Etre chrétien dans un monde qui s’agrandit aux dimensions du monde

Notre Dame de l’Espérance, Paris

Denis Viénot, 28 mars 2012






Présentation de Denis Viénot

www.denis-vienot.org

La justice dans la peau. Géopolitique de l’action humanitaire. Desclée de Brouwer, Paris, 2010


Secrétaire général de Justice et Paix – France depuis septembre 2011, service de la conférence des Evêques de France chargé des questions de justice internationale et de paix. Membre de Justice et Paix depuis 25 ans environ.


Donc un laïc engagé dans l’Eglise, dominante gestion et finances, international, organisation de réseaux français et mondiaux, intenses activités de plaidoyer français, européen et mondial.


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Parmi d’autres, deux thèmes « moteurs »

Développement de tous les hommes

Paul VI, Populorum Progressio de 1967 : développement de tout l’homme et de tous les hommes.

Ouverture aux réalités des populations de toute la terre

Solidarité entre les peuples

Actions de développement qui touchent tous les aspects de la vie humaine, matérielle, économique et sociale, culturelle et spirituelle, syndicale et politique etc.

Option préférentielle pour les pauvres

Elle a un contenu biblique, livre de Job, l’Evangile. Les pauvres sont le premier amour de Dieu ; il y a donc des deuxièmes, des troisièmes etc.

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Quelques sujets aux dimensions du monde qui posent des questions aux chrétiens et à d’autres.


L’eau

L’agriculture est la principale consommatrice d’eau dans le monde. En France elle est à l’origine de la pollution des deux tiers de l’eau potable. Ici il y a péril si l’on poursuit un mode de production agricole comme la monoculture intensive.

Lors du Forum mondial de l’eau qui s’est tenu mi mars à Marseille, le Conseil pontifical Justice et Paix a publié un document qui s’inquiète des difficultés d’accès à l’eau potable d’une grande part de la population mondiale, « L’eau, un élément essentiel pour la vie : imposer des solutions efficaces ». (Voir La Croix, 13 mars 2012, Frédéric Mounier, page 19)

La moitié de la population mondiale n’a pas d’accès, ou seulement un accès limité, à l’eau potable, souvent de mauvaise qualité.

La justice, c’est de garantir le droit d’accès à l’eau, mais aussi déterminer les dommages causés et proposer des réparations et des sanctions veillant à l’accès au droit à l’eau, car elle n’est pas une marchandise comme une autre, elle n’est pas un « bien commercial quelconque », elle est essentielle pour l’existence humaine.

Le texte propose des « solutions durables » : une « gouvernance internationale » du dossier en vue du bien commun mondial, et il appelle les opérateurs privés « à ne pas oublier que l’eau a une valeur sociale et doit être accessible à tous, en particulier les plus vulnérables. »

Et le monde politique doit agir de manière responsable, renonçant à des intérêts économiques immédiats ou à des idéologies, qui finissent par humilier la dignité humaine. »

Et les consommateurs sont invités à faire preuve de responsabilité et de sobriété car « on ne doit pas se féliciter de voir des sociétés consommer de l’eau à des fins superflues, dans le cadre d’un consumérisme toujours plus effréné, orientée vers l’accumulation illimitée des biens, contraire au développement durable. »


Ce texte est intéressant par rapport à l’eau bien sur, mais aussi par un mélange positif des genres : description d’une réalité, analyse des effets du non accès à l’eau en particulier pour les plus pauvres, suggestion de politiques à suivre selon des principes et des valeurs. L’Eglise fait de la politique, et elle a bien raison.


La réforme du système financier et monétaire international dans la perspective d’une autorité publique à compétence universelle.

(Voir Lettre de Justice et Paix - France, novembre 2011)

Sous ce titre le Conseil Pontifical Justice et Paix a publiée une note le 24 octobre 2011. Quelques jours avant le sommet du G20 de Cannes, et dans un contexte de crise financière mondiale, avec des effets particulièrement graves au niveau de l’Union Européenne, le texte appelait à une autorité publique de compétence mondiale au service du bien commun universel. Il s’agit d’un rappel plutôt que d’une nouveauté : cette demande était formulée dans l’encyclique Pacem in Terris en 1963 (n° 136-141), et reprise par la suite, notamment dans la dernière encyclique de Benoît XVI, Caritas in Veritate (n°67). Mais cette idée est présentée dans cette note de manière plus développée et plus concrète.

