en découlent.
Pour Jean-Claude Basset, spécialiste suisse de l’interreligieux, les religions doivent se voir comme des sources et non pas comme des forteresses13 :
« Il faut laisser l’autre parler avec ses propres mots, puis s’assurer que l’on a bien compris. »
« Le premier objectif est de vivre ensemble. Puis de se comprendre et de ses connaître. Cela demande un travail de déblaiement de nos préjugés. Ne pas porter de faux témoignages, donc accueil et hospitalité. »
« Une autre étape est de s’impliquer dans des actions communes. »
« Dans certains cas privilégiés on peut avoir des attentes spirituelles communes. »
« Si la laïcité se veut trop militante, elle peut fonctionner elle-même comme une quasi religion et faire obstacle au dialogue. Mais elle peut aussi offrir un espace de neutralité positive. »
L’interreligieux en actes, La collaboration humanitaire et sociale interreligieuse
De nombreuses ONG et organisations chrétiennes collaborent avec les organisations laïques ou d’autres confessions religieuses.
Avec les ONG musulmanes le fait est patent. Elles se développent depuis une quinzaine d’années, le Secours islamique en Grande Bretagne puis en France par exemple ; Aujourd’hui la coopération avec elles est indispensable en, Somalie si on veut y conduire des programmes. Sans elles, c’est impossible.
Dans le Coran, l’aumône, la zakat, est définie en détails, quantifiée avec précision. Elle voit même d’un bon œil le prosélytisme.
Suite aux inondations de l’été 2010 au Pakistan une coopération s’est conduite entre la Caritas chrétienne et une organisation musulmane pashtoune d’origine britannique, l’Umah Welfate Trust. Celle-ci gérait de nombreux camps de déplacés particulièrement dans le Nord-Ouest du pays, zone pashtoune. La Caritas y a effectué de nombreuses distributions de produits de couchage, de matériels de cuisine et gérait de nombreux dispensaires où collaboraient facilement des personnels musulmans et chrétiens.
Ce type de partenariat est très fréquent dans les pays musulmans. Ils y sont d’ailleurs souvent plus faciles à conduire que des collaborations avec des organisations fondamentalistes chrétiennes américaines qui interviennent sans discernement et avec un prosélytisme agressif.
Pour sa part le directeur de Caritas Bangladesh, Jeffrey Pereira, me disait il y a quelques années :
« Quelle que soit la religion, tous les enseignements sont les mêmes: “Vous ne pouvez pas servir Dieu que vous ne voyez pas si vous ne servez pas votre voisin dans la détresse que vous voyez.” On ne rencontre Dieu seulement qu’en s’inquiétant de son prochain. L’islam le dit très fortement : “Avant de manger regardez d’abord si votre voisin a de la nourriture.” Les chrétiens disent la même chose ».
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Assemblée des Evêques, Lourdes, novembre 2012
Lors de la dernière assemblée des évêques à Lourdes en novembre 2012, Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry, a tenu, mercredi, par son propos intitulé « Catholiques et Musulmans en France », à lancer « une vraie discussion sur les enjeux du dialogue d’aujourd’hui ».
Il a d’abord dressé un portrait de la présence musulmane en France, en présentant avec lucidité les différents courants qui traversent les musulmans de France. De la majorité « qui témoigne d’une appartenance tranquille à sa tradition religieuse », à ceux qui vivent leur Islam « comme une enclave dans un environnement étranger », jusqu’aux « salafistes djihadistes, prêts à passer à l’action violente », minoritaires.
Pour autant, l’évolution de la présence musulmane en France, ainsi que les échos de la violence commise en terre d’islam à l’encontre des chrétiens, doit-elle conduire les catholiques à réviser leur attitude de dialogue ? La réponse de Mgr Dubost a été claire : « La France change, la présence musulmane nous questionne. L’Église en France traverse des moments difficiles. Mais notre espérance repose sur le Christ, et non sur le cours des temps. »
« Chacun a le droit à la vérité de l’autre »
Cependant, l’évêque francilien n’a pas fait mystère des reproches adressés par certains catholiques aux acteurs du dialogue islamo-chrétien, jugés parfois « masochistes, lénifiants et ignorants ». « Que faut-il entendre à travers ces critiques ? s’est-il interrogé. À mon sens, elles dénotent une réelle souffrance ou une peur, dont il convient de tenir compte. (…) Ces critiques manifestent aussi une réelle volonté de témoigner de la foi chrétienne… et des difficultés de ce témoignage. » Et Mgr Dubost de développer une éthique du dialogue, car « permettre aux fidèles de dialoguer, c’est leur permettre d’être fiers de leur identité chrétienne ».
