Les Amis de La Vie

Annecy

29 Janvier 2011



Une route à deux voies

La Justice et la paix



« La Fidélité et la Vérité se sont rencontrées

Elles ont embrassé la Paix et la Justice »

Psaume 85, 11,12


« Il vaut mieux avoir tord avec Henry Kissinger que raison avec Mère Térésa »

Aphorisme de la fin du XXème siècle


« Comment puis-je à la fois, prendre le thé avec Milosevic pour trouver un règlement négocié au conflit, et dans le même temps, le traiter de criminel de guerre? »

Un ambassadeur





Le psaume 85 (11 – 14) introduit à la ronde entre justice et paix :

« Fidélité et Vérité se sont rencontrées

Elles ont embrassé Paix et Justice.

La Vérité germe de la terre

Et la Justice se penche du ciel. »


Des siècles plus tard le Sermon sur la montagne, (Mathieu 5, 3 -11) reprend le thème en insérant la paix entre deux versets sur la justice :

« Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés. (…)

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.

Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. »

Cela veut dire - plus que « heureux » au sens littéral -, « Continuez, vous êtes dans la bonne voie, vous les artisans de paix, les constructeurs de paix ». Jean-Paul II à Coventry en 1992 dira : «  Comme une cathédrale, la paix doit être construite de multiples petites pierres Chaque personne doit devenir une pierre dans ce bel édifice. ».


Insistant sur la proximité des religions Hans Küng1 observe que toutes les religions ont cinq commandements à implication personnelle, économique et politique : 1) ne pas tuer ; 2) ne pas mentir ; 3) ne pas voler ; 4) ne pas se livrer à la fornication ; 5) respecter ses parents et aimer ses enfants. Et il affirme qu’il n’y a pas de paix mondiale sans dialogue religieux et pas de paix religieuse sans dialogue religieux.

Le Concile Vatican II, le Rassemblement œcuménique de Bâle de 1989, Jean Paul II dans son Message pour la Journée mondiale de la paix de 1992, appellent les chrétiens à développer ce dialogue des religions monothéistes fondé sur l’éminente dignité de tout être humain, l’unité de la famille humaine, la gérance responsable de la planète.


La Cité grecque a inventé le citoyen comme membre de la communauté des citoyens libres et égaux. Elle a aussi inventé le principe du respect de la loi. Mais son idée de société politique abstraite constituée d’une communauté de citoyens a une base ethnique.

A Rome la citoyenneté est définie par le statut juridique, le citoyen ayant des droits civils et personnels ; la société politique est définie par le droit. Dans son principe la citoyenneté est ouverte et a une vocation universelle.

Cette dimension se retrouve dans le message chrétien. Las Casas dit: «Il n’existe aucune nation au monde (…) qui ne puisse devenir un jour une nation policée, dont les membres se comportent de façon humaine et conforme à la raison ».2


Et nous ne disposons pas d’une meilleure idée, la citoyenneté, pour faire vivre ensemble les hommes, par définition divers et inégaux, en respectant leur dignité, valeur fondatrice de la société démocratique.


C’est autour du concept de « dignité » qui a un vrai caractère universel que toute la dynamique entre la justice et la paix doit se construire, dans toutes leurs dimensions, sociales ou politiques, nationales ou internationales, en temps de paix ou en temps de guerre.

Le Compendium de l’enseignement social illustre cela3 :


En matière de justice sociale, le droit à sortir de la misère est proclamé par Jean-Paul II en 1979 devant les Indiens du Mexique : le monde des campagnes, les travailleurs ont le droit à être respectés, à ne pas être spoliés, « le droit à ce que tombent les barrières de l’exploitation (…), à une aide efficace – pas une aumône, pas des miettes de justice – pour pouvoir accéder au développement que mérite (leur) dignité d’hommes et de fils de Dieu ».

Et Carl Friedrich Freiherr von Weizsäcker (19122007)4, physicien atomiste nazi devenu pacifiste chrétien dit, « Pas de paix sans justice, pas de justice sans paix », «  Pas de justice sans liberté, pas de liberté sans justice »


Un parcours historique permet de préciser l’élaboration des concepts de Justice et de Paix pour voir leurs élargissements récents, la Justice et l’équité, la guerre devant la justice.

***


Parcours historiques des concepts de Justice et de Paix


Vers la Justice sociale


Amartya Sen introduit les différents concepts de justice à travers un conte :

Il y a trois enfants et une flûte5. Qui doit la recevoir ?

L’hédoniste utilitariste – il se donne pour objectif de maximiser le bien-être des individus - aurait le plus de mal à se décider : sans doute le plaisir d’Anne serait-il le plus grand, cependant le gain de bonheur de Bob serait le plus fort et au second degré la nécessité d’inciter au travail pourrait lui faire préférer Carla.

Ces divergences individuelles se retrouvent dans les politiques économiques et sociales à conduire, sur le type d’institutions sociales. C’est un problème pour la mise en œuvre des principes de « la justice comme équité ».


La Justice distributive6 va de la société à l’individu : à chacun ce qui lui est dû.

La Justice légale ou politique va de l’individu à l’ensemble de la société : chaque citoyen contribue au bien collectif.

La Justice commutative se situe entre deux personnes ; elle vise à l’égalité des échanges privés souvent commerciaux.


Toute justice est essentiellement sociale.

La justice sociale, exigence liée à la question sociale, qui se manifeste aujourd’hui sous une dimension mondiale, concerne les aspects sociaux, politiques et économiques et, surtout, la dimension structurelle des problèmes et des solutions qui s’y rattachent (Laborem exercens7).

La justice sociale montre qu’il ne faut pas « s’enfermer dans une conception étroite de la justice réduite au respect des contrats et de l’égalité des chances. (…) Elle dépend de l’intervention d’une autorité légitime» via un consensus ou un jugement formulé de façon indépendante.8


Le Synode de 1991 par son texte La Justice dans le monde déclare : «Le combat pour la justice et la participation à la transformation du monde nous apparaissent pleinement comme une dimension constitutive de la prédication de l’Evangile qui est la mission de l’Eglise pour la rédemption de l’humanité et sa libération de toute situation oppressive».

Il énumère des catégories de personnes victimes d’injustice, migrants, peuples persécutés, groupes maintenus à un niveau inférieur de promotion sociale, persécutés à cause de la foi et mentionne des pratiques, violence atteignant l’intégrité personnelle (tortures), pratiques anticonceptionnelles sous pression de l’autorité publique, manipulations de la vérité.


Et les évêques américains un an après, dans A Place at the Table précisent que la lutte contre la pauvreté doit conjuguer l’action de quatre instances :

  1. les familles et les individus

  2. les organisations communautaires, la société civile, les Eglises, les syndicats etc. par leurs activités de service et de défense.

  3. le secteur économique privé avec des salaires décents et la place des pauvres.

  4. le gouvernement qui a en charge le bien commun du pays.


Le mot Justice revient 458 fois dans la Bible et le mot juste 452 fois.

Dans le livre, Le pauvre, huitième sacrement9, on va trouver le tracé historique de la notion de justice dans la tradition chrétienne, depuis la Bible puis les Pères de l’Eglise jusqu’à aujourd’hui.

Dans le livre du Siracide : «  Mon enfant ne refuse pas au pauvre ce qui est vital pour lui (…) Ne le rends pas encore plus aigri (…) ne lui donne pas l’occasion de te maudire ».

Grégoire de Nysse 10: «  Ne gardez pas tout pour vous, mais partagez avec les pauvres qui sont les préférés de Dieu. Tout appartient à Dieu (…) Tous nous aurions dû recueillir une part égale d’héritage, c’était justice ».

Salvien, prêtre à Marseille (390 – 484): « Tu vois que le Christ est dans la misère, et toi tu laisses ton patrimoine à des gens qui ne manquent de rien ? Le Christ est pauvre, et toi tu grossis les richesses des riches ? Le Christ a faim, et toi tu prépares des plaisirs à ceux qui regorgent de tout ? Le Christ se plaint de manquer d’eau, et toi tu remplis de vin les caves des ivrognes ? Le Christ se meure dans le dénuement le plus absolu, et toi tu emmagasines pour le voluptueux ? »11

Le Droit des pauvres est affirmé. Huguccio de Pise (mort vers 1210) : « En droit naturel tout est commun, cela veut dire que tout doit être mis en commun selon les nécessités des autres. (…) on dit biens d’autrui tous les biens que nous possédons au-delà de ce qui nous est nécessaire, biens d’autrui en ce sens qu’ils doivent être mis en commun en temps de nécessité. (…) Le pauvre ne pèche pas en une telle circonstance, à savoir lorsque poussé par l’urgente nécessité il prend le bien d’autrui. De plus il ne commet pas de vol car il croit, ou il est censé croire, que le propriétaire lui permettra de prendre »12.

Las Casas : « Dites moi quelle justice vous autorise à maintenir les Indiens dans une si affreuse servitude ? »

La Lettre encyclique des évêques constitutionnels français du 13 décembre 1795 est de la même veine : «  Vous, les riches de la terre vous manquez aux vues de la Providence ; vous êtes les fléaux de l’humanité si vous ne secourez vos frères malheureux ! »


C’est l’encyclique Quadragesimo anno, en 1931, de Pie XI, qui pour la première fois utilise l'expression « justice sociale » : la justice sociale ne tolère pas qu’une classe empêche l’autre de participer à ces avantages : « Dans la distribution des ressources il y a des dérèglements quand une poignée de riches contraste avec une multitude d’indigents ».

Et le Droit canon C 222 : « (Les fidèles) sont tenus par l’obligation de promouvoir la justice sociale et encore, se souvenant du commandement du Seigneur, de secourir les pauvres sur leurs revenus personnels ».

L’Assemblée de Puebla, en 1979, insiste sur «  la volonté de vaincre les structures de péché dans la vie personnelle et sociale » et le choix préférentiel est « exigé par la réalité scandaleuse des déséquilibres économiques en Amérique latine ».


Trois remarques ouvrent des perspectives sur la justice sociale :


La Paix et la solidarité sociale


Le mot Paix revient 311 fois dans la Bible.


La Paix14 est selon René Coste :


Il est utile de rappeler les principes de la guerre juste, selon le Catéchisme de l’Eglise catholique par exemple, n° 2309. « Il faut à la fois :


Dans Guerres justes et injustes, Michael Walzer, Paris, Folio 2006, actualise la notion pour le monde actuel :

« La raison la plus importante (de la guerre contre l’Irak en 2003) était le danger que l’Irak possédât ou fût dans un avenir proche capable de produire des armes de destruction massive. Or, que la Grande-Bretagne ou la France fussent en possession d’armes de destruction massive n’a jamais été considéré comme un casus belli. C’était la nature de son régime qui rendait l’Irak dangereux : le gouvernement américain croyait le régime de Saddam par nature agressif et dangereux. De même qu’il avait commis des agressions par le passé, il avait massacré sa population, et, rappelaient les dirigeants américains avec force, le passé, en l’occurrence, avait valeur de prologue. Ce qui était déjà arrivé ne manquerait pas de se reproduire, sauf changement de régime. (…)

Quand nous agissons dans le monde, et surtout quand nous agissons militairement, nous devons répondre « au mal que font les hommes », non pas au mal qu’ils sont capables de faire ou qu’ils ont fait dans le passé. (…)

La guerre préventive n’est justifiable ni dans la théorie classique de la guerre juste ni en droit international ; en revanche la « force préventive »16, pour ainsi dire, peut se justifier en présence d’un régime brutal. (..) Nous avons un besoin urgent d’une théorie des usages justes et injustes de la force (…) elle sera certainement plus permissive que la théorie de la guerre juste.


