Les migrations : comment accompagner la rencontre?


« A la rencontre du frère venu d’ailleurs »


Conférence de presse

Paris, 24 mai 2012


Denis Viénot

Secrétaire général de Justice et Paix France



Pas d'angélisme : la rencontre avec les migrants est un choc. En quoi cette rencontre est un impératif pour les chrétiens? Comment en faire quelque chose de positif ?


« Comment se fait-il que les gens du Nord qui émigrent soient des expatriés ou des volontaires et que les gens du Sud qui émigrent soient des migrants ou des clandestins ? »

Cette phrase du document « A la rencontre du frère venu d’ailleurs », montre bien l’ambigüité de la question.

Il s’agit d’abord de clarifier des mots face à une législation débridée qui nourrit des réactions passionnelles. Ainsi 80% des quinze millions de réfugiés dans le monde vivent dans des pays en développement ; 1% en France. 8 500 y ont obtenu le statut en 2010.

Les immigrés représentaient en 2008 8,4% de la population française, contre 14% aux Etats Unis ou en Espagne (« Un immigré est une personne née à l’étranger, de parents étrangers et qui réside sur le territoire français. De nombreux immigrés ont donc la nationalité française »).


Et la France a un des taux d’immigration les plus faibles de l’OCDE :

Entrée d’immigrants permanents en pourcentage de l’ensemble de la population, 2009  (Le Monde, 15 mai 2012, « Immigration la nouvelle donne », El Mouhoud Mouhoud, page 21)


Le document analyse ensuite nos préjugés et les chances que constituent les migrations, leurs liens avec la mondialisation et enfin les richesses de la rencontre et de l’engagement accueillant.

L’exposé des chances face à ce que nous pouvons considérer comme des problèmes fait bouger les lignes. Les migrants sont des actifs et des consommateurs. Ils paient plus de cotisations sociales et d’impôts qu’ils ne reçoivent de prestations. Leurs transferts financiers vers les pays d’origine financent le développement pour, au niveau mondial, des montants supérieurs à l’aide publique au développement ; celle de le France baisse malheureusement. L’apport de leurs cultures vient nourrir une identité collective dynamique : le couscous, le jazz, le sport, la recherche scientifique, la peinture, la littérature, la vie politique - un ancien président de la République dont le père est né étranger, un nouveau ministre de l’Intérieur naturalisé français il y a 30 ans.


Mais la migration est d’abord un choc pour le migrant qui découvre l’Occident, des fonctionnements incompréhensibles, une nouvelle langue à apprendre. Très souvent un décalage entre ses attentes et ce qui lui est offert.

Quel Français s’est-t-il trouvé dans une telle situation ? Voyager à l’étranger sans filet, sans contrat d’assistance, sans perspective de retour sécurisé ?

Pour la plupart des migrants reçus par des associations d’accueil, c’est la relation de confiance qui déterminera toute la qualité de l’accompagnement.

Certains isolés auront des parcours fulgurant d’intégration. Une jeune femme kazakhe arrivée il y a dix ans était cadre administrative et comptable dans une grosse entreprise. Elle mettra 4 ans à obtenir l’asile en France. C'est-à-dire quatre ans de travail au noir dans des ateliers de confection turcs, plus de 12 heures par jour, sept jour sur sept, pour moins de 1000€ par mois ; souvent sans logement donc vivant à la rue. Elle ne perdra jamais sa dignité. Il y a quelques années elle se pacsera avec un Français veuf gérant d’un salon de coiffure.


Parler du choc de la rencontre, c’est donc parler d’un choc réciproque. C’est aussi pour les Français une occasion de comprendre le monde, une chance comme un livre vivant d’histoire ou de géographie.

La jeune kazakhe, Natalia, évoquait un jour avec un bénévole les feux de cheminée. Pour lui, c’était la chaleur d’un week end à la campagne, les odeurs d’automne ; pour elle c’était le froid de la fin de la période de la chute du Mur de Berlin en 1989 quand tout partait à vau-l’eau, que la seule chaleur et la seule lumière provenaient d’un maigre feu de cheminée.


L’accueil de l’étranger est partie intégrante de la démarche chrétienne et de la démarche citoyenne au niveau mondial comme le précise la « déclaration sur les droits de l’homme des personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent » (Assemblée des Nations Unies, 13 décembre 1985). Elle leur reconnait :


La rencontre et l’accueil sont donc des impératifs citoyens et un processus d’accueil auxquels les chrétiens sont invités. Ils sont nombreux à s’y engager par des relations fraternelles et la défense des droits.

Le document « A la rencontre du frère venu d’ailleurs » invite à l’engagement collectif au sein de réseaux actifs, invite à l’engagement individuel.


Jean Paul II plaide lors de la journée mondiale du migrant et du réfugié de 2005 pour une vision positive de l’intégration :

«On doit exclure aussi bien les modèles fondés sur l’assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu’aux choix de l’apartheid. La voie à parcourir est celle de l’intégration authentique dans une perspective ouverte, qui refuse de considérer uniquement les différences entre les immigrés et les populations locales ».



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