À la sortie des travaux, Mgr Gérard Coliche, évêque auxiliaire de Lille, confirme : « Il nous faut poursuivre dans la voie du dialogue mais être stricts sur les conditions. » Mgr Dubost les a esquissées : « Que chacun écoute ce que l’autre dit de sa foi sans discuter, soupçonner, rétorquer. Cela est vrai même lorsque les musulmans ont des affirmations qui nous choquent, ou que nous pensons que nos affirmations peuvent les choquer. Chacun a le droit à la vérité de l’autre. »
Ces concepts sont repris dans le discours de clôture de l’assemblée des évêques de France par le cardinal Vingt-Trois, 8 novembre 2012
« (…) nous avons repris notre réflexion sur la rencontre des chrétiens avec les musulmans en nous gardant des amalgames simplistes et en mesurant mieux comment notre approche des musulmans se distingue du choc des civilisations. (…) Cette orientation vers le dialogue constitue pour les chrétiens un appel à développer leur capacité à être témoins de la foi au Christ ressuscité. Ce n'est que dans l'authenticité de l'identité de chacun que peut véritablement se développer le dialogue. »
En écho, les déclarations du recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur montrent comment il défend un islam républicain dans Réforme du 11 octobre 2012 :
« l’islamisme radical est un poison de l’esprit, de la religion, qui empêche la communauté musulmane de s’intégrer »
Lorsque la question est sur le fossé qui risque de se creuser entre les musulmans et les autres Français, il répond : « Je suis très inquiet et redoute que des affrontements nous ramènent au temps des croisades, L’opinion française est en effet passée d’une sensibilité fondée sur des partis pris ou des préjugés à une hypersensibilité de rejet. (…) Cette escalade extrémiste se fera au détriment des musulmans tout entiers, victimes désignées de cette vindicte. »
Tribune commune « Le Monde », 18 & 19 novembre 2012, sur le mariage de personnes de même sexe
Claude Baty, président de la Fédération protestante de France ; Gilles Bernheim, grand rabbin de France ; Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman ; André Vingt-Trois, cardinal, archevêque de Paris etc.
Le texte insiste sur l’importance de la réforme, à la fin d’une pratique millénaire réservant le mariage à l’alliance d’un homme et d’une femme etc.
Il appelle à un grand débat national associant des experts, des représentants d’associations et « les représentants de toutes les confessions et familles de pensées qui partagent l’idéal républicain de tolérance ».
Il est intéressant de noter le travail ensemble des leaders religieux en ce domaine, leur alliance morale.
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Interview de Geneviève Médevielle : « On ne peut pas fixer de limite à la charité »
Professeur de théologie morale au Theologicum de l’Institut catholique de Paris et vice-recteur honoraire de l’Institut catholique de Paris, cette religieuse a expliqué15 les fondements chrétiens de l’engagement de l’Église auprès des étrangers.
Pourquoi avoir décidé d’écrire ce livre ?
Face à une question aussi complexe et aussi conflictuelle au plan social et politique que celle de l’accueil des migrants, nous voulions travailler sur les raisons éthiques et spirituelles qui amènent des chrétiens, au Secours Catholique, ou dans d’autres mouvements, à s’engager auprès des migrants. Il ne s’agissait pas de vouloir fonder l’accueil de toute la misère du monde, mais de comprendre ce qui pousse les chrétiens à une compassion et une sollicitude actives et à une solidarité envers des êtres humains en détresse et en grande précarité, déjà présents sur notre territoire.
Comment la foi peut-elle fonder le souci de l’étranger ?
D’Abraham à la fuite en Égypte de l’Enfant Jésus, la Bible fait écho à une histoire d’hommes qui quittent leur pays, errent, cherchent une terre et une protection. Le texte de l’Exode 23,9 « Tu n’opprimeras pas l’émigré, vous connaissez vous-mêmes la vie de l’étranger » fonde le devoir de protéger l’étranger placé sous la protection absolue de Dieu. Même si les chrétiens ont du mal à s’approprier cette mémoire de l’errance d’Israël comme leur propre histoire, n’oublions pas que le Nouveau Testament nous offre tout un potentiel pour fonder une éthique du respect inconditionnel de l’étranger. Le Christ lui-même est présenté en perpétuelle itinérance, sans avoir jamais où reposer sa tête. Les Actes des apôtres nous décrivent la Pentecôte comme ce moment extraordinaire où l’Église se compose de tous ces étrangers qui entendent la Bonne Nouvelle dans leur propre langue. Peuple diversifié mais rassemblé par l’Esprit, l’Église peut dire qu’en son sein « il n’y a pas d’étrangers », mais une multitude de frères. Notre commune humanité et fraternité avec l’étranger fonde notre solidarité envers lui.
Tout le monde devrait donc se retrouver dans cette parole universelle…
Oui, car dans nos différences, nous appartenons à une famille commune. Et en même temps, il n’est pas évident de reconnaître cette universalité. La foi nous met en contradiction avec tous ceux qui ne reconnaissent pas l’autre ou l’étranger comme leur semblable et réservent jalousement le titre d’homme à un certain cercle. La célèbre controverse de Valladolid avec Las Casas, défenseur des Indiens, en est un exemple fameux. Or, aujourd’hui, le pluralisme éthique de nos sociétés qui repose sur une variété de visions de l’homme vient fragiliser la conviction chrétienne que nous sommes des frères en humanité. En quoi le chrétien tient-il un rôle particulier ?