Le Compendium de son côté précise quelques notions traditionnelles de l’enseignement de l’Eglise :


Et le Rassemblement œcuménique de Bâle de 1989 précise : «  La paix est une notion centrale dans l’Ancien testament. Le terme de shalom a une signification bien plus riche que celle que nous associons normalement au terme de « paix ». Il signifie harmonie et intégralité, comme aussi santé et épanouissement de la personne. Il englobe toutes les dimensions de la vie – la dimension personnelle et familiale comme aussi les dimensions sociales, nationale et internationale. Il désigne plus que la sécurité purement politique que nous appelons couramment la paix. Le shalom est cette réalité divine qui comprend la justice, la paix, l’intégrité de la création et leur interdépendance, qui sont les dons de Dieu ».


Des Psaumes illustrent cette globalité :

71 Notre âme attend le Seigneur, en lui la joie de notre cœur

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,

A ce fils de roi ta justice ;

Qu’il gouverne ton peuple avec justice,

Qu’il fasse droit aux malheureux.


145 Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur

Le Seigneur fait justice aux opprimés,

Aux affamés il donne le pain ;

Le Seigneur délie les enchaînés.


Et Isaïe (2, 4,5) «De leurs épées ils forgeront des socs et de leurs lances des faucilles »


John Burton en 1962 amorce une évolution qui se poursuit19 :

  1. « les conflits sont causés par des frustrations et des injustices plutôt que par des tendances irrationnelles ou naturelles à l’agression et au combat pour lui-même »

  2. « il existe aujourd’hui une compréhension et une acceptation des demandes faites par les autres nations pour la justice, pour l’égalité raciale ».

  3. « les armes nucléaires ont rendu impraticable l’emploi des structures et procédures traditionnelles de contrainte ».


Pour Pierre Calame «  La paix est une construction culturelle, institutionnelle et sociale dont les racines plongent souvent loin dans l’histoire. C’est l’art de gérer pacifiquement les conflits. (…) On ne la construit pas non plus en niant le conflit, car ce serait le plus sûr moyen pour que s’impose la violence ».


Et il faut construire des structures de paix. Les évêques américains insistent en 1994 sur cinq points :

  1. renforcement des institutions globales

  2. respect des droits de l’homme

  3. promotion du développement humain

  4. limitation du nationalisme et élimination de la violence

  5. construction d’une sécurité solidaire

Ils font ainsi suite à Gaudium et Spes n°82 qui souhaite « une autorité publique universelle reconnue par tous qui jouisse d’un pouvoir efficace, susceptible d’assurer à tous la sécurité, le respect de la justice et la garantie des droits ».


Le rapport Brundtland de 1987 et la déclaration de Rio en 1992 élargissent la perspective : « La paix, le développement et la protection de l’environnement sont interdépendants et indissociables ». Il faut donc un ordre de paix international, un ordre économique international et un ordre écologique international.


Du côté des catholiques l’évolution est frappante :


Et comme d’habitude en matière sociale et politique, Jean Paul II n’est pas le dernier à marteler que la solidarité est un principe fondamental de la vie en société. Il fait ainsi en quelque sorte la synthèse des notions de justice et de paix:

«Le défi pour nous tous, c’est d’adopter une attitude de solidarité sociale avec toute la famille humaine et d’aborder dans cette attitude toutes les situations sociales et politiques ». Message pour la Journée mondiale de la paix du 1er janvier 1987, Le développement et la solidarité : deux clefs pour la paix.



La Justice et l’équité


participent à cette vision de la solidarité sociale. Des approches nouvelles tournent autour de l’idée d’équité qui devient aujourd’hui le fondement intellectuel des politiques sociales nationales et internationales.


L’option préférentielle pour les pauvres

doit se traduire dans le champ privé et public / politique.20 « Une des différence entre la Bible et notre situation vient du fait que la « justice sociale » nous renvoie aujourd’hui à l’idée que les hommes peuvent instaurer des structures sociales justes.(…) Rien de plus éloigné de la pensée biblique, y compris celle des prophètes. S’ils dénoncent des injustices, ils dénoncent bien des situations de fait mais ce désordre est lié au comportement des hommes, alors que nous dénonçons de plus aujourd’hui des fonctionnements institutionnels. (…) Il s’agit de faire progresser aujourd’hui la justice dans les relations que les hommes entretiennent entre eux par l’intermédiaire des structures en lesquelles s’objectivent les relations qu’ils ont entre eux. (cf. structures de péché). (…) Les prophètes dénoncent un certain nombre d’injustices, pas au nom d’une revendication d’égalité sociale, mais en raison des besoins des pauvres ».

L’option préférentielle invite à traiter d’abord la situation des victimes des injustices plus qu’à de réduire les inégalités profitables à d’autres.

Elle nait d’un double constat : tous les hommes ont une égale dignité ; certains vivent dans des situations concrètes qui ne respectent pas cette égale dignité. Donc la situation des pauvres doit être changée. Elle est aussi une lutte qui vise la transformation des structures créatrices de pauvreté et l’instauration de nouveaux comportements.


Un bon exemple actuel est la lutte contre la corruption.

En juin 2006, une conférence internationale, « La lutte contre la corruption », est organisée à Rome par le Conseil pontifical Justice et Paix. Son président, le Cardinal Martino, la conclut en déclarant : « Il n’est pas acceptable que l’addition de la corruption soit payée par les pauvres. »

Il fait ainsi écho aux propos tenus par Eva Joly, l’ancienne magistrate française de l’affaire Elf, devenue conseiller spécial du gouvernement norvégien pour la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Elle proclame la corruption contraire aux vertus démocratiques, une incivilité, un mensonge qui voile les réalités. La Norvège par exemple consacre une part significative de sa généreuse aide publique au développement au soutien des organes de justice, aux politiques de prévention et de formation, même au financement de procès.

Les détournements annuels de fonds correspondent à cinq fois le montant mondial de l’aide publique au développement. Leur total se situe aux alentours de 150 à 160 milliards d’euros. La corruption compte pour 5 milliards, le crime pour 30 milliards et la fraude fiscale ou commerciale pour 125 milliards.

Les paradis fiscaux et judiciaires permettent aux banques de faire transiter, sans risque et dans l’opacité, des fonds liés à la corruption. Les circuits sont longs, complexes mais efficaces. Ils peuvent mettre en œuvre la coopération de multiples hommes de paille ou sociétés fictives et de cinq ou six établissements des îles Vierges britanniques, des Bahamas, de l’île de Man britannique, de Lettonie, du Liechtenstein, de Vanuatu, du Luxembourg, de Suisse, etc. Soixante pays au moins sont des paradis fiscaux et judiciaires. Les fonds arrivent propres, il vaudrait mieux dire « nettoyés », souvent avec la protection d’un pays de passage qui refusera de répondre aux demandes d’entraide judiciaire.

Les criminels font de même, trafics d’armes, prostitution, trafic d’êtres humains, racket, drogue, etc. Les entreprises multinationales ont, elles, organisé l’abus fiscal légal en vendant par exemple un produit à bas prix à une filiale logée dans un paradis fiscal. Celle-ci le revend à un prix plus élevé. Cela permet de localiser le bénéfice dans un pays où il est peu ou pas imposé. Les banques ou les assurances peuvent faire de même avec des commissions.

Alors que la communauté internationale, en dépit de ses grands discours, reste timorée, des sanctions devraient être prises contre ces paradis fiscaux. La création d’un organisme de contrôle par les Nations unies et l’adoption d’un code de conduite seraient des actions efficaces »21.


En Afghanistan22 on estime que le tiers des fonds d’aide est aspiré par la corruption.

Un évêque pakistanais, m’explique le fonctionnement d’une procédure judicaire. Pour déposer un document au greffe il faut activer le préposé avec un pourboire ; il faut que l’avocat « contacte » le magistrat ; quand on a gagné son procès il faut remercier tout le monde même le balayeur des locaux, qui est d’ailleurs comme d’habitude dans ce pays un chrétien.


D’où l’importance plus largement des campagnes de moralisation, « Publiez ce que vous payez ! » à propos des industries extractives23

« Ensemble, nous militons pour la publication obligatoire des paiements effectués par les compagnies ainsi que des dividendes issus des secteurs pétrolier, gazier et minier, encaissés par les gouvernements. La coalition réclame également la publication des dispositions d’octroi de licence et des contrats de l’industrie extractive. »

L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE)24, une norme globale promouvant la transparence des revenus, a, elle, pour but de renforcer la gouvernance en améliorant la transparence et la responsabilisation dans le secteur extractif. Elle associe les gouvernements, les entreprises et les sociétés civiles. Trois milliards et demi de personnes habitent des pays riches en pétrole, en gaz et en minerais. Avec une bonne gouvernance, l’exploitation de ces ressources peut générer d’importants revenus pour encourager la croissance économique et réduire la pauvreté.

Cependant, lorsque la gouvernance est faible, de telles ressources peuvent apporter la pauvreté, la corruption, et les conflits.


D’où l’importance aussi du travail contre les paradis fiscaux. Selon des documents de l’Union européenne les fuites illégales de capitaux depuis les pays en développement représenteraient au moins sept fois l’aide publique au développement. Les seules fraudes des multinationales représentent 125 milliards d’euros de pertes par an pour les pays en développement. Le CCFD publie fin 2010 des recommandations : obliger les multinationales à publier les comptes pays par pays voire filiale par filiale, mettre fin aux sociétés écrans, renforcer les sanctions contre la criminalité économique et financière.

Cela conclue une liste de sociétés qui pratiquent le paradis-fiscalisme :la palme revient aux banques. La Deutsche Bank est maillot jaune avec 446 filiales dans des paradis fiscaux, BNP Paribas arrive en deuxième place avec 347 filiales de ce genre.


Le « Droit de l’humanité »,

Le concept d’humanité est fondamental : elle a atteint un stade planétaire. Il est essentiel qu’elle soit considérée comme un acteur englobant la vie internationale et un sujet du droit international. Déjà des traités lui reconnaissent une existence : traité sur l’Antarctique de 1959 : «Il est de l’intérêt de l’humanité tout entière que l’Antarctique soit à jamais réservé aux seules activités pacifiques » ; traité sur l’espace de 1967 : « L’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique (…) sont l’apanage de l’humanité tout entière ».

Il faut développer et faire reconnaître le droit de l’humanité. Le Club de Rome25 avait abordé une problématique mondiale et quatre axiomes26 :

On se retrouve avec deux démarches complémentaires, celle des droits de l’homme et celle de l’écologie. Et si de divers côtés islamistes et asiatiques particulièrement hindouistes en Inde, on dit qu’il s’agit d’une problématique occidentale, certaines grandes voix viennent les défendre, comme Aung San Suu Kyi : «  Les Birmans ont du mal à croire que leurs valeurs traditionnelles puissent s’opposer à ces concepts qui accordent aux humains une dignité naturelle et des droits égaux et inaliénables. (…) Si les idées et croyances devaient perdre leur valeur dès lors qu’elles sortent de leurs frontières géographiques et culturelles d’origine, le bouddhisme serait lié à l’Inde du Nord, le christianisme à une bande étroite du Moyen-Orient et l’islam à l’Arabie ».27


Bartolomé Las Casas condamne les guerres contre les Indiens : « Je répète de nouveau que toutes les conquêtes et toutes les guerres qui ont été faites depuis la découverte des Indes (…) ont toujours été injustes, tyranniques, infernales (…) et que ceux qui t ont pris part ont été des impies, des brigands, de cruels tyrans qui ont commis là-bas des péchés inexpiables, car tout ce qu’ils ont acquis le fut par la violence, le vol, l’agression, l’oppression. (…) Le Christ est fouetté, martyrisé, souffleté et crucifié, non pas une fois mais des milliers de fois. »

Comme le dit Gustavo Gutiérrez, Las Casas nous apprend à regarder à l’envers de l’histoire en nous plaçant du point de vue des peuples opprimés.28


Selon le Rapport Brundtland de 1987 le développement durable « répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».

