La pauvreté s’étend aux Etats-Unis


Caritas Internationalis a participé à la rencontre de 16 organisations sociales de l’Eglise catholique américaine en février à Washington. Celles-çi partagent chaque année leurs analyses et démarchent les parlementaires. A cette occasion, Catholic Charities – massive organisation de service social avec sept millions et demi de « clients », 50 000 salariés et 210 000 bénévoles- lançait une campagne pour diviser par deux le taux de pauvreté aux Etats Unis d’ici à 2020.

Malgré la réforme de l’administration Clinton en 1996, axée sur la diminution des aides financières au profit du soutien à l’accès au travail, les inégalités se sont accrues au point de retrouver les chiffres de 1920. Beaucoup, en Europe, imaginent qu’être pauvre aux USA c’est être riche à Calcutta. Si la pauvreté dans le monde se posait en ces termes simplistes, il suffirait de faire de la solidarité une science-fiction avec des déplacements de populations d’un continent à l’autre. Soyons sérieux !

Quelques chiffres à connaître : trente huit millions de pauvres selon les standards américains soit 13% de la population; cinq millions de plus qu’en 2000. Parmi eux environ huit cent mille sans domicile fixe à la rue et vingt-cinq millions de personnes recevant une aide alimentaire soit 18% de plus qu’en 1997. Le taux de pauvreté chez les blancs s’élève à 8%, chez les Américains d’origine africaine à 24%, chez ceux d’origine hispanique à 21%, et chez ceux d’origine asiatique à 11%.

Deux populations sont en situation de risque aggravé. D’abord les onze millions de migrants illégaux qui pour la plupart travaillent et contribuent au développement de l’économie mais sont vulnérabilisés dans une situation d’exploitation et de discrimination. L’Eglise demande d’une part la régularisation de ceux qui travaillent et ont une connaissance minimale de l’anglais et d’autre part le raccourcissement des délais de réunification familiale.

Ensuite les quarante pour cent des familles pauvres qui sont monoparentales, en majorité des femmes seules avec enfants. Or depuis 1996 ces femmes ont largement pu accéder au marché du travail mais dans des conditions précaires et en étant mal rémunérées du fait par exemple de manque de formation ou de la présence d’enfants à charge compliquant leur régularité au travail. Si leurs revenus salariaux ont augmentés, leurs prestations sociales ont baissé ; elles sont ainsi devenues des « working poor », des personnes travaillant souvent à temps partiel moyennant une faible rémunération.

Comme d’habitude un taux de chômage ne dit pas toute la vérité des drames vécus : le taux bas des USA cache des salariés à temps partiel mal rémunérés, fragilisés et exploités.

Catholic Charities réclame un salaire minimum réévalué et indexé sur l’inflation – la dernière augmentation date de 1997- , des programmes de formation pour les salariés à faibles revenus, la levée des restrictions du système de santé qui pèsent sur les familles modestes, des fonds supplémentaires pour les programmes fédéraux de logement.

Elle en appelle donc à la responsabilité des pouvoirs publics. Son rapport affirme que le secteur non lucratif n’a pas les ressources pour remplir des fonctions qui sont de la responsabilité légitime du gouvernement et du secteur privé. Le président de cette Caritas américaine vient de déclarer au Washington Post le 9 février : « Le nouveau budget du président des Etats Unis frappe ceux qui vivent dans la pauvreté à une époque où nous devrions faire plus pour aider les plus vulnérables parmi nous. »
Les pays riches n’ont pas encore relevé le défi de la pauvreté chez eux. Il serait temps !

Denis Viénot
Président de Caritas Internationalis