« Projet » 2006 n° 292 mai 2006
La Charité organisée


« Aimer son prochain est aussi une route pour rencontrer Dieu » (n°16). « La solidarité exprimée par la société civile dépasse de manière significative celle des individus » (n°30).
Ces deux citations de Deus Caritas est introduisent la charité et l’action sociale dans une dimension relationnelle et « organisée » (n°24).

L’encyclique rappelle la place centrale de l’engagement social dans la vie des chrétiens et la mission de l’Eglise : la place centrale de la « charité sociale » (29) visant le développement « de toute la personne » (Populorum progressio, 1967).
Les communautés chrétiennes doivent agir dans un esprit d’intégration des plus pauvres et promouvoir une culture de la charité, de la justice et de la solidarité. La relation inter personnelle est au cœur de ce challenge.

Mais la nécessaire organisation de la charité va de pair avec cet engagement personnel et communautaire. Aux niveaux local, national et international et dans un esprit de créativité et d’efficacité, les chrétiens souvent associés à d’autres s’engageront pour la justice – « L’Eglise ne peut rester à l’écart de la lutte pour la justice » (n°28) – et pour des actions de charité institutionnelle. L’encyclique y revient souvent de façon pratique : rôle de coordination des évêques, subventions des pouvoirs publics ou dégrèvements fiscaux, compétence des salariés et des bénévoles motivés par l’amour du prochain.

Quatre fonctions doivent être organisées pour la mise en œuvre de cette responsabilité, selon les situations des Eglises locales, les cultures, les histoires :
- L’animation des communautés à la charité et à la justice, en lien avec l’annonce de la parole et sa célébration. Certaines traditions séparent les fonctions alors que d’autres ont une approche plus englobante telle cette fête de l’inauguration d’un passage à niveau au Brésil : après des années de protestations et de luttes sociales pour obtenir, à l’entrée d’une bourgade, la construction de cet instrument de sécurité par la SNCF locale afin de protéger les enfants et les passants qui se faisaient happer auparavant par les trains, une célébration liturgique fut un temps de prière et de joie.
- La coordination des initiatives et des actions sociales, médicales, humanitaires. Les organisations chrétiennes veillent tant à la collaboration entre elles qu’à celle avec les autorités publiques et les autres organisations de la société civile prestataires de services ou animatrices de réseaux de bénévoles (n°31). Et le rôle de l’Etat est mis en avant: « Un Etat qui ne serait pas dirigé selon la justice se réduirait à une grande bande de vauriens, comme l’a dit un jour Saint Augustin » (n°28).
- La formation des animateurs de l’action charitable. L’encyclique insiste sur la formation du cœur, y revenant à deux reprises dans un même paragraphe (31.a).
- La sensibilisation de l’Eglise et de la société aux questions sociales et de pauvreté par des actions de plaidoyer élargies aux dimensions de la planète : politiques sociales, dette des pays pauvres, objectifs de développement du millénaire, migrations et préservation du droit d’asile, par exemple.

Et toute communauté s’organise pour cet exercice de cette responsabilité. Et cela dans un esprit engagé de résolution des conflits et des causes de pauvreté : « La charité doit présider aux combats de la justice en dépassant le morne équilibre des droits » (Cardinal Roger Etchegaray, 24 janvier 2006, Congrès de Cor Unum sur la charité, Rome).