Rober Solow, An almost practical step toward sustainability29 explique quelques années ensuite que la durabilité impose de laisser à la génération suivante « tout ce dont elle a besoin pour avoir un niveau de vie au moins égal au nôtre et veiller de la même façon aux intérêts de la génération qui lui succèdera ».

Benoît XVII, dans son Message pour la Journée mondiale de la Paix 2010 dit la même chose : « Nous sommes tous responsables de la protection et du soin de la création. Cette responsabilité ne connait pas de frontières. (..) Toute personne a donc le devoir de protéger l’environnement naturel pour construire un monde pacifique. (…) C’est aussi une opportunité providentielle pour offrir aux nouvelles générations la perspective d’un avenir meilleur pour tous ».


Et à Cancun, en décembre 2010 des progrès sont fait au plan de l’humanité tout entière :

Est-ce une victoire des pays émergents, contre ONU ? Un nouveau processus de bas en haut s’engage, car chaque Etat prend des engagements que l’ONU compile : ce n’est plus une politique guidée disent certains.


Le concept de biens publics mondiaux30 se rattache aussi à ces réflexions sur le droit de l’humanité.

« La notion repose sur la transposition, au niveau international, de celle de « biens publics ». Ces derniers ont été définis par les économistes comme des biens, services, ou ressources qui bénéficient à tous et se caractérisent par la non-rivalité (la consommation de ce bien par un individu n’empêche pas sa consommation par un autre) et la non-exclusion (personne ne peut être exclu de la consommation de ce bien). Ces « biens publics » sont souvent assimilés aux « biens communs » qui sont, eux, réservés à un groupe de consommateurs et en excluent les autres. Biens publics et biens communs peuvent être locaux, régionaux, nationaux, plurinationaux ou mondiaux.

Ce concept, formalisé dans les années cinquante au niveau national, a fait l’objet d’un regain d’intérêt dans les années quatre-vingt-dix comme mode d’analyse et cadre théorique possible pour répondre aux grands enjeux mondiaux (changements climatiques, maladies transmissibles, etc.).

Chaque pays qui conduit des politiques publiques ayant des effets positifs au plan global est, de fait, amené à contribuer à la production des biens publics mondiaux à travers des financements d’investissements destinés d’abord à la collectivité nationale : c’est le cas de la lutte contre les pandémies, de l’investissement dans la recherche, ou des politiques de réduction des émissions des gaz à effet de serre.

Les biens publics mondiaux ont notamment donné lieu à d’importants travaux du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) publiés en 1999 et en 2003, ainsi qu’à plusieurs rencontres internationales portant notamment sur de nouvelles modalités de financement envisageables.

Cette transposition, au niveau mondial, d’une notion économique « libérale », s’est aussi développée selon une approche plus politique qui privilégie les patrimoines communs (et la répartition des bénéfices), les rapports de force et les déséquilibres internationaux. Les questions soulevées, plus radicales, sont alors celles d’une souveraineté internationale, d’une citoyenneté mondiale et d’une nécessaire nouvelle architecture au plan planétaire. Dans cette conception, il y a souvent assimilation des BPM aux droits humains fondamentaux : droit à la santé, droit à l’eau. Les solutions proposées font, en général, appel à une ou à des taxes internationales dont la mise en œuvre soulève de grandes difficultés, techniques et politiques.

Aujourd’hui, le consensus n’est pas total sur ce que recouvre exactement le concept de biens publics mondiaux. La notion de « public » correspond en effet à un construit politique variable dans l’espace et dans le temps. S’y retrouvent toutefois, pour la majorité des experts :

Pour répondre à ces enjeux mondiaux, des réponses globales sont nécessaires et celles-ci nécessitent des transferts financiers importants, en particulier des pays développés vers les pays en développement ».

Du point de vue juridique31, « il y a des années que la communauté internationale tente de dégager les règles qui permettraient de codifier leur responsabilité des Etats.

En août 2001 la Commission du droit international a adopté un dispositif intitulé « responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite » qui fut « recommandé » aux gouvernements, par résolution de l’Assemblée générale des Nations unies le 12 décembre 2001. Ce dispositif repose sur la notion de « violations graves d’obligations découlant des normes impératives du droit international général », laissant en partie irrésolue la question des contre-mesures, autrement dit des sanctions. Du moins consacre-t-il un régime de responsabilité pour atteinte aux intérêts d’un ordre public international qui vise la communauté internationale dans son ensemble et pourrait préfigurer une future communauté mondiale, à condition de transformer la recommandation en convention.

Les Etats préfèrent cependant s’en tenir au cadre strictement bilatéral déjà admis, limitant la responsabilité aux cas opposant un Etat auteur à un Etat victime. Et la Cour internationale de justice reste prudente, même si l’on note une légère avancée dans l’affaire du génocide en Bosnie.

Aussi les principales sources de responsabilité des Etats en cas de violation de valeurs universelles restent les sources dites sectorielles, à commencer par les dispositifs relatifs aux droits de l’homme, et plus récemment les biens publics mondiaux.

Au cas de violation des droits de l’homme, la responsabilité se limite, pour l’essentiel, aux Etats qui ont accepté le recours individuel et peuvent faire l’objet d’un contrôle international. Or ce contrôle n’est juridictionnel que dans quelques régions seulement. En revanche au niveau mondial, le contrôle du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, n’est pas « juridictionnel ».

Cependant ce contrôle prend un caractère sinon juridictionnel, du moins contentieux, lorsqu’il est déclenché sur plainte d’une victime ou (beaucoup plus rarement) d’un autre Etat. Dans ce cas, la constatation du Comité est définitive, revêtue de l’autorité non de la chose jugée mais de la « chose constatée ». En outre le Comité estime que l’Etat concerné est tenu de prendre les mesures appropriées pour donner un effet juridique à ses constatations (environ 25 % de ces décisions connaissent ainsi une suite satisfaisante).

Ce mode de contrôle a également fait son apparition dans le domaine des biens publics mondiaux, avec le dispositif d’observance du protocole de Kyoto, destiné à faire respecter les quotas d’émission de gaz à effets de serre. Systématisant le jeu de la carotte et du bâton, ce dispositif repose sur deux mécanismes : un mécanisme dit de prévention, mis en œuvre par le groupe (devenu la chambre) de facilitation, qui fournit des conseils aux Etats pour établir leurs rapports concernant les émissions ; et un mécanisme dit de sanction, exercé par la chambre de l’exécution qui constate la situation de non-conformité (on évite le mot « violation ») et indique les mesures à prendre (la réduction des quantités d’émission pouvant être assortie d’une pénalité de 30 %).

Même si la question de la portée juridique des décisions ainsi adoptées reste ouverte, la possibilité d’un recours devant un organe politique (la conférence des Etats parties) renforce le caractère contentieux du contrôle. L’intérêt de cette méthode est peut-être d’ouvrir la voie d’un renouvellement des mécanismes d’attribution de la responsabilité aux Etats, plus complexe, mais sans doute plus conforme à la protection de valeurs qui pour être universalisables ne peuvent toujours être mises en œuvre de façon uniforme. En intégrant une action en prévention, le dispositif s’adapte à une responsabilité conçue en effet comme une « responsabilité commune mais différenciée », car elle met à la charge des Etats des obligations différentes selon le groupe auquel ils appartiennent. Mais il reste à définir l’engagement des pays en développement car c’est leur comportement qui sera déterminant pour l’avenir.


Quant aux acteurs non étatiques, on ne reviendra pas sur les individus dont la responsabilité peut être mise en cause pour des crimes à vocation universelle : soit devant les juridictions pénales internationales, soit devant les juridictions nationales, dont la compétence traditionnelle (territoriale ou personnelle) peut être encore élargie par la reconnaissance d’une « compétence universelle ».

En revanche, s’agissant de la protection des valeurs qui sous-tendent les droits de l’homme et les biens publics mondiaux, on entrevoit une tendance nouvelle à responsabiliser les acteurs économiques déjà mondialisés que sont les entreprises multinationales, tant à partir du droit interne que du droit international

En droit interne, l’idée d’une compétence quasi universelle des tribunaux nationaux pour violation des droits de l’homme est venue du droit américain, à partir du très ancien texte de 1789, Alien tort claims act (ATCA), redécouvert dans les années 80, et récemment validé, en même temps qu’encadré, par la Cour suprême des Etats Unis. D’abord appliqué à des dirigeants politiques, l’ATCA permet désormais d’imputer la violation de droits de l’homme à des entreprises multinationales. Ainsi dans l’affaire Unocal, la responsabilité de l’entreprise fut reconnue, comme complice de la junte birmane, pour avoir imposé des travaux forcés sur un chantier de gazoduc. D’autres textes, comme la loi Sarbanes Oxley de 2002 sur la comptabilité des entreprises, sont d’application moins exceptionnelle. Mais ils semblent aussi difficilement acceptables, à moins d’un accord international qui assurerait un minimum d’harmonisation des conditions et de la mise en œuvre d’une telle responsabilité universelle.

Or le droit international préfère des instruments comme les codes de conduite et principes directeurs. L’exemple le plus connu est celui des « Principes directeurs à l’intention des multinationales », adoptés à l’OCDE en 1976 et réactualisés en 2000 afin d’incorporer les droits sociaux et l’environnement.

Plus récents, des « Principes sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises » ont été adoptés en Août 2003 par l’ancienne Sous-commission des droits de l’homme des Nations Unies. Soutenus par le Haut Commissariat aux droits de l’homme, ces Principes ont été réactualisés par la désignation d’un expert indépendant.

De nature non contraignante, ce droit mou (soft law) peut favoriser l’émergence de valeurs communes ; de plus il est parfois aussi pris en compte dans les procédures d’arbitrage, comme il a été récemment admis par le Centre international pour le règlement des différends liés aux investissements (CIRDI) dans une affaire concernant d’ailleurs les biens publics mondiaux à travers la question du droit d’accès à l’eau. En ce sens il peut contribuer aussi à responsabiliser les acteurs ».



La sécurité humaine

est un concept plus large que celui de sécurité militaire. Selon le Rapport mondial sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement de 199432 la sécurité humaine compte quatre caractéristiques :

Le rapport classe les menaces contre la sécurité humaine sous sept rubriques : sécurité économique, sécurité alimentaire, sécurité sanitaire, sécurité de l’environnement, sécurité personnelle, sécurité de la communauté, sécurité politique.

C’est une approche intéressante pour la promotion de la paix. Elle exigera l’engagement d’un système international intégré tout en laissant jouer le principe de subsidiarité au bénéfice des Etats.