Trois repères à souligner pour la création de cette autorité mondiale :

Trois propositions concrètes au niveau financier :

Il n’y a ni apport nouveau ni solution miracle dans la note publiée. Juste un rappel fort des principes fondamentaux illustré par quelques propositions concrètes, au moment où se cherche une nouvelle forme de gouvernance financière au niveau mondial. Une manière pour l’Eglise de se faire présente dans un moment crucial de notre humanité, non pas comme « donneur de leçon » mais plutôt comme participant avec d’autres à la recherche d’un devenir plus humain pour la planète.


Tant à propos de l’eau qu’ici à propos de l’autorité mondiale, l’enseignement social de l’Eglise met en avant le rôle de régulation et de conduite des affaires des pouvoirs publics, Etat et communauté internationale face à des marchés souvent écrasant pour les plus faibles.


Le désarmement nucléaire : utopie ou choix politique ?

Cf. Lettre de Justice et Paix, février 2012

Justice et Paix France, Pax Christi et la Faculté de Sciences sociales et économiques de l’Institut catholique de Paris ont organisé, les 16 et 17 mars, un colloque sur le désarmement nucléaire avec pour but de clarifier la problématique du désarmement nucléaire à la veille des élections présidentielle et législatives. Les questions suivantes furent soulevées :



1) Quelle est aujourd’hui la raison d’être de l’armement nucléaire ?

Dans le contexte de la guerre froide, la dissuasion nucléaire était un élément fondamental de l’affrontement des deux blocs. Est-elle encore nécessaire aujourd’hui ? Dans quelle mesure assure-t-elle une protection adaptée contre les nouvelles menaces de l’après-guerre froide : terrorisme, effondrement des structures politiques dans certains Etats, conflits ethniques ou religieux, persistance de tensions graves, par exemple au Moyen-Orient, au Cachemire, sur le territoire de l’ancienne URSS ?

2) La lutte contre la prolifération des armes nucléaires est-elle compatible avec l’absence de progrès dans le désarmement nucléaire ?

Le dispositif établi par le Traité de non-prolifération (TNP) est inégalitaire par nature. Il réserve l’armement nucléaire à cinq puissances (Etats-Unis, Russie, Royaume Uni, France, Chine). En contrepartie, il fait obligation à ces puissances de mener « de bonne foi » des négociations de désarmement et il garantit à tous les Etats un droit d’accès aux technologies nucléaires dès lors qu’elles sont pacifiques. Cette garantie est toutefois problématique dans la mesure où il est en pratique très difficile de distinguer, en matière nucléaire, entre technologies civiles et militaires ? Le TNP laisse en outre aux Etats qui n’en sont pas signataires : Israël, Inde, Pakistan, la liberté de développer un arsenal nucléaire.

Dès lors le régime de non prolifération apparaît fragile. L’une des conditions de son renforcement n’est-elle pas que les puissances « dotées d’armes nucléaires » fassent davantage de progrès dans la voie du désarmement pour retirer toute légitimité aux tentations de contournement du TNP ? Ne faut- il pas également parvenir à une universalisation du Traité ? Comment par ailleurs combattre une violation avérée du TNP ?

3) Quel regard éthique l’Eglise porte-t-elle sur la dissuasion nucléaire ?

Pendant la guerre froide, l’Eglise a accepté la dissuasion nucléaire pour éviter un plus grand mal.

Depuis la fin de la guerre froide, la question du jugement éthique à porter sur l’armement nucléaire se pose en termes nouveaux.



Dans ce contexte transformé, l’Eglise désapprouve la stratégie de dissuasion : « La vérité de la paix demande que tous — aussi bien les gouvernements qui, de manière déclarée ou occulte, possèdent des armes nucléaires depuis longtemps, que ceux qui entendent se les procurer — changent conjointement de cap par des choix clairs et fermes, s'orientant vers un désarmement nucléaire progressif et concordé. Les ressources ainsi épargnées pourront être employées en projets de développement au profit de tous les habitants et, en premier lieu, des plus pauvres. » (Benoît XVI, Message pour la journée mondiale de la paix, 1er janvier 2006, Dans la vérité, la paix).



4) Comment relancer le désarmement nucléaire ?

En 2009 et 2010, la question du désarmement nucléaire a semblé dominer l’agenda international : après l’appel en faveur d’un « monde sans armes nucléaires » lancé par le Président Obama à Prague, le 5 avril 2009, un traité de réduction des armements stratégiques (nouveau traité START) a été conclu définitivement fin 2010 entre la Russie et les Etats-Unis.