Si l’État doit veiller au bien commun, à l’intégration et à la participation de tous à la vie publique ainsi qu’à la sécurité et au respect d’accords internationaux en définissant une politique d’immigration, le chrétien se doit d’être un veilleur et un ardent défenseur de la dignité de tout être humain lorsque celle-ci est bafouée. Cette défense peut aller jusqu’à une résistance aux autorités civiles quand la déshumanisation de l’étranger est patente.
Pourquoi un chrétien peut-il avoir du mal à tolérer l’autre, le différent, l’étranger ?
Nous ne sommes jamais complètement convertis à l’accueil de l’autre et à l’amour de Dieu. Nous sommes dans un processus de conversion toujours à reprendre. Dans la rencontre de l’étranger, la différence fait peur, en même temps qu’elle attire, c’est une donnée anthropologique. Se sentir minoritaire peut attiser des attitudes irrationnelles et xénophobes. Et puis, il peut être vrai que le migrant lui-même n’est pas un saint facilement acceptable ! Mais, aux yeux de Dieu, même le délinquant reste un être humain, avec sa dignité. L’Église a toujours visité les prisonniers pour attester que malgré leurs crimes, ils restent nos frères. C’est en cela que l’Église peut être une communauté prophétique. Le fait que des sans-papiers envahissent des églises, par-delà bien des ambiguïtés politiques, atteste qu’ils ont confiance dans la tradition d’accueil de l’Église depuis deux mille ans. C’est comme si le radicalisme de la défense des droits de l’homme se trouvait là, dans l’Église. Je crois, sans être naïve ni irresponsable, que cela démontre qu’on ne peut pas fixer de limite à la charité.
Propos recueillis par Catherine Rebuffel
D.V.
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1 Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex)
L'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne a été créée par le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil (du 26 octobre 2004, JO L 349 du 25.11.2004).
FRONTEX coordonne la coopération opérationnelle entre les États membres en matière de gestion des frontières extérieures, assiste les États membres pour la formation des gardefrontières nationaux, y compris dans l'établissement de normes communes de formation, effectue des analyses de risques, suit l'évolution de la recherche dans les domaines présentant de l'intérêt pour le contrôle et la surveillance des frontières extérieures, assiste les États membres dans les situations qui exigent une assistance technique et opérationnelle renforcée aux frontières extérieures et fournit aux États membres l'appui nécessaire pour organiser des opérations de retour conjointes
2 La Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) met en place un cadre global de l'effort intergouvernemental pour faire face au défi posé par les changements climatiques. Elle reconnaît que le système climatique est une ressource partagée dont la stabilité peut être affectée par les émissions industrielles de CO2 ainsi que les autres gaz à effet de serre. Selon la Convention, les gouvernements:
rassemblent et diffusent les informations sur les gaz à effet de serre, sur les différentes politiques nationales et sur les meilleures mises en pratiques;
mettent en œuvre les stratégies nationales pour faire face aux émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux impacts prévus, y compris la mise à disposition de soutien financier et technologique aux pays en voie de développement;
coopèrent pour se préparer à l’adaptation aux impacts des changements climatiques
3 Migrations internes et internationales, Agence française de développement, 2010 - 2013
4 Alternatives économiques, novembre 2013
5 INSEE, Immigrés et descendants d’immigrés en France, édition 2012
6 Alternatives économiques, Les chiffres de l’économie 2013
7 Le Haut Conseil à l’intégration créé en 1989 a pour mission de "donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre sur l’ensemble des questions relatives à l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère». Il prépare le Comité interministériel à l’intégration.
Le Haut Conseil a élargi ses missions à l’animation du débat public. Le décret du 31 mars 2006 élargit les missions du HCI. Il contribue notamment à la préparation et au suivi du comité interministériel à l’intégration. Il organise et anime des échanges publics sur les questions d’intégration, sur le plan européen et international.
8 14 accords de gestion concertée ont été signés avec des États africains, mais aussi avec des pays des Balkans ou encore avec la Russie. 9 ont été ratifiés. Le gouvernement français s’est fixé un objectif de 20 accords signés d’ici à 2013. Bien qu’il existe une distinction formelle, les chiffres de l’aide publique française au développement attribuée à un pays qui a signé un accord de gestion concertée, comparés à ceux d’un pays qui refuse de signer, parlent d’eux-mêmes : ainsi, le Sénégal a reçu 146 millions d’euros entre 2008 et 2009 et le Mali seulement 78 millions d’euros pour la même période
9 La Croix du 6 novembre et Le Monde du 14 novembre 2012
10 Le Monde, 4 & 5 novembre 2012
11 Justice et Paix, CCFD, Secours catholique, DCC, Ceras, etc., 2012
12 Immigration. Pourquoi les chrétiens ne peuvent de taire. François Souage & Geneviève Médevielle, Les Editions de l’Atelier, 20121
13 Réforme, 28 juin 2012
14 La Croix, Bruno Bouvet, 7 novembre 2012
15 Immigration, pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire, avec François Soulage, 2011, Editions de l’Atelier, 94 p.