Elle actualise les buts des Nations Unies indiqués dans le Préambule de la Charte de 1945 :

Mais les grandes puissances ne leur donnent pas les moyens politiques, militaires, financiers L’enseignement social, Pacem in terris et les encycliques suivantes, Jean XXIII et ses successeurs ont tous insisté sur le rôle des organisations internationales. Le Conseil œcuménique des Eglises partage cette position : « Nous affirmons l’utilité des Nations Unies et de la Cour internationale de justice (…).Ils jouent un rôle constructif au service de la paix, (ils) doivent être développés et renforcés ».33.


La montée de l’équité

En matière de lutte contre la pauvreté la montée vers des politiques d’équité a été progressive même si on en trouve des traces par exemple lors de la Révolution française.


L’équité34 est la possibilité de choisir la place que l’on occupe, et


Deux penseurs sont les leaders de la promotion de l’équité.

1. John Rawls35 : les inégalités sociales et économiques ne sont acceptables que dans la mesure où elles procurent un bénéfice plus grand aux membres les plus désavantagés de la société. C’est donc une approche à l’envers : on regarde à partir des désavantagés, un peu comme dans le renversement de problématique de la parabole du Bon Samaritain : qui est mon prochain et de qui suis-je le prochain ?

Il définit les conditions d’une juste répartition des biens sociaux dans un Etat. Il décrit les procédures et les principes36.

Rawls dresse la liste des biens correspondant aux différentes attentes des individus : « les droits et libertés fondamentales, la liberté de mouvement, le libre choix d’une position dans un contexte d’égalité des chances, les pouvoirs et prérogatives arrachés aux diverses fonctions et positions dans les institutions politiques et économiques, les revenus monétaires et la richesse, et les bases sociales du respect de soi ».

Sa théorie donc fondée sur l’idéal démocratique de coopération équitable.


Par la suite il s’est intéressé à la justice à l’échelle mondiale, Paix et démocratie. Le droit des peuples et la raison publique. Il étudie le principe de différence : jusqu’où réduire les inégalités entre pays ? Il ne veut pas appliquer là ce principe mais il faut promouvoir une certaine forme de réduction des inégalités. Il est pour un principe de justice distributive temporaire entre les peuples.

Cette position a été critiquée : manque de reconnaissance de la responsabilité des pays riches ; les Etats occidentaux sont responsables de déséquilibres structurels donc une justice corrective doit rééquilibrer l’ordre mondial pour qu’il soit structurellement plus juste.37


2. Amartya Sen, Prix Nobel d’économie en 199838

Il réfléchit à un modèle de développement qui privilégie la liberté considérée comme un moyen : il parle de « capabilité », la capacité à agir et à être par des fonctionnements effectifs et observables et des libertés potentielles de choix entre différentes alternatives.

Là, l’économie du développement vise à rendre les personnes plus capables de mener une vie souhaitée et acceptable.

Le souci de justice sociale lui fait préconiser un développement qui renforce de manière équitable les capabilités individuelles et collectives. Les plus pauvres doivent être favorisés dans la distribution des ressources.

Quatre éléments forts construisent son approche :

Son influence sur le PNUD est notoire. Il y est l’instigateur de l’indice du développement humain qui en plus du PIB intègre l’espérance de vie et le niveau d’éducation.


Face aux immenses besoins la promotion de l’équité active est indispensable.

Car les pauvretés sont sources de tensions et de conflits bien évidemment. Près d'un quart des Européens sont menacés de pauvreté ou d'exclusion sociale.


Quelque 116 millions de citoyens européens, soit près d'un quart de la population de l'UE, étaient menacés de pauvreté ou d'exclusion sociale en 2008, selon une étude publiée le 12 décembre 2010 par l'office européen des statistiques, Eurostat.

La Commission européenne a l'ambition de réduire d'au moins 20 millions le nombre de personnes confrontées au risque de pauvreté ou d'exclusion sociale d'ici dix ans.

Mais d'ici là, les chiffres sont alarmants. Selon les statistiques d'Eurostat, pas moins de 81 millions de personnes (soit 16,5% de la population de l'UE) étaient confrontés au risque de pauvreté en 2008. Ces personnes, vivant principalement en Lettonie, en Roumanie et en Bulgarie, disposaient d'un revenu se situant au-dessous du seuil national de pauvreté, y compris en prenant en compte les transferts sociaux.

Et la pauvreté touche aussi les "grands" pays de l'UE selon le rapport d'Eurostat, intitulé "Revenu et conditions de vie en Europe". Ainsi, la France comptait 7,9 millions de personnes (13,1% de la population) menacées de pauvreté. En Allemagne le taux de personnes menacées de pauvreté est de 15,2%. Il est de 19,6% en Espagne, de 18,7% en Italie et de 18,8% au Royaume-Uni.

En outre, 42 millions d'Européens, soit 8,5% de la population de l'UE, se trouvaient en 2008 en situation de privation matérielle grave, ce qui signifie que leurs conditions de vie étaient limitées par un manque de ressources tel qu'elles n'étaient pas en mesure de régler leurs factures, de chauffer correctement leur logement, de s'acheter une voiture ou un téléphone, etc.

Enfin, 34 millions d'Européens, soit 9% de la population, vivaient en 2008 dans des ménages dans lesquels les adultes âgés de 18 à 59 ans (hors étudiants) avaient utilisé moins de 20% de leur potentiel total d'emploi dans l'année.

Au total, près de 116 millions d'Européens (23,6% de la population) relèvent d'au moins l'un de ces critères (risque de pauvreté après transferts sociaux, privation matérielle grave, appartenance à un ménage à très faible intensité de travail). En Bulgarie, 45% de la population est dans ce cas. Et près de 7 millions d'Européens (1,4% de la population de l'UE) relèvent quant à eux des trois critères de pauvreté et d'exclusion sociale à la fois, surtout en Bulgarie (4,5% de la population), Hongrie (2,7%) et Roumanie (2,4%).

Au plan mondial, la Déclaration de la Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, la Sud-Africaine Navanethem Pillay lors de la Journée internationale des droits de l’homme de décembre 2010, dresse un panorama saisissant :

«  Nous pouvons et devons tous être des défenseurs des droits de l’homme compte tenu de tous ce que nous devons aux autres pour les droits dont nous bénéficions. (…)

Il y a 370 millions de personnes appartenant aux peuples indigènes, beaucoup d’entre elles souffrant de discrimination. Même dans le monde développé l’espérance de vie de certains groupes d’enfants indigènes nés aujourd’hui peut être inférieure à 20 ans de moins que les autres. (…)

Sur les 650 millions d’handicapés, les deux tiers vivent sous le seuil de pauvreté. (…)

70% des 100 millions d’enfants non scolarisés sont des filles. (…)

100 millions de personnes vivent dans la pauvreté chaque année car elles doivent payer pour leurs soins de santé. Dans de nombreux pays , les enfants pauvres ont dix fois moins de chance d’être vaccinés que les autres et les femmes pauvres ont 20 fois moins de chance d’accoucher avec une assistance médicale que les 20% de femmes les plus riches.(…)

Il y a plus de 200 millions de migrants dans le monde ; les irréguliers et sans papier particulièrement sont victimes de racisme, de xénophobie et d’autres formes chroniques de discrimination, tant dans les pays développés que dans les pays en développement. (…)

Il manque des statistiques concernant les défenseurs des droits de l’homme. (…). Nous devons travailler mieux pour défendre nos défenseurs. (…) les gouvernements doivent prendre en compte le fait que la critique n’est pas un crime, et relâcher toutes ces personnes détenues pour exercice pacifique de leurs libertés fondamentales de défendre les principes démocratiques et les droits humains ».



François Dubet40met en avant deux conceptions de la justice sociale et il est possible d’étendre son approche aux réalités mondiales :

On veut les deux or il faut choisir la priorité, pour l’action.

On peut soit vouloir abolir une position sociale injuste soit permettre aux individus de s’en échapper sans la remettre en cause.

François Dubet plaide pour l’égalité des places d’abord

Au plan mondial on voit là l’idée d’un ordre économique et social mondial à développer en complément aux efforts si difficiles de mise en œuvre d’un ordre politique mondial, international.


Déjà la protection sociale41 marque une évolution intéressante. En Afrique subsaharienne, 5% à 10% seulement des personnes sont couvertes par des régimes d’assurance sociale ou des fonds de prévoyance obligatoires.

En Asie 20% de la population bénéficient d’une couverture suffisante en matière de santé.

Il y a des évolutions positives mélangeant l’idée de justice et le désir économique soutenir la croissance intérieure. Un projet d’extension de la protection sociale à 450 millions de ruraux en Chine, un programme de Bolsa Familia au Brésil qui est une allocation aux familles à condition que les enfants soient suivis par un médecin et aillent à l’école – treize millions de familles concernées ; un système du même genre au Mexique. Au Brésil les assurances maladies, retraite et assistance sociale se développent.

Dans les années 90, l’OCDE, le FMI et la Banque mondiale changent de politique après des années néolibérales voulant le financement majoritairement privé de la protection sociale.

L’UNICEF, l’Union européenne, l’OCDE poussent à l’éducation, à la lutte contre la pauvreté. Les financements sont variés, publics et obligatoires pour les entreprises.

Ce n’est pas l’Etat-providence mais une approche de la pauvreté des enfants, de l’éducation et de la santé en général. Il faut en effet développer des structures permettant à la mère de travailler et pas seulement lui verser des allocations : les familles monoparentales sont au Brésil 30% des familles, en France 18%, au Royaume Uni 25%.


L’Union européenne pose question aujourd’hui en voulant privilégier la croissance comme politique de lutte contre la pauvreté dans le monde42 .

Le récent Livre vert à discuter par les Etats membres proposé par la Commission européenne vise le soutien du secteur privé dans les pays pauvres. Il doit être le nouveau moteur de l’aide au développement. Un vrai tournant politique !

Ces dix dernières années les objectifs du millénaire pour le développement, l’eau, l’éducation et le sida étaient les priorités.

Ce nouvel axe s’accompagnerait d’aides au commerce et au secteur privé plus d’un soutien à l’agriculture durable.


La France a des priorités plus équilibrées :


Ces différentes approches et ces choix politiques font ressortir l’importance des affirmations de Benoît XVI dans Caritas in Veritate ;

« La sphère économique n’est par nature, ni éthiquement neutre ni inhumaine ni antisociale. Elle appartient à l’activité de l’homme et, justement parce qu’humaine, elle doit être structurée et organisée institutionnellement de façon éthique ». ( n° 36)



La guerre devant la justice


Il faut partir du droit international humanitaire43 ou droit de la guerre ou droit des conflits armés.

Elaboré au cours des siècles il trouve sa place dans des conventions internationales à partir de 1864 puis au début du XXème siècle dans les conventions Genève et de La Haye.

Il tend à assurer le respect de la personne humaine, compatible avec les exigences militaires et l’ordre public, et à atténuer les rigueurs des hostilités.


En 1949, les Conventions de Genève sont signées :

Deux protocoles de 1977 renforcent la protection des personnes sans défense dans les conflits armés internationaux et non internationaux.


Parmi les sujets importants il faut relever qu’il est interdit d’employer des armes et des méthodes de nature à causer des « maux superflus », d’attaquer les biens à caractère civil en particulier ceux qui sont indispensables à la survie de la population civile, denrées alimentaires, zones agricoles, récoltes, bétail, installations et réserves d’au potable, ouvrages d’irrigation, biens culturels, monuments historiques, ouvrages dangereux comme les barrages, protection de l’environnement. Les bombardements d’usines de traitement d’eau potable en Irak entre les deux guerres du Golfe par les aviations de MM Clinton et Blair en font ainsi des criminels de guerre redevables de la Cour pénale internationale, sans prescription !