Le 6 avril 2010, le Président Obama publiait une nouvelle doctrine nucléaire qui réduisait le rôle de l’arme nucléaire dans la stratégie américaine. Il se déclarait prêt à des discussions avec la Russie.

La Conférence d’examen du TNP se prononçait par ailleurs, le 28 mai 2010, en faveur d’une zone sans armes de destruction massive au Moyen-Orient.

Depuis, le désarmement nucléaire marque le pas. Quelles initiatives seraient-elles de nature à le relancer ? Ces initiatives pourraient-elles venir d’Europe ? Pourraient-elles, par exemple, concerner les armes nucléaires tactiques sur le sol européen ?

4) La dissuasion nucléaire doit-elle rester « un fondement essentiel » de la politique de défense de la France ?

Officiellement, « la dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de la stratégie de la France ». Elle est présentée comme défensive par nature et dimensionnée sur la base d’un principe de stricte suffisance. Peut-on cependant considérer que les capacités des sous-marins stratégiques et bombardiers nucléaires français répondent à ce principe ? L’effort consenti en leur faveur est substantiel : plus de trois milliards d’euros par an. Peut-il être revu à la baisse ?

Le TNP fait obligation à la France, en tant qu’Etat doté de l’arme nucléaire, de participer de bonne foi au désarmement nucléaire. Comment peut-elle satisfaire à cette obligation ? Peut-elle revoir sa doctrine de défense pour y réduire la place de l’arme nucléaire, en particulier en écartant son emploi en premier ? Doit-elle accepter explicitement la perspective d’un monde libre d’armes nucléaires ?



La pauvreté dans le monde

(Voir Le Monde, 31 mars 2012, interview de Daniel Verger, directeur exécutif de Coordination Sud)

Les objectifs du millénaire pour le développement ont été fixés en l’an 2000 par les Nations Unies et visent 2015 :


Fin février la Banque mondiale a annoncé que le premier objectif avait été atteint en 2010 donc 5 ans en avance : l’extrême pauvreté - les personnes vivant avec moins de 1,25 $ par jour, 0,94€ - aurait été réduite de moitié. En 2000 on comptait 1,8 milliards d’hommes vivant avec moins de 1,25$ par jours. On en serait à 900 millions.

On peut douter de cet optimisme même si cet objectif sera sans doute atteint en 2015 grâce à la croissance en Asie, Chine et Inde principalement du fait de leurs poids.

La plupart des gens quittent l’extrême pauvreté à quelques centimes près, mais restent dans la grande pauvreté. Passer de 1,25$ à 2 $, cela reste difficile.

Et puis la notion de pauvreté est relative. Tous les revenus sont pris en compte, même ceux qui sont non monétaires. Quand une femme va chercher du bois dans la brousse pour se chauffer, on intègre dans son revenu le prix du bois de chauffe sur le marché local.

La pauvreté n’est pas que monétaire. Elle se traduit par la place que la personne tient dans la société. Or la pauvreté est souvent synonyme de non-reconnaissance sociale et d’absence de respect pour l’individu.

Les inégalités se sont aggravées en Asie mais aussi en Afrique, continent qui cumule inégalités et pauvreté durable. Sans oublier l’Europe et la France !

La pauvreté étant un phénomène social, lutter contre elle c’est mener un combat t contre les inégalités.

Globalement il y eu des progrès mais les résultats publiés sont encourageants car ils oublient des zones où il n’y a pas de développement et pas de données statistiques comme la Somalie ou la République démocratique du Congo où les situations sont dramatiques. L’une des faiblesses des études de la Banque mondiale est de ne pas prendre en compte tous les pays dont des pays en guerre.


Les Droits de l’homme et le plaidoyer.

Quels sont les droits fondamentaux ?

L’engagement politique


Dans le domaine du social, du développement, de l’humanitaire, le principal changement des 25 dernières années est l'émergence du plaidoyer et de l'intégration de la dimension politique. L'analyse de ce qui fabrique de la pauvreté, surtout quand elle est de longue durée, est incontournable. Le rôle joué par les phénomènes sociologiques, religieux ou sociaux, et l'importance du non-respect des droits de l’homme sont au cœur de la réflexion. Avec des conséquences capitales pour les gouvernements en place.


