Des alliances pour la générosité

La Croix 21 janvier 2010



Humanitaire, communication, information et marketing peuvent devenir un mélange explosif. Quand un tiers de la population d’Haïti est frappée de plein fouet par un tremblement de terre, une secousse d’une autre nature bouleverse le monde : l’humanitaire et les médias s’assimilent et se confondent au lieu de faire alliance.

Deux groupes publics, France Télévisions et Radio France ont passé un accord d’exclusivité avec la Fondation de France à l’occasion de la tragédie d’Haïti. Les sites Internet sont explicites : « Mardi 12 janvier, un puissant séisme de magnitude 7 a frappé Haïti faisant de nombreux morts et blessés et d’énormes dégâts matériels. Devant l’ampleur de la catastrophe, France Télévisions et Radio France s’associent à la Fondation de France et lancent un appel à la générosité pour venir en aide aux populations les plus vulnérables. »De son côté, Europe 1 s’associe à la Croix Rouge, RTL à Médecins du monde etc.


Des partenariats entre acteurs peuvent se comprendre si les relations sont transparentes et expliquées aux donateurs. L’exemple du Téléthon et celui des Restaurants du cœur montrent en effet que les relations financières et les rémunérations engagées doivent être connues. Plus ambigu est de voir le service public entreprendre un partenariat exclusif avec une organisation privée qui n’est pas elle-même directement opérationnelle sur le terrain.


Face à ce réseau complexe de relations et de réciprocités, il est urgent pour les acteurs humanitaires et les médias français de réfléchir aux conséquences de ce qu’ils engagent quand les alliances servent par trop le marketing et quand bien même au final, les dons rejoindront les Haïtiens.


Réfléchir c’est aussi regarder des expériences étrangères comme « La Chaine du Bonheur » en Suisse. Selon ses propres termes La Chaîne du Bonheur est le système mutualisé de « collecte et de solidarité humanitaires helvétique ». Plate-Forme d’aide humanitaire, elle bénéficie du soutien des radios et télévisions et travaille en étroite collaboration avec la presse et les médias privés. Elle finance les projets soumis par ses partenaires.

La Chaîne du Bonheur a publié un communiqué le 14 janvier informant de ce qu’elle organise jeudi 21 janvier une journée nationale de solidarité «Haïti» en faveur des victimes du récent séisme dans ce pays. Cet appel est lancé en étroite collaboration avec 15 organisations partenaires de la Chaîne du Bonheur : de la Croix-Rouge suisse, à Terre des hommes en passant par Médecins du Monde ou Caritas, la plupart sont déjà présentes sur le terrain depuis des années et ont pu réagir rapidement notamment par le biais de leurs partenaires locaux.

La France a pris depuis quelques années un véritable tournant en matière de collecte de dons désormais liée voire enchainée aux médias. Journalistes, chroniqueurs, patrons de presse engagent leur notoriété, véritable gage de succès pour la collecte de dons. Le réseau Internet permet une réactivité forte avec le public. Même si la générosité des médias n’est pas remise en cause, il est urgent que l’humanitaire, la communication, l’information ne deviennent pas les nouveaux véhicules du marketing. Les Haïtiens ne sont pas un produit.

Journalisme, développement des ressources, communication globale, actions de terrain : quatre fonctions, quatre métiers, quatre missions, quatre responsabilités qui ne peuvent se mélanger. Pour éviter le danger d’assimiler des partenaires dont la noblesse pour chacun d’eux est sa capacité d’indépendance, une solution française doit être enfin enclenchée par les organisations humanitaires avec le Comité de la Charte, les médias et le CSA.

Il en va de la confiance du public tant vis-à-vis des organisations humanitaires que des médias et de tous ceux qui s’engagent au profit d’une cause humanitaire. Car l’humanitaire est une valeur qui fédère les générations, les idéologies et les religions. Il faut en prendre soin !

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