Par ailleurs, les Résolutions de 1988 et 1990 de l’Assemblée générale des Nations Unies prévoient le libre accès aux victimes de catastrophes naturelles ou de situations d’urgence du même ordre et la création de couloirs humanitaires.


Ce sont les Etats qui doivent réprimer les auteurs d’infractions. En principe les juridictions d’un Etat ne sont compétentes que si le crime a été commis sur son territoire ou si le criminel est l’un de ses ressortissants. Mais il y a une exception de compétence universelle des juridictions nationales pour les atteintes les plus graves, crimes contre l’humanité, génocide, crimes de guerre.

La Cour pénale internationale dont le statut a été adopté en 1998 à Rome, est compétente pour ces actes et le crime d’agression. Elle peut être saisie par un Etat partie.

Ce droit est en évolution : la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées est entée en vigueur en décembre 2010.


La fabrication de la paix44 a beaucoup changé depuis la seconde guerre mondiale.

Un conflit est la poursuite de buts incompatibles par différents groupes et l’opposition d’intérêts même par des moyens pacifiques. Le conflit armé, cela va de l’agression d’un seul civil par un soldat à une guerre mondiale.

La résolution du conflit s’organise selon deux approches :


Au plan des principes les choses sont belles et la Charte des Nations Unies pose le principe de l’interdiction de la force. Mais dans la pratique c’est plus l’ingérence que la responsabilité de protéger qui fonctionne. Il n’y a pas que les Américains en Irak ou en Afghanistan en 2001 qui agissent sans mandat ; les Anglais et les Français à Suez en 1956 ! La Russie en Hongrie, à Prague, les USA aussi à Grenade ou Panama ! Les violations perpétuelles par Israël des résolutions des Nations Unies. La liste est longue des violations du principe de non recours à la force, hors accord du Conseil de sécurité.

Certains pensent que la survie du monde occidental justifie l’écrasement de toute forme de fanatisme. Un écart est donc réel entre les pratiques et la Charte. On peut aussi s’interroger sur la « légitimité politique » du mandat donné à l’unanimité par le Conseil de sécurité à l’OTAN pour faire la guerre en Afghanistan, renouvelé pour un an en octobre 2010.


Les moyens de résolution des conflits sont multiples afin d’abord que les sources des conflits soient comprises et rendues inoffensives.

« Les opérations de maintien de la paix sont chères et complexes. (…)L’étude recommande que l’aide aux pays qui sortent d’un conflit soit conditionnée à une limitation des dépenses militaires. En moyenne 11% de l’aide sont détournés au profit de l’armée, ce qui accroît le risque de violences. (…) Le risque d’un conflit futur dépend de l’échelle du déploiement militaire. Cent millions de dollars dépensés dans une mission de maintien de la paix réduisent de 38 % à 16,5% le risque de conflit dans les dix ans qui suivent ; pour 200 millions $ c’est 12,8%, pour 500 millions $ c’est 9% et avec 850 millions $ c’est 7,3%. (…) En raison du coût colossal d’une guerre, la diminution de 1% du risque de guerre permet au monde d’économiser 2,5 milliards $ par an. Le déploiement le plus coûteux de forces de maintien de la paix réduit de 30 % le risque de conflit dans les dix ans ce qui représente une économie de 75 milliards de dollars, à comparer au coût global de 8,5 milliards $ de la mission de maintien de la paix. Une mission de maintien de la paix est encore plus efficace quand elle s’accompagne d’une garantie à long terme : l’engagement résolu d’envoyer des troupes en cas de nécessité. Cette garantie pourrait venir de l’ONU ou d’une institution régionale. (…) Une garantie de ce type pourrait permettre d’éviter trois ou quatre guerres civiles par décennie dans des pays pauvres. (…) Mettre sur pied une force de ce type reviendrait à 2 milliards $ par an , mais le bénéfice – une réduction importante du risque de conflit et la croissance économique – est de 11 à 39 fois plus élevé.(..) La meilleure stratégie consisterait à combiner une aide conditionnée à une limitation des dépenses militaires, une mission de maintien de la paix et une garantie de sécurité à long terme ».


L’acteur principal de la paix, ce sont les organisations internationales, par leurs fonctions de médiation :


L’idée du multilatéralisme a progressé dans les opinions. La crise irakienne a été un catalyseur mettant les Nations Unies au centre des débats. Les Etats « moyens » y sont sensibles comme outil de présence, tels la France, l’Allemagne, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud. D’autres en donnant des soldats aux Nations Unies existent dans les débats tels le Bangladesh, le Pakistan, le Ghana, le Nigéria, le Népal.

Via les objectifs du millénaire pour le développement, l’ONU se met au centre du débat sur la mondialisation et le multilatéralisme avec le soutien des ONG. «  Le multilatéralisme tend à se transformer : club de vainqueurs dominé par les USA en 1945, forum de confrontations puis de la décolonisation ensuite, il tend à devenir la base d’une conception nouvelle et exigeante d’une sécurité désormais globale et humaine. Il épouse ainsi l’évolution même de l’idée de paix : de garant de l’équilibre des puissances, il devient un vecteur obligé de la solidarité internationale ».

Mais la question des moyens demeure.

La faiblesse tient aux compromis qui doivent laisser intacte la souveraineté des Etats et respecter leur puissance. « La paix reste ainsi un objectif dont les réalisations sont laissées par la communauté internationale entre les mains des gladiateurs les plus puissants. (…) Elle risque de se trahir au Kosovo, en Afghanistan, au Darfour».47


Et il y a de nouveaux acteurs de la paix :


Et il faut éviter les confusions par exemple entre humanitaire et militaire.

Un principe absolu : l’acteur humanitaire doit garder le rôle principal dans l’action humanitaire quelle que soit la situation. Sur le plan pratique personne n’a le contrôle total d’une situation de crise ou de guerre. Les humanitaires développent des liens stratégiques pour dispenser l’aide humanitaire. En ce sens, les relations avec les militaires peuvent être essentielles pour acheminer l’aide ou négocier l’accès à une zone par exemple. Mais il faut maintenir la neutralité et l’indépendance. Ainsi garder ses distances avec les militaires et ne pas agir sous contrôle militaire. Les militaires prenant part à des opérations de secours observeront le droit international et appliqueront les principes humanitaires. Ils ne porteront jamais d’armes.


L’enjeu n’est pas de savoir si les organisations humanitaires doivent établir ou non des relations avec les militaires en cas de crises mais plutôt d’en déterminer les limites.

Pour les Polonais, l’armée est un pilier de la nation. Pour des victimes d’années de dictatures militaires en Amérique latine le contexte sera différent. Par ailleurs il ne saurait y avoir de mélange entre les actions humanitaires et militaires, vues par les victimes de la crise.

Il existe souvent une interaction entre les forces armées et les agences humanitaires au cours des opérations de secours mais l’augmentation des forces militaires engagées dans un travail habituellement considéré comme du domaine humanitaire engendre des confusions.

La coopération est facile en matière d’échange d’informations voire parfois de soutien logistique. Elle est plus délicate si l’humanitaire paraissait « associé » aux forces militaires. En tout état de cause, dans la quasi-totalité des cas, les escortes armées et la distribution des aides des humanitaires par les militaires sont à prohiber. Il convient de refuser l’utilisation du mot humanitaire pour décrire des activités conduites de façon partiale, réalisées pour servir une mission politique ou militaire.

L’enrôlement des militaires dans le travail humanitaire est une nouvelle mode, comme le manifeste l’engagement de l’OTAN en Afghanistan sous des formes diverses. Le développement des activités civilo-militaires va à l’encontre des principes humanitaires adoptés par la Croix Rouge internationale. Nous les avons repris à Caritas50 en précisant par exemple


De plus, les armées sont parfois impotentes et incapables de gérer à des coûts satisfaisants des opérations de secours ou médicales. Le coût d’un hôpital militaire étranger grevé des soldes de fonctionnaires expatriés explose par rapport à celui de son pair du pays concerné employant des personnels locaux.

Mais la question de la militarisation de l’humanitaire va aujourd’hui avec celle de la privatisation du militaire. Sami Makki la décrit en détail pour les Etats-Unis.51 Le monde des organisations non gouvernementales américaines se caractérise par le poids grandissant de celles qui « utilisent l’aide pour évangéliser les populations en terrain conquis. […] Se développe alors une privatisation de l’aide internationale américaine du fait de la nature des financements. […] De plus en plus ce sont souvent des entreprises commerciales qui agissent pour le compte du gouvernement américain et qui n’ont plus aucun lien avec les organisations non gouvernementales bénévoles. […] Les compagnies privées dont les services sont payés par le Pentagone sont d’un coût parfois excessivement élevé. Elles sont devenues essentielles à une nouvelle stratégie interventionniste reposant sur la capacité de projection rapide des forces ». Ce phénomène mercenaire s’étend à des services proposés à des entreprises, des ONG, des agences des organisations internationales ou aux forces armées des pays en voie de développement.

Cette nouvelle doctrine d’intégration des acteurs civils dans les processus militaires conduit ces derniers à « différentes postures allant de la recherche du partenariat pour des raisons commerciales au refus pour des questions de principe (indépendance de l’humanitaire pour les ONG). Cependant des paramètres structurels limitent les marges de manœuvre des ONG ».


Certaines suites données aux attentats du 11 septembre 2001 contre New York manifestent aussi la confusion des esprits. Sous prétexte de lutter contre Al-Qaida, les États-Unis bombardent les villages afghans tout en parachutant ailleurs de ridicules colis alimentaires jaunes dont peu de gens ont besoin. C’est encore le mélange de l’humanitaire – cette fois-ci sous forme de colis – et du militaire – cette fois-ci des bombes. Les réfugiés fuyant les Américains rejoignent au Pakistan leurs concitoyens chassés jadis par les Russes.


Comment le judicaire fabrique-t-il de la paix ? Augmenter l’insécurité des criminels.52

Un ambassadeur occidental déclare: « Comment puis-je, à la fois, prendre le thé avec Milosevic pour trouver un règlement négocié au conflit, et dans le même temps, le traiter de criminel de guerre ? »

Comment se situer entre l’éthique de responsabilité portée par les médiateurs – la paix reste la condition de la justice -, et l’éthique de conviction portée par les juristes – il ne peut y avoir de paix sans justice.


La révolution juridique a été engagée par tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en 1993 avec son mandat de sanctionner et de dissuader.

Désormais à chaque crise internationale la question de l’intervention de la justice internationale se pose.

Pour les partisans de la Realpolitik, la justice internationale n’est que le bras judicaire du politique. Les défenseurs des droits de l’homme mettent eux l’accent sur la lutte contre l’impunité comme socle d’une société démocratique, garante de l’état de droit et des libertés fondamentales et rempart contre la barbarie.

Les gouvernements et les armées conventionnelles en tiennent compte : ils s’appuient sur des juristes pour sélectionner les cibles et minimiser les risques judiciaires, comme l’a fait l’OTAN lors des bombardements contre la Serbie en 1999.


La situation devient plus complexe et plus périlleuse pour les criminels avec la remise en cause des amnisties soit par la Cour pénale internationale soit par des parlements qui abrogent les lois d’amnistie comme en Argentine53 où le général Videla vient d’être condamné à la prison à vie pour la seconde fois après avoir été gracié.

Les commissions de Vérité54sont, elles, apparues au début des années 80 comme outils de pacification de la justice qui fabrique de la paix.