L’Asie est rentrée dans une course à la richesse, comme le Brésil. Quelles stratégies vont s’y développer en termes de solidarité internationale ? Les pays occidentaux deviennent frileux dans un contexte de crise globale et ne respectent pas leurs engagements d’aide publique au développement, le fameux 0,7% du PIB. Des fondations privées et d’entreprise s’engagent. Elles ont des visions politiques, stratégiques, économiques, articulées sur des systèmes de valeurs qui parfois entrent en contradiction avec la vision d’un institut, d’une ONG et celles de leurs partenaires.


La relation entre justice et charité s’illustrait lors d’une rencontre avec un évêque brésilien, ex-président de Caritas Internationalis. On parlait toujours d’apprendre aux gens à pêcher, etc. Lui a répondu sans nuance : « Oui, oui, oui, c’est du baratin ça ! Apprendre à pêcher à quelqu’un s’il n'a pas le droit de pêche, si les bateaux-usines raclent les fonds de la mer, à quoi cela va-t-il lui servir ? À rien ! »


Quels sont alors les droits les plus utiles, les plus importants, ceux qui fourniront le meilleur « effet de levier » pour la promotion et la dignité des personnes ? Il y a des droits minimums, tout comme des mécanismes d’oppression insupportables, auxquels il faut porter une attention privilégiée. En Europe par exemple, le droit des migrants à un accueil digne est un droit fondamental. Au Bangladesh, le droit pour les femmes à occuper une juste place dans la société ou à résister contre l'oppression est aussi prioritaire.


Un exemple d’action dans le domaine politique : l’Eglise en politique dans la République démocratique du Congo


Comment faire vivre un processus démocratique dans un pays corrompu, classé au 164ème rang sur 178 par Transparency International en 2010 ? Dans un pays ayant subi deux longues guerres civiles ces dernières années. Dans un pays où des opposants sont assassinés en toute impunité. Dans un pays où les violences sont massives.

Joseph Kabila, élu en 2006, a instauré un utile –pour lui- scrutin présidentiel à un tour pour l’élection présidentielle de novembre 2011.

Dans ce contexte, comme en 2006, la Commission Justice et Paix de la Conférence épiscopale nationale de la République démocratique du Congo a construit une panoplie d’actions de formation et de plaidoyer.

Si, au plan technique, la préparation des élections présidentielles et parlementaires a été à peu près satisfaisante, (établissement convenable des listes électorales malgré quelques déficiences, enregistrement des candidatures, signature d’un Code de bonne conduite par les partis politiques), le climat de violence et de tensions faisait et fait craindre de nouveaux conflits.

Ces élections de novembre dernier ont donc été l’occasion d’un processus de préparation comme il y a cinq ans. L’Eglise congolaise y a tenu un rôle central très complémentaire de l’aide humanitaire d’urgence qu’elle a apportée au plus fort de la guerre et de son engagement dans les domaines médicaux, scolaires et du développement.

Elle a, en particulier, mis en place des activités d’éducation civique et électorale soutenues notamment par le CCFD – Terre solidaire, le Secours catholique, la Fondation Carter. Le programme Elections et questions majeures de gouvernance mis en œuvre en partenariat avec toutes les confessions religieuses visait 50 000 personnes- relais pour préparer la population aux élections, la faire participer à la lutte contre la corruption, renforcer les structures de participation citoyenne.

La préparation des élections a permis d’assurer le suivi de la révision des listes électorales, la diffusion de matériels pédagogiques d’éducation civique (manuels sur la non-violence, et sur « comment et pourquoi voter ? », émissions de radio, rencontres etc.) , de former à l’éducation civique – y compris à l’acceptation des résultats - les membres des Commissions paroissiales Justice et Paix et des 2 518 Comités locaux de gouvernance participative, de former et de déployer 30 000 observateurs et de s’associer avec les associations de la dynamique « Femmes pour la paix » qui préparaient 5 000 observatrices des élections.

Le plaidoyer de la Commission Justice et Paix concernait d’autres sujets liés à la complexité de la situation. La question des ressources naturelles et des industries extractives était abordée. L’assistance à développer auprès des victimes de violences sexuelles aussi : « Une plus grande implication de la communauté internationale dans la résolution des questions sécuritaires qui sont oubliées aujourd’hui (est nécessaire). Il existe en effet un lien entre les violences sexuelles, l’exploitation illicite des ressources naturelles et l’insécurité semée par les groupes armés. » (Plaidoyer pour la consolidation de la paix et de la démocratie par un processus électoral apaisé, Mgr Fridolin Ambongo, Evêque de Bokungu Ikela, Président de la Commission épiscopale Justice et Paix de la Conférence épiscopale nationale du Congo).

