Les effets pervers du boycottage en Palestine
La Croix avril 2006


Hani Hayek, le maire de Beit Sahour, petite ville palestinienne chrétienne de quinze mille habitants agrippée sous Bethléem, a peur. Il ne peut plus payer les soixante sept employés municipaux, éboueurs, ouvriers d’entretien des bâtiments municipaux et scolaires, personnel de santé, agents administratifs etc. Car l’Autorité palestinienne ne lui verse plus de fonds.

Israël retient en effet illégalement depuis l’élection d’une majorité du Hamas les taxes collectées au profit du gouvernement palestinien et maintenant l’Europe et les Etats-Unis bloquent leurs subventions.

Or paradoxalement la pauvreté est partagée. Avec 60% de la population survivant   avec moins de 2,5 euro par jour la situation est dramatique chez les Palestiniens. En Israël un quart de la population se situe sous le seuil de pauvreté et le système de protection sociale se délite suite aux baisses des prestations sociales.

Le mur de séparation entre Israël et les territoires palestiniens est présenté comme un instrument de sécurité. Il est en fait surtout un instrument de vol des terres, des sources, de séparation des communautés palestiniennes, d’entrave à la vente des produits agricoles. Loin de suivre la ligne d’armistice de 1949 il descend Nord-Sud en faisant des zigzags décidés unilatéralement par le gouvernement israélien. Condamné par le Cour internationale de Justice le 9 juillet 2004 le mur poursuit son inexorable cheminement sans rencontrer de protestations internationales efficaces.

Et dans ce contexte surviennent maintenant les annulations ou les reports des subventions. L’élection récente d’une majorité de parlementaires du Hamas suscite une émotion compréhensible, mais elle est le résultat d’un processus démocratique bien organisé. Cependant, pour obliger le nouveau gouvernement palestinien à reconnaître un Etat qui viole impunément les résolutions des Nations unies, à renoncer à la violence et à souscrire aux accords de paix, les pays de l’Union européenne et les Etats-Unis reportent leurs importantes aides publiques et mettent ainsi en place un mécanisme de sanctions.

Les Etats-Unis envisagent ainsi de réduire leurs aides humanitaires voire de couper toute aide comme celles à des travaux d’infrastructure ou aux petites entreprises et de systémiquement mettre leur veto à des décisions de subventions par la Banque mondiale.

L’Union européenne, elle, se donne un délai de réflexion pour préparer de telles annulations.

Les Nations unies restreignent leurs relations avec le Hamas sauf sur les sujets humanitaires.

Ce processus créera plus de violence, poussera à l’affrontement. Les 152 000 employés de l’Autorité palestinienne perdront leurs salaires ; le pouvoir se décomposera. Pourquoi vouloir « l’anarchie » comme dit le Patriarche latin de Jérusalem, Mgr Michael Sabbah, dans son message pascal?

Or l’idée de certains de faire transiter toute l’aide via les ONG ou les organisations des Nations unies est irréaliste : les capacités n’existent pas, sans parler du respect des mécanismes démocratiques et de celui du rôle de la puissance publique.

Il est donc urgent que les Organisations internationales, l’Union Européenne, les Etats-Unis, entrent en dialogue avec les gouvernements palestinien et israélien.

Les évêques américains ont, eux, engagés courageusement avec les Juifs et les Musulmans une campagne pour la paix au Moyen Orient. En février 2006 ils demandent, entre autres, la sécurité pour Israël, la fin de l’occupation, la création d’un Etat viable et reconnu internationalement pour les Palestiniens, un partage équitable des ressources dont l’eau. Le pape Benoît XVI vient de réaffirmer le jour de Pâques le droit pour Israël à vivre dans la paix et celui des Palestiniens de construire leur Etat.

Voila des approches plus positives qu’une nouvelle opération de boycott dont souffriront d’abord les plus faibles et qui nourrira la violence réciproque.

Denis Viénot