Il en a eu une cinquantaine de 1982 à 201355. Les fonctionnements furent différents.

Les principes fondamentaux sont les suivants :

Mais leurs conclusions sont aujourd’hui plus fragiles que dans le passé.

De 1945 à 2008, 313 conflits se sont déroulés et 126 se sont conclus par des amnisties. Il y a eu 861 procès envers des auteurs de crimes internationaux pour des centaines de milliers de criminels de guerre.

Au nom de la réconciliation l’accent est désormais mis sur la lutte contre l’impunité.


A Nuremberg en 1945 – 1946, les innovations ont été la responsabilité individuelle des chefs politiques et militaires, la récusation du système de défense fondé sur l’obéissance aux ordres, le principe de la responsabilité du commandement comme nouveau crime contre l’humanité.

Mais ce dernier na pas été voulu par Staline qui déporte, les USA et leur racisme institutionnalisé au Sud, la Grande-Bretagne et la France réprimant les populations qui réclament leur indépendance. Et il n’est pas question de parler des deux bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki car elles ont mis fin à la Deuxième guerre mondiale.

A Nuremberg ont institue aussi le génocide, mais ce n’est pas appliqué.

Pendant la guerre froide il y a peu d’évolutions : « Il vaut mieux avoir tort avec Henry Kissinger que raison avec Mère Térésa » dit-on à l’époque !

La honte internationale c’est au Cambodge, le soutien aux Khmers rouges.

Tout est donc une histoire de rapports de forces.


La Cour pénale internationale / CPI, - Rome 1998 - est en œuvre depuis 2002 après les ratifications nécessaires.


Quoiqu’il en soit, les règles ont changé. Selon le Rapport aux Nations Unies de Diane Orentlicher en 2005, les Etats doivent sanctionner les crimes graves entendus comme « des génocides, des crimes contre l’humanité et d’autres violations des droits de l’homme protégés internationalement (…) ainsi que la torture, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et l’esclavage ».


Une nouvelle conception de la paix commence à prévaloir, la « paix positive » qui implique une coopération et une intégration entre différents groupes et est plus ambitieuse que la paix négative – l’absence d’hostilités – car elle présuppose qu’une résolution ait été apportée aux causes qui ont généré le conflit. Le mandat du tribunal pénal international pour la Yougoslavie de contribuer «  au processus de réconciliation nationale ainsi qu’au rétablissement du maintien de la paix » est un exemple manifeste.

Dans ce cadre général on trouve l’idée de la « justice transitionnelle » et de ses quatre pôles, droit à la vérité, droit à la justice, droit à des réparations, droit à la sécurité. Les commissions Vérité et la justice pénale sont alors perçues comme complémentaires.

« Pour surmonter les tensions entre paix et justice, la justice n’est plus seulement pénale mais inclut des mécanismes de vérité. De même la paix devient une paix de réconciliation. Cette approche holistique est satisfaisante car dans les sociétés en transition la lenteur des tribunaux et leur manque d’indépendance, l’isolement des victimes, voire le déni des crimes font que la recherche d’une sanction pénale est un chemin de croix. La recherche des crimes du passé pensée de façon holistique peut être utilisée comme un élément servant à faire progresser le processus de paix. »56


La diplomatie judiciaire devient une composante des conflits. Il n’y a pas de formule unique.

Le rapport avec le passé est mouvant. Ainsi l’Espagne qui avait établit un strict pacte du silence bascule aujourd’hui vers le modèle dominant de clarification des crimes du passé.


Quelques exemples illustrent ces évolutions.


L’Afghanistan ou le désastre de la poursuite d’une politique d’impunité

L’impunité des criminels de guerre se poursuit avec le consentement des gouvernements occidentaux et des Nations Unies. Suite aux innombrables crimes de masse pendant l’intervention soviétique, Karzaï est entouré de criminels de guerre ; massacres, exécutions sommaires, viols, torture. Même Massoud, l’idole de Mme Mitterrand, de Bernard Kouchner et de nombreux Français a bombardé pendant des mois Kaboul et sa population civile quand la ville était aux mains du régime Taliban; c’est un crime de guerre.

Il n’y a pas eu d’enquête sur tous ces crimes, ni des autorités afghanes, ni des Nations Unies ni des USA. La CPI n’est pas intervenue or le pays en fait partie. En 2005 les Nations Unies ont dissimulé un rapport détaillé et le rapporteur n’a pas été renouvelé dans ses fonctions à la demande des USA.

En 2006 le gouvernement afghan a approuvé le principe d’un plan sur la réconciliation qui préconisait l’établissement de mécanismes de justice ; il n’a jamais vu le jour. Une coalition de criminels de guerre a fait passer une loi d’amnistie, « amnistie générale pour tous les criminels de guerre et interdisant les critiques publiques contre les chefs de milice qui ont participé au pouvoir après la chute du gouvernement communiste ». En 2007 le Parlement a voté une loi qui autorisait la poursuite des criminels mais Karzaï ne l’a pas signée.

Cette politique a été contre productive quand la population afghane attend une lutte contre les exactions, la corruption.

Les USA qui ont aussi commis des exactions contre des Afghans, torture de prisonniers par exemple, ont cru avec Bush à la victoire de la force. La paix n’est pas victorieuse.


La justice avant la paix. Soudan, le choc des légitimités entre le président Al-Bashir et la CPI. Le cas de la République démocratique du Congo.

En 2005 le Conseil de sécurité saisit la CPI au sujet du Darfour. En 2008 le procureur annonce des poursuites pour génocide.

L’inculpation d’un président en exercice a ravi les organisations de défense des droits de l’homme mais les pays islamiques et les non-alignés ont accusé la CPI de violer la souveraineté du Soudan.

Or le génocide reste à prouver et Al-Bashir n’a pas perdu ses soutiens internes et a été reçu dans des pays africains. L’Union africaine a, elle, clairement affirmé son refus de collaborer avec la CPI.

L’ancien président du Tribunal pénal international pour la Yougoslavie critique le procureur de la CPI: « Le mandat ne peut être exécuté qu’au Soudan et uniquement si le président soudanais autorise ses forces de l’ordre à l’arrêter… En dehors du Soudan, cet ordre n’a quasiment aucun poids juridique. Ce mandat est donc un coup d’épée dans l’eau ».

La puissance symbolique de la CPI et la valeur performatrice d’un acte d’accusation n’ont de poids que si elles se doublent de pressions intérieures et extérieures.


La Cour pénale internationale a procédé en 2006 – 2008 à des inculpations commises en République démocratique du Congo.57

La première enquête fut ouverte en 2004 sur les crimes commis dans la région d’Ituri : 50 000 morts et 500 000 déplacés depuis 1999. Les crimes retenus contre divers poursuivis et inculpés sont des meurtres, des actes inhumains, des traitements cruels, la réduction en esclavage sexuel, l’utilisation d’enfants dans les hostilités, des pillages.

Un procès est engagé en 2009 contre un responsable de crimes dont l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans.


La justice pendant la paix. Afrique du Sud, Yougoslavie

En Afrique du Sud il y a eu un troc de l’amnistie contre la vérité. Il y avait de très fortes tensions. Mais le résultat a été l’objet de grandes satisfactions.

En Yougoslavie les accords de Dayton ont été signés avec quelqu’un qui sera inculpé de crimes de guerre. Le Tribunal pénal international pour la Yougoslavie était devenu si peu crédible que les forces bosno-serbes ont commis dans une zone de sécurité de l’ONU le plus vaste crime sur le sol européen depuis la seconde guerre mondiale, à Srebrenica.


La Justice après un accord de paix. Chili, Liban

La raison d’Etat chilienne qui avait justifié la nécessité de conserver les lois d’amnistie fut soumise à la pression de l’opinion publique modifiant l’équilibre entre justice et paix. En 1999 le verrou a sauté ; une dizaine d’années plus tard le Chili est le pays au monde où il y a le plus de plaintes pour torture et disparations forcées.

Au Liban une politique constante d’amnistie depuis le 19ème siècle a prévalu. Les accords de Taëf en 1989 entérinent l’amnistie suite à la guerre civile de 1975 – 1990, malgré 145 000 morts, 180 000 blessés et 17 000 disparus. Un pacte du silence sans vainqueurs ni vaincus s’instaure de fait et les Nations Unies ne disent rien.

Cette pratique constante est rompue par le Tribunal spécial pour le Liban destiné à juger l’assassinat d’un seul homme quand la guerre civile s’est terminée sur une impunité généralisée. Est-ce une brèche dangereuse ?58


L’élément clé pour rebâtir la société est la confiance civique qui implique le droit à la vérité, à la justice, aux réparations, à la sécurité (Louis Joinet).

La justice pénale est devenu partie au conflit et sert donc aussi à faire la guerre : elle jouit de l’exorbitant privilège de mettre hors-la-loi des chefs politiques et même des chefs d’Etat en exercice.

Les procureurs doivent donc mesurer l’impact de leurs décisions sur les situations politiques, voire les populations. Le manque de crédibilité du Tribunal pénal international pour la Yougoslavie a causé Srebrenica, l’inculpation du président soudanais a provoqué l’expulsion d’une douzaine d’ONG.

Leur tâche est d’autant plus difficile qu’ils opèrent dans un monde inégal. Plusieurs grandes puissances ne sont pas partie de la CPI (USA, Chine, Russie) quitte à la soutenir ponctuellement pour criminaliser un régime hostile. L’administration Bush avait tenté de torpiller la création de la CPI et a été contente de son intervention contre le président du Soudan.

En théorie le rôle de la justice internationale est de déterminer si les combattants ont violés les lois de la guerre, pas de se prononcer sur la légalité de la guerre, de dire si elle est juste ou non. L’ambigüité est qu’en jugeant les moyens criminels, les tribunaux internationaux laissent entendre aux opinions quelle cause est juste ou non.


Le terrorisme pose une question éthique particulière

Il est un fait ancien comme le montrent les Zélotes en Palestine à l’époque du Christ, la secte musulmane des assassins, les anarchistes des deux derniers siècles, Lénine qui l’approuve dans La maladie infantile du communisme (1920) et écrivait dans ses directives en 1917 : «  Pas de quartier pour ces ennemis du peuple, notamment ces ennemis du socialisme, ces ennemis des travailleurs ».

Le terrorisme actuel d’inspiration islamiste se fonde sur une interprétation simpliste du Coran, rejetée par les modérés. Il trouve ses racines dans la pauvreté et la volonté réciproque des mondes chrétien et musulman de dominer l’autre au cours des siècles. Il en est de même pour le terrorisme hindouiste par exemple.

La répression ne suffit pas à le vaincre. Le terrorisme représente une manifestation extrême du principe que la fin justifie les moyens.

Or le respect de la dignité absolue de tout être humain prédomine absolument comme le principe que les moyens corrompent les fins.

Dans Les Frères Karamazov Dostoïevski l’exprime de façon assourdissante. Ivan dit à son frère : «  Imagine-toi que les destinées de l’humanité sont entre tes mains, et que, pour rendre les gens définitivement heureux, pour leur procurer enfin la paix et le repos, il soit indispensable de mettre à la torture ne fût-ce qu’un seul être, l’enfant qui se frappait la poitrine de son petit poing et de fonder sur ses larmes le bonheur futur. Consentirais-tu, dans ces conditions à édifier un pareil bonheur ? Réponds sans mentir. » Le chrétien Aliocha répond fermement : « Non, je n’y consentirais pas. ».