Sœur Marie-Bernard, secrétaire générale de la commission, déclarait avant les élections : « L’enjeu fondamental est de faire en sorte qu’elles se déroulent dans la paix, que la population puisse prendre conscience des vraies questions qui doivent orienter ses choix politiques. Les questions importantes qui doivent être abordées sont celles de la paix, du développement, de la bonne gestion des ressources naturelles, entre autres. » (Messages du Secours catholique, octobre 2011).


Un autre exemple : Justice et Paix-France soutient l’avènement de l’État palestinien

Justice et Paix- France a publié le communiqué suivant à la veille de l’intervention du président de l’Autorité palestinienne aux Nations Unies le 23 septembre 2011.

L’assemblée générale des Nations Unies aborde le 20 septembre 2011 la question de la reconnaissance de l’État palestinien. C’est pour Justice et Paix – France, engagée depuis de nombreuses années pour y promouvoir la paix et la raison, l’occasion historique de réaffirmer le droit des peuples israélien et palestinien à la sécurité et à des frontières sures et reconnues.

Une telle solution politique durable leur permettra de vivre en paix et en sécurité.

En juin dernier, lors de visite du président de l’Autorité palestinienne au Pape Benoît XVI, le Saint Siège publia un communiqué visant «  l’urgence d’une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien, dans le respect des droits de chacun, et notamment l’accomplissement des aspirations légitimes à un État souverain du peuple palestinien » (Vatican Information Service, 3 juin 2011).

Justice et Paix – France se joint à tous ceux qui souhaitent la création de cet État dans le respect des accords internationaux. Sa reconnaissance doit s’accompagner d’un soutien de la communauté internationale qui devra enfin veiller à la cohérence entre les principes énoncés et leur mise en œuvre, comme à propos des résolutions des Nations Unies ou de l’avis de 2004 de la Cour Internationale de Justice relatif au mur de séparation dont la construction se poursuit dans l’illégalité internationale.

Les deux États devront préparer un avenir de paix « fondée sur la justice, sur la reconnaissance de l’autre, sur le respect de la parole donnée, sur le refus de la violence. » (Conseil d’Églises chrétiennes en France, 23 janvier 2003).

C’est ce que viennent de réaffirmer les Eglises à Jérusalem estimant que « la solution de deux États sert la justice et la paix. »


Les migrants

(Voir brochure à paraître 1er semestre 2012, CCFD Terre solidaire, Justice et Paix France, Secours catholique etc., « Chrétiens et migrations »)


« Il n'y a plus ni Juif, ni Grec ; il n'y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n'y a plus l'homme et la femme ; car tous, vous n'êtes qu'un en Jésus Christ. » (Ga 3,28)

De façon récurrente dans l’Histoire, par temps de crise, les migrants deviennent des boucs émissaires et sont désignés comme les coupables des maux de la société, même par des gouvernants dans l’incapacité d’apporter des réponses aux difficultés sociales et économiques vécues par la population locale. Aujourd’hui, dans un contexte de profonde crise financière, économique et sociale des sociétés occidentales, on constate que l’Europe se replie sur elle-même et ferme ses frontières. Témoin de cette évolution, la réaction des pouvoirs publics de nombreux pays européens lors des soulèvements dans les pays arabes qui, loin de se réjouir, ont aussitôt brandi le spectre de l’arrivée massive des populations venues du monde arabe. Ces discours, fondés sur la peur de l’autre, conduisent à légitimer une politique européenne et française principalement sécuritaire qui non seulement relègue au second plan le respect des droits fondamentaux mais aussi les bafoue. En France, la fragilisation des droits des étrangers qui a provoqué une prise de parole forte des associations et mouvements chrétiens reste plus que jamais un sujet d’actualité.

