JDS Infos - Entretien avec Denis Viénot
Le texte de l'entretien :


Jean-Marie Guénois - Qu'est-ce que Caritas Internationalis ?
Dents Viénot - C'est une confédération des 162 Secours catholiques du monde entier, agissant dans le social, le médical, l'urgence, la solidarité et les droits de l'homme,
Jean-Marie Guénois - Est-ce l'un des premiers réseaux ? Denis Viénot - Caritas est le plus grand réseau mondial privé.
Jean-Marie Guénois - Un an après le tsunami, que reste-il à faire sur place ?
Denis Viénot - II reste beaucoup de choses à faire. La première année a été une année concentrée sur l'urgence immédiate, soit environ 500 000 personnes concernées par l'action du réseau Caritas. Puis, doucement, nous avons glissé vers des opérations de reconstruction. L'opération, qui est à ses débuts, va durer 5 ans. Un tiers du budget environ a du être engagé pour la première année.
Jean-Marie Guénois - Concrètement, que reste-t-il à faire ? Vous parlez de reconstruction, de bateaux, d'écoles...
Denis Viénot - Le réseau Caritas va sans doute construire 60 000 maisons. Certaines sont déjà construites mais pas la majorité, comme les'bâtiments collectifs, les écoles, les dispensaires et les centres sociaux
Jean-Marie Guénois - Pourquoi ne va-t-on pas plus vite ?
Denis Viénot - Pour construire un mur, il faut du temps. Prenons l'exemple des écoles sur une île à l'ouest de Sumatra, la région d'Aceh. I! y a eu un tremblement de terre 3 mois après le tsunami ; il faut donc construire une centaine d'écoles antisismiques. C'est compliqué et cela prend du temps ; il faut faire des plans et des études. 10 écoles sont finies aujourd'hui - j'y étais il y a quelque temps ; il en reste 90 à faire. L'essentiel du travail de conception est fait et c'est cette partie qui prend beaucoup de temps.
Jean-Marie Guénois - Un tiers du budget est engagé, vous avez donc largement de quoi faire ?

Après l'urgence, les reconstruction»


Denis Viénot - Nous avons beaucoup d'argent. Certaines personnes disent que nous en avons trop. 3e ne le pense pas. Avec beaucoup d'argent, on peut faire beaucoup. Nous allons pouvoir mener des actions à la fois de reconstruction mais aussi de relance de l'activité économique : des bateaux, des filets de pêche, des outils agricoles, des prêts à des petits épiciers qui ont tout perdu, etc.
Jean-Marie Guénois - Beaucoup pensent que vous avez eu trop d'argent sur le tsunami et peut-être pas assez sur le Pakistan, sans nommer d'autres catastrophes cette année.
Denis Viénot • C'est toujours le problème des catastrophes médiatisées - si je puis me permettre ce mot - et d'autres qui sont plus ignorées. Le Pakistan est aujourd'hui dans une situation très grave et beaucoup plus compliquée. C'est moins attirant que le Sri Lanka ; le pays fait peur avec les fondamentalistes. Les situations sur place sont aussi compliquées. C'est un pays de montagne et il neige maintenant. C'est compliquer d'amener des secours aux populations qui sont descendues dans les vallées pour se faire aider. La situation du Pakistan est aujourd'hui la situation la plus grave qu'on puisse connaître.
Jean-Marie Guénois - Si c'est « la plus grave .», pourquoi n'y a-t-il pas plus d'argent ? Est-ce que le tsunami étouffe tout ?
Denis Viénot - Je ne pense pas que le tsunami ait étouffé la générosité des Français ou des gens du monde entier. Il a permis par contre une certaine vibration - c'était au moment de Noël - et donc un sentiment de générosité et de partage. Au Pakistan, la situation est plus compliquée. Même si, en Indonésie, la situation politique est également compliquée, le tsunami a permis politiquement qu'un accord intervienne entre le gouvernement indonésien et la guérilla.
Jean-Marie Guénois - Noël approche. Une opération de huit mouvements chrétiens pour un Noël plus sobre et olus solidaire a été lancée. S'il y avait une priorité, un axe de solidarité, gué proposeriez-vous ?

Le Pakistan et le Darfour, les deux régions du monde où il faut aujourd'hui intervenir


Denis Viénot - De mon point de vue, en tant que président de Caritas internationalis à vision mondiale, je dirais : le Pakistan, et peut-être aussi le Darfour, cette région de l'ouest du Soudan où 2 millions de personnes sont déplacées. Ces deux plus gros programmes sont certainement les plus inquiétants en termes de financement aujourd'hui.
Jean-Marie Guénois - A propos de l'esprit de solidarité, pensez-vous qu'il se soit passé quelque chose cette année ? Les Français ont libéré leur coeur ou au contraire y a-t-il un repliement sur soi ?
Denis Viénot - Si je regarde ce qui s'est passé en France, le Secours catholique a été capable avec d'autres d'être assez Imaginatif - il y a eu la même chose en Allemagne et aux Etats-Unis. L'opération SMS, lancée en France, est à mon avis intéressante. Le tsunami a été non seulement un temps de générosité mais aussi de créativité dans le domaine de la collecte de fonds et de la stimulation des générosités. Ces leçons sont Intéressantes pour l'avenir.
Jean-Marie Guénois - Vous n'êtes pas pessimiste ! Beaucoup disent en effet que c'est la fin de la solidarité, que les gens donnent de moins en moins, et que les demandes sont trop nombreuses.
Denis Viénot - C'est compliqué. Regardez le tsunami et la générosité mondiale ; Katrina, le cyclone de septembre aux Etats-Unis et ta générosité américaine, aujourd'hui en Angleterre, la générosité pakistanaise - car ta société pakistanaise est là. le suis sûr que tes Français seront capables d'être généreux à une occasion prochaine ou dans leur vie quotidienne parce que la situation en France n'est pas simple pour beaucoup de gens.
Jean-Marie Guénois - Vous faites des comparaisons. Certains pays sont-ils plus donateurs et généreux que d'autres ?
Denis Viénot - La France est assez en retard en ce qui concerne la générosité individuelle et la générosité de l'Etat. L'Etat français est moins généreux que l'Etat hollandais par exemple.
Jean-Marie Gutnois - Quelle est la proportion avec le tsunami ?

L'Europe, premier donateur mondial


Denis Viénot - II faut se méfier. Lors du tsunami, il y a eu des financements européens et des financements nationaux. Il faudrait comparer avec l'Europe. Les budgets européens sont alimentés par les budgets nationaux. L'Europe est au total le premier donateur mondial en matière d'urgence, de tout temps et de tout lieu.