René Coste dans Théologie de la paix conclut : «  Du point de vue de la foi chrétienne, c’était la seule réponse pensable. L’absolu de l’interdit divin biblique du meurtre constitue la barrière ultime qui empêche l’humanité de devenir une jungle ».59

Et Jean-Paul II dans Ecclesia in America en 1999 se félicite des progrès de la démocratie «  dans la mesure où cela favorise un respect toujours plus évident des droits de chacun, y compris ceux de l’accusé ou du coupable , à l’égard desquels il n’est pas légitime de recourir à des méthodes de détention et d’investigation – que l’on pense ici particulièrement à la torture – préjudiciables à la dignité humaine ». Et après les attentas du 11 septembre 2001 il enfonce le clou, tout en condamnant radicalement les actes terroristes, il rappelle que rien ne saurait légitimer de renoncer à protéger les droits de l’homme, ce dernier fût-il terroriste : «  Des choix politiques qui rechercheraient le succès sans tenir compte des droits fondamentaux de l’homme seraient inacceptables, car la fin ne justifie jamais les moyens ».


***

Les structures politiques sont les facteurs principaux de stabilité

Quatre penseurs font le lien entre violence, passions et structures politiques.

Gaston Bouthoul cherche les racines de cette violence devenant guerrière en exposant trois complexes belligènes. Par le complexe d’Abraham il rappelle la place des sacrifices sanglants dans des religions de l’Antiquité : « Le sacrifice des nouveau-nés et des enfants a été remplacé par l’infanticide différé, celui des jeunes mâles sacrifiés dans les guerres, qu’elles soient civiles ou étrangères. Les chefs qui y président assument le rôle archaïques du père ».60

Le complexe du bouc émissaire est le transfert d’une culpabilité collective sur le bouc, animal inquiétant. Nos sociétés transfèrent leurs difficultés et leurs frustrations sur un ennemi interne ou externe, le Rom ou le migrant par exemple.

Le complexe de Damoclès exprime la représentation de l’insécurité ou de la menace. Bouthoul écrit : « On peut tout obtenir d’une nation ou d’un groupe en les persuadant qu’ils sont menacés ».


L’Allemande naturalisée Américaine, Hannah Arendt, elle, dans Essai sur la révolution s’en prend à la compassion qui fait du mal car elle tente de rendre heureux les malheureux au lieu d’établir la justice pour tous. Elle ignore la négociation, le compromis ; elle est irrelevante en politique.

Si la passion est la capacité de souffrir, la compassion est la capacité de souffrir avec.


Paul Ricœur analyse le mécanisme des passions et leur rôle dans l’établissement de la justice et de la politique.

La colère est plaisir de se venger, de punir.

Tout homme qui se sent sous-estimé ne le supporte pas et devient agressif.

La vengeance devient ainsi une tentative pour rétablir l’égalité.

Et il note avec humour que dans un régime hiérarchique comme l’Eglise catholique, l’inégalité parait juste.


L’Américaine Nancy Fraser distingue reconnaissance et redistribution61.

Nancy Fraser cite Amin Maalouf (voir Les identités meurtrières) pour lequel nous

Mais Nancy Fraser insiste, elle, sur les structures politiques, facteurs de stabilité. Elle relève par exemple :

Dans ce contexte l’Union européenne, les organisations régionales comme en Afrique, en Asie et en Amérique latine sont avec les Nations Unies, l’Organisation mondiale du commerce et les institutions financières, sociales ou judiciaires mondiales, des cadres de rationalisation des passions et des idées. Avec les Etats elles doivent être les promotrices de la Justice et de la Paix dans toutes leurs dimensions, sociales ou politiques, nationales ou internationales, en temps de paix comme en temps de conflit national ou international.



A ce point du parcours la réponse à la commande départ semble être donnée. Elle portait sur justice, paix droits, ressenti.

Mais elle contient une ambiguïté qui relance la question. Elle ne dit pas justice « et »paix ». Elle sépare ces deux mots par une barre oblique, voulant ainsi insister sur la nature différente des deux concepts. Pourquoi ?

Pour un acteur observateur des évolutions de l’action humanitaire intégrant l’urgence et le développement, l’action sociale, globalement la lutte contre la pauvreté et « l’éradication de la pauvreté extrême » selon les termes de la nouvelle présidente du Brésil, Dilma Rousseff, le principal changement des 25 dernières années est l'émergence du plaidoyer et de l'intégration de la dimension politique. L'analyse de ce qui fabrique de la pauvreté, surtout quand elle est de longue durée, est incontournable. Le rôle joué par les phénomènes sociologiques, religieux ou sociaux, et l'importance du non-respect des droits de l’homme sont au cœur de notre agenda. Avec des conséquences capitales pour les gouvernements en place. Le gouvernement pakistanais a ainsi réagi intelligemment tout de suite après le tremblement de terre de septembre 2005. Il s’aperçoit qu’il commence à y avoir des abus contre les femmes et des problèmes d’adoption d’enfants, et interdit immédiatement toute adoption d’enfants pakistanais à l’étranger. Le politique a repris le pouvoir.


Il faut, enfin, avoir conscience du basculement du monde et de ses conséquences.


L’un des déclics a été ma rencontre avec un évêque brésilien, ex-président de Caritas Internationalis. On parlait toujours d’apprendre aux gens à pêcher, etc. Lui a répondu sans nuance : « Oui, oui, oui, c’est du baratin ça ! Apprendre à pêcher à quelqu’un s’il n'a pas le droit de pêche, si les bateaux-usines raclent les fonds de la mer, à quoi cela va-t-il lui servir ? À rien ! » Ça, c’est une très, très grande évolution.


La problématique des droits est profondément liée à la conception de la vie humaine que l’on a.

Guy Aurenche64 relève que les droits civils et politiques ne tolèrent aucune exception et que les droits économiques, sociaux et culturels les rejoignent progressivement à cet égard. Le droit de regard qui se met peu à peu en place se conjugue à l’ouverture d’un dialogue universel indispensable : les Occidentaux ont une approche très individualiste alors que pour les Africains la famille ou le clan comptent d’abord.


Quels sont alors les droits les plus utiles, les plus importants, ceux qui fourniront le meilleur « effet de levier » pour la promotion et la dignité des personnes ? Il y a des droits minimums, tout comme des mécanismes d’oppression insupportables, auxquels il faut porter une attention privilégiée. En Europe par exemple, le droit des migrants à un accueil digne est un droit fondamental. Au Bangladesh, le droit pour les femmes à occuper une juste place dans la société ou à résister contre l'oppression est aussi prioritaire. J’aurais tendance à regarder lieu par lieu, et à m'interroger : quelles sont les plus affligeantes et catastrophiques oppressions que seule la mise en œuvre de droits - et la sanction de leur non-respect – peuvent empêcher ? On peut se bagarrer sur la liste de ces droits fondamentaux mais certains le sont plus que d'autres.


De toute façon, il y a des droits politiques et des droits économiques, des droits liés aux oppressions, des droits liés à la survie et au développement, comme l’exprime parfaitement le psaume 145 :


Le Seigneur fait justice aux opprimés,

Aux affamés il donne le pain ;

Le Seigneur délie les enchaînés



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1 Projet d’éthique planétaire. La paix mondiale par la paix entre les religions, Paris, Seuil, 1991, cité par René Coste, Théologie de la paix, Paris, Cerf, 1997

2 Qu’est-ce que la citoyenneté ? Dominique Schnapper avec la collaboration de Christian Bachelier, Paris, Folio, 2000

3 § 132 - 159

4 Cité par René Coste, Paix, Justice, Gérance de la création, Paris, Nouvelle Cité, 1989

5 L’idée de justice, Amartya Sen, Paris, Flammarion, 2010

6 Pratiquer la Justice, Alain Durand, Paris, Cerf, 2010

7 (…)Si, autrefois, on mettait surtout en évidence, au centre de cette question, le problème de la «classe», à une époque plus récente on met au premier plan le problème du «monde». On considère donc non seulement le cadre de la classe mais, à l'échelon mondial, celui des inégalités et des injustices, et, par voie de conséquence, non seulement la dimension de classe mais la dimension mondiale des tâches à accomplir pour avancer vers la réalisation de la justice dans le monde contemporain. L'analyse complète de la situation du monde d'aujourd'hui a mis en évidence de manière encore plus profonde et plus pleine la signification de l'analyse antérieure des injustices sociales, signification qui doit être aujourd'hui donnée aux efforts tendant à établir la justice sur la terre, sans pour autant cacher les structures injustes mais en sollicitant au contraire leur examen et leur transformation à une échelle plus universelle.(…)

8 Droits de l’homme, justice, évangile, Jean-Yves Calvez, Paris, Le Centurion, 1985

9 Olivier Pety & Bernard Lorenzato, Mediaspaul, deux tomes 2008 & 2009

10 De l’amour des pauvres

11 Les livres de Timothée à l’Eglise : lettre IV, 23

12 Voir Les pauvres, un défi pour l’Eglise, Gilles Couvreur, In Lettres aux communautés de la Mission de France (136) mai – juin 1989

13 Pratiquer la justice, Alain Durand, Paris, Cerf, 2010

14 Paix, Justice, Gérance de la création, René Coste, Paris, Nouvelle Cité, 1989

15 La Cité de Dieu

16 C’est la force hors guerre. cf. En Irak entre les deux guerres du Golfe par exemple.

17 Cf. Messages pour la journée mondiale de la paix, Paul VI 1969 & Jean-Paul II 1999

18 Jean-Paul II, Discours à Drogheda, Irlande, 1979

19 Peace Theory. Preconditions of Disarmament, New York, Knopf, 1962

20 Pratiquer la justice, Alain Durand, Paris, Cerf, 2010

21 La justice dans la peau. Géopolitique de l’action humanitaire, Denis Viénot, Desclée de Brouwer, Paris 2010

22 L’aide au Tiers Monde, à qui profite-t-elle ? Conférence de l’Auditoire, Denis Viénot, 20 novembre 2010

23 Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) est une coalition mondiale de la société civile qui aide les citoyens des pays riches en ressources naturelles à tenir leurs gouvernements responsables de la gestion des revenus issus des industries pétrolière, gazière et minière. Les sommes générées par l’extraction de ressources naturelles représentent une source importante de revenus pour les gouvernements de plus de cinquante pays en voie de développement. Lorsque ces revenus sont gérés correctement, ils peuvent servir de base à la réduction de la pauvreté et encourager la croissance et le développement économiques, plutôt que de nourrir la corruption, le conflit et la division sociale. PCQVP travaille avec des groupes de la société civile dans près de 60 pays.

Le Fond Monétaire International (FMI) qualifie les pays de riches en hydrocarbures et /ou ressources minérales sur la base des critères suivants : (i) la proportion moyenne de revenus fiscaux issus des hydrocarbures et/ou des ressources minérales par rapport au total des revenus fiscaux est d’au moins 25 pourcent pour la période de 2000 à 2005, ou (ii) une proportion moyenne de la recette des exportations d’hydrocarbures et/ou de ressources minérales représente au moins 25 pourcent de la totalité de la recette des exports pour la période de 2000 à 2005.


24 Elle repose sur une méthodologie solide mais flexible pour suivre et rapprocher les paiements des entreprises et les revenus des gouvernements au niveau local. Le processus est supervisé par des représentants du gouvernement, des entreprises et de la société civile.