Pourtant, et là réside le paradoxe, nos sociétés s’inscrivent de fait dans un monde de plus en plus mondialisé. Les nouvelles facilités de communication et de transports ont accru les facteurs de mobilité. Le phénomène de la mondialisation, propre à nos sociétés contemporaines, n’est pas seulement un processus socio-économique, mais reflète également « une humanité de plus en plus interconnectée », dépassant les frontières géographiques et culturelles (Message du Pape Benoit XVI lors de la 97ème journée mondiale du Migrant et du Réfugié en 2011). Les Nations Unies ont recensé officiellement 230 millions  de migrants, soit 3 % de la population mondiale. C’est un phénomène aujourd’hui équilibré puisque les migrations du Sud vers le Nord ne représentent que 33%, autant que les migrations sud-sud et bien plus que les migrations nord-nord. De fait, les migrations internationales sont aujourd’hui une donnée incontournable de nos sociétés, et c’est un phénomène mondial.

Par là même, penser apporter un cadre et des règles pour ces mouvements de population en fermant ses frontières nationales est aussi illusoire qu’irresponsable. La question des migrations doit sortir des arcanes habituels de la seule gestion souveraine des Etats nationaux pour faire l’objet d’une gouvernance globale multilatérale, fondée d’abord sur les droits fondamentaux des personnes. Cette approche collégiale doit s’appuyer sur des organes et des instruments juridiques internationaux qui permettraient les discussions multilatérales. C’est pourquoi la ratification des outils juridiques internationaux comme la Convention des Nations Unies pour la protection des travailleurs migrants et leurs familles constitue un élément essentiel pour donner corps à cette approche à la fois juste, responsable et humaine. Juste, parce qu’elle implique aussi bien les pays de départ, de transit et d’arrivée ; responsable car elle rappelle aussi les Etats à leurs devoirs ; enfin profondément humaine puisque, loin de considérer le migrant comme une variable d’ajustement économique, elle en respecte inconditionnellement sa dignité et son intégrité, notamment sur le plan du droit de vivre en famille.



Les paradis fiscaux, la corruption

En juin 2006, une conférence internationale, « La lutte contre la corruption », est organisée à Rome par le Conseil pontifical Justice et Paix. Son président, le Cardinal Martino, la conclut en déclarant : « Il n’est pas acceptable que l’addition de la corruption soit payée par les pauvres. »

Il fait ainsi écho aux propos tenus par Eva Joly, l’ancienne magistrate française de l’affaire Elf, devenue à l’époque conseiller spécial du gouvernement norvégien pour la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Elle proclame la corruption contraire aux vertus démocratiques, une incivilité, un mensonge qui voile les réalités. La Norvège par exemple consacre une part significative de sa généreuse aide publique au développement au soutien des organes de justice, aux politiques de prévention et de formation, même au financement de procès.

La même Eva Joly a publié en 2011 avec Judith Perrignon un roman policier, Les yeux de Lira, qui se déroule sur fond de corruption liée au pétrole nigérian. Entre Lagos, Paris, Saint Petersburg, les îles Féroé et Londres, un policier africain, une journaliste russe et un greffier français sont les personnages principaux. Ils démontent les mécanismes qui lient les paradis fiscaux au Lichtenstein et la corruption pétrolière. On y voit le rôle de la CIA qui exfiltre un banquier véreux.

Ce livre montre bien que la question des paradis fiscaux n’est pas que celle de l’évasion fiscale des multinationales. Elle est aussi celle du blanchiment :

Page 232 :

« Nawango se fige. Lui sait. Il explose.

« C’est notre arrêt de mort ! Ce pays (la Grande Bretagne) est un paradis fiscal et judicaire. Le Premier Ministre peut arrêter une enquête comme il veut, bloquer un journal s’il veut ! Il y a des milliards cachés ici qui suffiraient à sauver tant de gens, ça fait des années, des décennies, un siècle que ça dure ! »



Il est donc de notre devoir en tant que chrétiens de dénoncer ces mécanismes amoraux qui soutiennent des activités amorales :trafic d’espèces protégées, trafic de déchets, pillage des ressources naturelles comme le bois, traite des personnes, prostitution, trafic d’organes, migrations clandestines, contrefaçons, crime organisé, drogue, terrorisme, trafic d’armes. Dans tout cela le blanchiment existe car il y a des paradis fiscaux, des lieux sans vraie fiscalité, des lieux non transparents, des lieux qui refusent l’échange d’information, des lieux où une boite à lettre sert de siège social.

