L’Eglise en politique dans la République démocratique du Congo



Comment faire vivre un processus démocratique dans un pays corrompu, classé au 164ème rang sur 178 par Transparency International en 2010 ? Dans un pays ayant subi deux longues guerres civiles ces dernières années. Dans un pays où des opposants sont assassinés en toute impunité. Dans un pays où les violences sont massives.

Joseph Kabila, élu en 2006, a instauré un utile –pour lui- scrutin présidentiel à un tour pour l’élection présidentielle de novembre 2011.

Dans ce contexte, comme en 2006, la Commission Justice et Paix de la Conférence épiscopale nationale de la République démocratique du Congo a construit une panoplie d’actions de formation et de plaidoyer.

Si, au plan technique, la préparation des élections présidentielles et parlementaires a été à peu près satisfaisante, (établissement convenable des listes électorales malgré quelques déficiences, enregistrement des candidatures, signature d’un Code de bonne conduite par les partis politiques), le climat de violence et de tensions faisait et fait craindre de nouveaux conflits.

Ces élections de novembre dernier ont donc été l’occasion d’un processus de préparation comme il y a cinq ans. L’Eglise congolaise y a tenu un rôle central très complémentaire de l’aide humanitaire d’urgence qu’elle a apportée au plus fort de la guerre et de son engagement dans les domaines médicaux, scolaires et du développement.

Elle a, en particulier, mis en place des activités d’éducation civique et électorale soutenues notamment par le CCFD – Terre solidaire, le Secours catholique, la Fondation Carter. Le programme Elections et questions majeures de gouvernance mis en œuvre en partenariat avec toutes les confessions religieuses visait 50 000 personnes- relais pour préparer la population aux élections, la faire participer à la lutte contre la corruption, renforcer les structures de participation citoyenne.

La préparation des élections a permis d’assurer le suivi de la révision des listes électorales, la diffusion de matériels pédagogiques d’éducation civique (manuels sur la non-violence, et sur « comment et pourquoi voter ? », émissions de radio, rencontres etc.) , de former à l’éducation civique – y compris à l’acceptation des résultats - les membres des Commissions paroissiales Justice et Paix et des 2 518 Comités locaux de gouvernance participative, de former et de déployer 30 000 observateurs et de s’associer avec les associations de la dynamique « Femmes pour la paix » qui préparaient 5 000 observatrices des élections.

Le plaidoyer de la Commission Justice et Paix concernait d’autres sujets liés à la complexité de la situation. La question des ressources naturelles et des industries extractives était abordée. L’assistance à développer auprès des victimes de violences sexuelles aussi : « Une plus grande implication de la communauté internationale dans la résolution des questions sécuritaires qui sont oubliées aujourd’hui (est nécessaire). Il existe en effet un lien entre les violences sexuelles, l’exploitation illicite des ressources naturelles et l’insécurité semée par les groupes armés. » (Plaidoyer pour la consolidation de la paix et de la démocratie par un processus électoral apaisé, Mgr Fridolin Ambongo, Evêque de Bokungu Ikela, Président de la Commission épiscopale Justice et Paix de la Conférence épiscopale nationale du Congo).

Sœur Marie-Bernard, secrétaire générale de la commission, déclarait avant les élections : « L’enjeu fondamental est de faire en sorte qu’elles se déroulent dans la paix, que la population puisse prendre conscience des vraies questions qui doivent orienter ses choix politiques. Les questions importantes qui doivent être abordées sont celles de la paix, du développement, de la bonne gestion des ressources naturelles, entre autres. » (Messages du Secours catholique, octobre 2011).



Denis Viénot

Secrétaire général de Justice et Paix - France

Président de Chrétiens en Forum