Les gouvernements bénéficient de la mise en œuvre d’une procédure standardisée et mondialement reconnue en matière de transparence dans la gestion des ressources naturelles. Dans de nombreux pays, les revenus pétroliers, gaziers et miniers peuvent déséquilibrer l’économie et les structures politiques et accroissent les attentes. L’engagement à rapprocher les paiements des entreprises et les revenus des gouvernements suivant un procédé multipartite démontre la volonté d’améliorer la gouvernance, apporte la reconnaissance de la communauté internationale et prouve que le gouvernement s’engage à combattre la corruption.

Les entreprises profitent du meilleur climat d’investissement, de l’engagement d’une discussion constructive avec les citoyens et la société civile, et de conditions équitables puisque les entreprises doivent toutes déclarer les mêmes informations.

Les citoyens et la société civile bénéficient de cette plus grande transparence, pouvant ainsi obliger gouvernements et entreprises à se justifier lorsque les paiements des taxes sont publiés.

La sécurité énergétique est améliorée par des conditions plus transparentes et équitables. Les pays importateurs d’énergie profitent de la plus grande stabilité dans les pays fournisseurs. Cette plus grande stabilité encourage les investissements à long terme dans la production – et assure ainsi un approvisionnement plus fiable.

http://eiti.org/fr

25 Stratégie pour demain, Paris, Seuil, 1974, cité par René Coste Théologie de la paix, Paris, Cerf, 1997

26 Proposition non susceptible de démonstration sur laquelle est fondée une science (Dictionnaire Larousse)

27 Se libérer de la peur, Paris Ed. des Femmes, 1991, cité par René Coste Théologie de la paix, Paris, Cerf, 1997

28 Cité par René Coste Théologie de la paix, Paris, Cerf, 1997

29 Washington DC, Ressources for the future, 1992

30http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/affaires-economiques-internationales_901/biens-publics-mondiaux_3009/index.html, consulté le 17 janvier 2010

31Le rôle du droit dans l’émergence d’une communauté mondiale de valeurs, communication de Mme Mireille Delmas-Marty, Académie de sciences morales et politiques, séance du lundi 7 juillet 2008

32Economica, Paris

33 Signes de l’Esprit. Rapport officiel de la septième assemblée. Australie, 1991, cité par René Coste Théologie de la paix, Paris, Cerf, 1997

34 Pratiquer la justice, Alain Durand, Paris, Cerf, 2010

35 Théorie de la justice, 1971

36 Oser un nouveau développement, Justice et Paix, Bayard, Paris, 2010

37 Global justice, Thomas Pogge, 2001, Blackwell Publishing

38 L’idée de justice, Amartya Sen, Paris, Flammarion, 2010

39 Globalisation and its Discontents, 2002

40Les places et les chances, Repenser la justice sociale, François Dubet, Paris, Seuil, 2004, et Egalité des places, égalité des chances, François Dubet, Etudes, Paris, janvier 2011

41 Le Monde Economie, 7 décembre 2010

42 La Croix, 8 décembre 2010

43Le droit international humanitaire, Patricia Buirette et Philippe Lagrange, La Découverte, Paris, 2008


44 La fabrication de la paix, Jean-Luc Marret, Ellipses, 2001

45 Les incontournables de la paix, Croire Aujourd’hui, décembre 2006, Christian Mellon

46 Le Monde Economie, 27 mai 2008, Paul Collier et Bjorn Lomborg

47 Faire la paix. La part des institutions internationales, sous la direction de Guillaume Devin, SciencePo Les Presse, Paris 2009

48 www.satsentinel.org

49L’ouest de Mindanao est secoué depuis quarante ans par les guerres menées par différents groupes autochtones musulmans, qui demandent une plus large autonomie politique dans l’État philippin, pays majoritairement catholique

Face à cette culture de la haine, le Père Angel. Calvo a fondé le Mouvement interreligieux pour la solidarité et la paix, qui regroupe catholiques, protestants et musulmans. Il a décidé d’insuffler une culture de la paix dès le plus jeune âge : il a réussi à introduire, depuis plus d’un an, un « cours de la paix » dans le programme des 39 écoles publiques de Zamboanga, principale ville de l’extrême ouest de Mindanao, au cœur de la zone conflictuelle.

Le recteur de la province, un musulman, a été particulièrement accueillant et sa participation fut déterminante pour mettre cela en place. Cela consiste concrètement, depuis plus d’un an, en un ensemble de séminaires sur le respect et la tolérance religieuse, et s’exprime également par des activités artistiques de théâtre, peinture et musique.

Ces activités sont reprises ensuite de manière plus large lors des « camps d’été de la paix », qui existent depuis plus de dix ans et regroupent chaque année une centaine d’enfants musulmans et chrétiens. Cette initiative, entamée en 1998, a été récompensée en 2010 par un prix national pour la jeunesse.

Le P. Calvo veut à présent remonter cet enseignement jusqu’aux parents, et il a commencé à travailler avec les chefs des villages autour de Zamboanga, pour s’engager sur des mesures concrètes qui favorisent le respect religieux. « Maintenant que nous avons planté les graines de la tolérance et de la paix dans les écoles, nous voulons pousser les parents à prendre conscience qu’ils doivent aussi s’engager dans ce sens. C’est une éducation de tous les instants », explique-t-il.

Le professeur Ali Yacub, musulman, fondateur et directeur du centre du Croissant d’or pour la paix, participe à cette initiative. Mais il reconnaît les difficultés à briser les préjugés : « A cause de la recrudescence du terrorisme, il existe une grande suspicion de la part des chrétiens envers les musulmans, et les communautés se parlent donc de moins en moins, explique cet universitaire. C’est pour cela que nous allons aller dans ces villages, et organiser de simples réunions, à petite échelle, où nous voulons montrer, par notre exemple, qu’il est possible de travailler ensemble. Expliquer ce qu’est la religion, et surtout ce qu’elle n’est pas. Nous sommes ainsi toujours les premiers à condamner les attentats contre les églises, car ce n’est pas islamique. » La nouvelle Union nationale des oulémas, créée en 2009, s’est de son côté engagée dans ce sens par son message intransigeant, condamnant l’attentat de Noël à Jolo comme une « œuvre de Satan ».

Aux Philippines, des religieux misent sur l’éducation à la paix, Sébastien Farcis, La Croix, Paris, 18 janvier 2010

50 Les défis humanitaires, Caritas Luxembourg, Caritas Suisse, Les cahiers de Caritas Luxembourg n°3, Luxembourg, Lucerne, novembre 2005

51 Le débat stratégique américain. Militarisation de l’humanitaire, privatisation du militaire, Cirpes, Cahier d’études stratégiques, 36-37, 2004


52 La Paix contre la Justice, Pierre Hazan, André Versaille éditeur, Bruxelles, 2010


53 L’ancien dictateur argentin Jorge Videla a été condamné à la prison à vie mercredi 22 décembre par un tribunal de Cordoba, pour l'exécution d'opposants et d'autres crimes contre l'humanité, au terme de son premier procès depuis 25 ans. L'ancien général, âgé de 85 ans, avait déjà été condamné à la perpétuité en 1985 lors d'un procès historique de la junte militaire pour les crimes commis sous la dictature, qui avait provoqué la disparition de 30 000 hommes et femmes entre 1976 et 1983, selon les organisations de défense des droits de l'homme. Cette première peine avait été effacée en 1990 par une grâce de l'ancien président Carlos Menem, qui à son tour avait été déclarée anticonstitutionnelle en 2007, une décision confirmée par la Cour suprême en avril. Cette dernière avait également abrogé les lois d'amnistie des crimes de la dictature en 2005. Au total, le tribunal a prononcé seize peines de prison à vie, a condamné sept accusés à des peines de 6 à 14 ans et en a relaxé sept autres. Des preuves suffisantes ont été réunies "pour affirmer que [Jorge Videla] était le plus haut responsable de l'élaboration de ce plan d'élimination des opposants appliqué par la dictature militaire", avait estimé la semaine dernière le procureur Maximiliano Hairabedian. "J'assume pleinement mes responsabilités. Mes subordonnés se sont contentés d'obéir à des ordres", avait pour sa part déclaré l'ancien homme fort du régime militaire à la veille du verdict. Il devra purger sa peine dans une prison civile et non militaire

54 Réconciliation et justice, Stéphane Leman-Langlois, Athéna Editions, Québec, 2008

55 Afrique du Sud, Chili, Canada, Argentine, Bolivie, Ouganda, Philippines, Tchad, Népal, Honduras, Allemagne, Salvador, Guatemala, Haïti, Sri Lanka, Burundi, Equateur, Maroc, Nigéria, Corée du Sud, Pérou, Sierra Leone, Panama, Yougoslavie, Timor oriental etc.

56 La Paix contre la Justice, Pierre Hazan, André Versaille éditeur, Bruxelles, 2010

57 Survivantes, Louis Guinamard, Paris 2010, Ed Ateliers

58 Interrogée par Al-Arabya, la chaîne satellitaire basée à Dubaï, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a expliqué que "la justice est un élément important et à terme stabilisateur dans toute société car si les gens vivent dans la peur, ceux qui détiennent les armes peuvent imposer leur loi. La justice est nécessaire pour avoir la stabilité". La secrétaire d'Etat a cependant souligné que "le gouvernement et le peuple du Liban doivent demander des comptes aux individus, et non aux groupes auxquels ils appartiennent". "Les individus doivent être jugés en tant que tels" et non en tant que membre d'un parti politique, a-t-elle souligné. Le Monde .fr, 12 janvier 2010

59 Théologie de la paix, René Coste, Paris, Cerf, 1997

60 Avoir la Paix, Paris, Grasset, 1967, cité par René Coste Théologie de la paix, Paris, Cerf, 1997

61 Qu’est-ce que la justice sociale ? La Découverte, Paris, 2005

62Le 16 mai 1916, l'accord Sykes-Picot est conclu entre la France et le Royaume-Uni à Downing Street entre Sir Mark Sykes, et François Georges-Picot. Il prévoit à terme un dépeçage du Moyen-Orient, c'est-à-dire l'espace compris entre la mer Noire, la mer Méditerranée, la mer Rouge, l'océan Indien et la mer Caspienne, alors partie intégrante de l'Empire ottoman. La Russie tsariste participe aux délibérations et donne son accord, comme l'Italie, aux termes du traité secret.

L’accord Sykes-Picot doit faire face à une double opposition : la révolte kémaliste en Anatolie en opposition au traité de Sèvres ainsi qu'à l'installation des pouvoirs arabes du chérif Hussein et de ses fils comme à Damas (que l'accord rattache à la domination française). C’est donc par les armes que cet accord sera concrétisé avec d'abord un recul en Anatolie et la perte par les Français d'Alexandrette, aussi s'ensuit une lutte contre Fayçal pour lui faire quitter Damas, ce qui sera fait, les Anglais l'installant sur le trône irakien.

C’est l'accord de San Remo qui entérine et légalise l’accord avec un mandat en bonne et due forme de la SDN. La France reçoit donc mandat du Liban et de la Syrie, la Grande-Bretagne de l'Irak (agrandi de Kirkouk cédé par les Français en échange d'une participation aux bénéfices pétroliers de la région), de la Transjordanie et de la Palestine




63 L’émergence du plaidoyer a bousculé le paysage humanitaire, Denis Viénot, Développement et civilisations, n° 383, mai 201, propos recueillis par Richard Werly et Morgane Retière.

64 Faim et développement, décembre 2010, Guy Aureche, président du Comité catholique contre la faim et pour le développement

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