C’est ce que fait à nouveau le Conseil pontifical Justice et Paix en novembre 2008 dans un document issu d’un séminaire préparatoire à la conférence de Doha. Les centres financiers offshore ont été un relais dans la transmission de la crise financière et dans « un enchaînement de pratiques économiques et financières devenues absurdes; flux légaux motivés par des objectifs d’évasion fiscale et canalisés également à travers la sur et sous facturation des flux commerciaux internationaux, recyclage des revenus provenant d’activités illégales ». Le document préparatoire à Doha « propose de renforcer la coopération internationale en matière fiscale, surtout en vue d’une révision drastique des pratiques offshore », ce que soutien le Conseil pontifical.

Face aux questions posées, quatre niveaux d’interrogation concrète :

  1. Le chrétien citoyen face à lui-même :

  1. Le chrétien citoyen et son entreprise :

  1. Le chrétien citoyen et sa commune, sa région :

  1. Le chrétien citoyen et son État :

Derrière tout cela il y a le lien entre le bien commun et la façon dont les richesses sont créées et partagées. La construction d’un monde plus juste concerne toute personne, concerne ce monde de la finance qui lui aussi est un outil déterminant de construction de la justice et de la fraternité. Le lien est clair avec la fraude fiscale, avec les marchés criminels.

L’option préférentielle pour les pauvres nait d’un double constat :



La collaboration inter religieuse

De nombreuses ONG et organisations chrétiennes collaborent avec les organisations laïques ou d’autres confessions religieuses.

Avec les ONG musulmanes le fait est patent. Elles se développent depuis une quinzaine d’années, le Secours islamique en Grande Bretagne puis en France par exemple ; Aujourd’hui la coopération avec elles est indispensable en, Somalie si on veut y conduire des programmes. Sans elles, c’est impossible.

Dans le Coran, l’aumône, la zakat, est définie en détails, quantifiée avec précision. Elle voit même d’un bon œil le prosélytisme.

Suite aux inondations de l’été 2010 au Pakistan une coopération s’est conduite entre la Caritas chrétienne et une organisation musulmane pashtoune d’origine britannique, l’Umah Welfate Trust. Celle-ci gérait de nombreux camps de déplacés particulièrement dans le Nord-Ouest du pays, zone pashtoune. La Caritas y a effectué de nombreuses distributions de produits de couchage, de matériels de cuisine et gérait de nombreux dispensaires où collaboraient facilement des personnels musulmans et chrétiens.

Ce type de partenariat est très fréquent dans les pays musulmans. Ils y sont d’ailleurs souvent plus faciles à conduire que des collaborations avec des organisations fondamentalistes chrétiennes américaines qui interviennent sans discernement et avec un prosélytisme agressif.


L’écologie

Un texte de Mgr Jean-Pierre Grallet, Archevêque de Strasbourg, septembre 2011

« Il n'y a pas d'écologie qui ne soit globale : Terre, Homme et Dieu, Créatures et Créateur sont étroitement liés »

Respecter la terre, c'est respecter l'Homme. Aimer l'humanité, c'est aussi aimer la terre. Tous les êtres sont nés sur une même terre, terre mère, terre nourricière. Une même destinée, une même solidarité les unit. Cette solidarité est au cœur de la question écologique.

En 1987, Jean-Paul II rappelait déjà : « Nous formons une seule famille humaine. Nous sommes frères et sœurs… Nous sommes appelés à reconnaître la solidarité fraternelle de la famille humaine comme la condition essentielle de notre vie commune sur terre ». (Jean-Paul II, 1987, Journée Mondiale de la Paix)

À son tour, Benoît XVI avertit qu'il ne saurait y avoir d'écologie de la nature sans écologie de l'homme : « L'Église a une responsabilité envers la Création et doit la faire valoir publiquement aussi. Ce faisant, elle doit préserver non seulement la terre, l'eau et l'air comme dons de la Création appartenant à tous, elle doit aussi surtout protéger l'homme de sa propre destruction. Une sorte d'écologie de l'homme, comprise de manière juste, est nécessaire. » (Caritas in Veritate, 51)

1. Relations nouvelles entre tous les hommes

Puisque nous formons une seule famille humaine, nous devons nous préoccuper les uns des autres, veiller à partager les biens et à en user de façon respectueuse des besoins de tous. La solidarité entre tous, entre riches et pauvres, entre pays du nord et du sud, entre générations présentes et générations futures, cette solidarité, à vivre dans des structures économiques et politiques justes, est étroitement liée à l'instauration d'une écologie globale.

« Nous devons avoir soin de l'environnement", dit le Pape Benoît XVI ; "il a été confié à l'homme pour qu'il le garde et le protège dans une liberté responsable, en ayant toujours en vue, comme critère d'appréciation, le bien de tous… Il ne faut pas que les pauvres soient oubliés, eux qui, en bien des cas, sont exclus de la destination universelle des biens de la Création… Si la protection de l'environnement a des coûts, il faut qu'ils soient répartis de manière juste, en tenant compte des différences de développement des divers pays et de la solidarité avec les générations futures. ». (Message pour la Journée Mondiale de la Paix – 1er janvier 2008)

2. Relations nouvelles avec Dieu

Si l'homme est si dur avec son frère, n'est-ce pas parce qu'il s'est coupé de Dieu ? Si le cœur de l'homme est si sec, n'est-ce pas parce qu'il n'est plus greffé au cœur aimant de Dieu ? Ne sachant plus que Dieu est leur père, beaucoup ne savent plus qu'ils sont frères et sœurs, membres d'une même famille, créatures d'un même créateur, enfants aimés d'un même père. L'ignorance de Dieu conduit l'homme à l'ingratitude envers Lui, et souvent à la dureté avec ses semblables.

La prière d'action de grâce des chrétiens doit pouvoir exprimer l'attitude juste de l'homme face à Dieu, face à la nature et face à ses semblables, comme le rappellent déjà les Psaumes de la Bible.

Le Rituel de l'Église catholique prévoit déjà beaucoup de prières de bénédiction, au début des semailles ou à la fin des récoltes, devant les éléments précieux de la nature, la terre, l'air, l'eau et le feu, ou face aux animaux. Une relecture juste des récits bibliques de la création nous rappelle que le Créateur nous a placés au centre du jardin, non pas pour le négliger et en abuser, mais pour l'entretenir et en user avec respect, sens du partage et souci des générations futures. C'est une offense faite à Dieu que de négliger et mépriser sa Création. C'est aussi une offense mutuelle que nous nous faisons les uns aux autres, humains, animaux, végétaux et minéraux, tous créatures d'un unique Créateur.

La liturgie eucharistique où l'action de grâce et l'offrande sont si présentes, contribue à une vision écologique globale où Dieu est au centre, la nature respectée, l'homme, aimé. Depuis le Rassemblement œcuménique européen de Bâle de 1989, et ceux qui l'on suivi (Graz, Sibiu), une même prise de conscience des chrétiens de toutes confessions s'est faite jour. Il est important que nous proposions aux chrétiens des célébrations œcuméniques et des actions communes.

3. Relations nouvelles avec toute la Création

Notre humanité a un urgent besoin de gens responsables et solidaires, d'économistes et d'ingénieurs, de juristes et de politiques, d'éducateurs et de paysans, d'artistes, de poètes et de mystiques, réconciliés avec leur condition d'enfants de la terre. Elle a besoin de vrais jardiniers. La Création de Dieu a besoin de toutes ses créatures et d'une harmonie fraternelle régnant entre toutes. Pour changer notre monde, changeons nos cœurs ! Il y a donc une conversion à faire, un sursaut moral majeur, un changement radical de nos façons de penser, de communiquer et de nous déplacer, de travailler et de consommer. Il est temps d'associer à nouveau goût de vivre et sobriété, usage et respect, bonheur et simplicité ! Maintenant que les alertes ont été lancées, les études et déclarations faites, les plans d'action collective sont désormais nécessaires, comme le sont les actions de chaque citoyen –et donc de chaque chrétien– dans tous les domaines de la vie quotidienne ; et ceci pour consommer mieux, partager davantage et prévoir en solidarité avec tous les humains, d'aujourd'hui et de demain. De nouveaux liens sont donc à faire avec la nature, avec nos frères et sœurs et avec Dieu.

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N'est-ce pas ce qu'avait compris Saint-François d'Assise, Patron des Écologistes, lui qui, au prix d'une courageuse désappropriation, fit de toute sa vie une vaste œuvre de réconciliation et de fraternité et qui, dès lors, pouvait chanter dans le Cantique de Frère Soleil :

« Loué sois-tu, mon Seigneur, dans toutes tes créatures, spécialement Messire frère Soleil… Loué sois-tu pour sœur Lune et les Étoiles… pour frère Vent, pour sœur Eau et pour frère Feu…

Oui, loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre, qui nous porte et nous nourrit, qui produit la diversité des fruits, les fleurs diaprées et les herbes.

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Quelques questions pour engager l’échange :



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