Témoigner de l’Amour de Dieu pour la paix et le développement
Conférence régionale de Caritas Afrique
Libreville, Gabon, juillet 2006Conférence régionale de Caritas Afrique
Libreville, Gabon, juillet 2006.
Denis Viénot, Président de Caritas Internationalis


Excellences,
Chers frères et sœurs,
Chers amis,

Mgr Jean Bosco Ntep, Président de Caritas Afrique, et le Père Pierre Cibambo, Responsable Afrique au Secrétariat de Caritas Internationalis à Rome, m’ont demandé, en tant que Président de notre Confédération, de vous faire un exposé à la lumière de l’encyclique Deus Caritas Est, sur la dynamique de Caritas selon trois angles d’approche : la vision de Caritas, les actions de Caritas, les pistes d’avenir.
Je vais donc suivre ce plan en trois points mais en préambule, vous avertir que tous les exemples sur lesquels je vais m’appuyer, je les ai prioritairement choisis sur le continent africain pour qu’ainsi notre dialogue soit basé sur des réalités que vous connaissez parfaitement. Cependant, n’oubliez pas que tous les exemples cités font aussi écho à des situations en Asie, aux Amériques, en Europe, au Moyen Orient et en Océanie.
Nous sommes en chemin vers l'Assemblée générale de Caritas Internationalis de juin 2007 dont le thème sera " Témoins de charité, artisans de paix", " Witnesses of charity, builders of peace", " Testigos de la caridad para construir la paz". Elle mélangera intimement, comme un bon plat, des ingrédients choisis : l'approfondissement de nos racines à la lumière des enjeux du monde, du 40ème anniversaire de Populorum progressio et de Deus Caritas est, et l'élaboration des orientations stratégiques pour le travail ensemble 2007 - 2011. C'est dans cet esprit que je m'adresse à vous : valeurs et actions, racines et fruits.

La vision : le Royaume de Dieu

Pour commencer, je choisis un premier exemple sur une autre planète ; ce sera ma seule exception. Nous sommes sur une planète où se trouvent l’enfer et le paradis ; cette anecdote, toute fictive, m’a été racontée par Monseigneur Rodhain, président de Caritas Internationalis dans les années 60 et fondateur du Secours catholique, qui avait imaginé un personnage appelé Sidoine et dont la fonction était d’être son sacristain. Voici l’histoire :
Sidoine, sacristain incorrigible, a rêvé qu'arrivant au ciel il demande à saint Pierre de faire, avant d'entrer, un détour. Par une curiosité encore fort humaine, il voudrait jeter un coup d'œil sur l'enfer. Accordé.
Sidoine découvre donc l'enfer. L'enfer est un palais de marbres et d'ors. Escaliers somptueux. Salle de festin d'un luxe indescriptible. Les damnés sont à table depuis une éternité, chacun devant un plat de riz succulent. Mais Satan les a munis de baguettes de plus d'un mètre ; c'est trop long ; ils ne peuvent se servir. Ils meurent de faim chaque jour pendant l'éternité entière.
Sidoine se précipite vers le ciel. Le ciel est aussi un palais. Même marbres et mêmes ors. Même escaliers somptueux. Même salle de festin avec le même luxe. Sidoine est abasourdi de cette ressemblance. II découvre les élus identiquement rangés chacun devant un plat de riz succulent. Même baguettes trop longues. Mais avec ces longues baguettes chaque élu donne à manger à son voisin.
Et bien voilà résumée la dynamique de Caritas : le partage et cette dynamique sont au service d’un but, la construction du Royaume. Ce partage n’est pas une idée ; il n’existe que s’il est concret. Autrement dit s’il met en relation des personnes dans un amour agapè. Ainsi, l’encyclique de Benoît XVI s’ouvre sur une citation de la première épître de saint Jean : « Dieu est amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui ». Elle rappelle par ailleurs qu’ « à l’origine du fait chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne ». Et plus loin, rapprochant le Bon Samaritain et le Jugement dernier elle vient illustrer l’essentiel de l’acte de Charité, la rencontre avec le pauvre, incarnation de Dieu. Les communautés chrétiennes doivent agir dans un esprit d’intégration des plus pauvres et promouvoir une culture de la charité, de la justice et de la solidarité. La relation inter personnelle est au cœur de ce challenge. Le paradis de notre brave Sidoine était bien là dans la relation interpersonnelle. L’amour du prochain est une exigence fondamentale du Nouveau Testament.
Ainsi, dans l'épître de saint Jacques (1,27), la véritable religion « pure et sans tache », le vrai service de Dieu consiste à subvenir à la détresse de la veuve et de l'orphelin afin de se « garder du monde » c'est-à-dire avant tout d'une conduite égoïste. La veuve et l'orphelin sont ici, comme ils sont dans l'Ancien et le Nouveau Testament, les représentants, non seulement des souffrants, mais aussi des tourmentés et des opprimés. Dans ce contexte, leur venir en aide en se gardant de tout égoïsme, spécialement vis-à-vis des plus pauvres, apparaît comme le sommet de la religion. Cela ne signifie pourtant pas que le culte de Dieu et la louange divine puissent être remplacés par l'amour du prochain - Eph. 5,19, « chantez et célébrez le Seigneur » - mais plutôt que la conduite charitable envers le prochain est le préliminaire indispensable pour entrer en contact avec Dieu, si bien que la charité envers le prochain devient plus importante que la seule observance des préceptes cultuels. Dans une formulation encore plus explicite, la "règle d'or" met en évidence cette charité fraternelle comme sommet de la conduite morale telle que Dieu la veut : « Tout ce que vous voulez que les autres vous fassent, faites-le aussi aux autres, car ceci c'est la loi et les prophètes » (Mt 12).
L’Ancien et le Nouveau Testament montrent ainsi que l'amour du prochain est le témoignage de vie du chrétien et de la communauté. Depuis l'origine, le service divin, la célébration eucharistique, le commandement d’amour, l’assemblée communautaire et le soin des pauvres sont intimement liés sous la forme des "agapè" et du service de table pour les pauvres (institution des sept diacres, Actes 6,1-6). Tout particulièrement, la collecte de St Paul pour la communauté en détresse de Jérusalem montre une "agape-caritas " engagée concrètement dans une assistance réelle qui prouve que de tels gestes en faveur des pauvres sont une "leitourgia" et "diaconia ”, c'est-à-dire le service divin et fraternel. C'est en se tournant vers le prochain et en l'assistant qu'on aime Dieu, parce qu’on aime ceux qu'il aime, ses enfants qui, étant issus du même père sont nos frères (1ère Jean 5,1).
« Aimer son prochain est aussi une route pour rencontrer Dieu », selon l’encyclique Deus Caritas est (n°16) dont la seconde partie développe la mise en œuvre de l’amour par l’Eglise. Cette seconde partie vise la relation entre la Justice et le Ministère de la Charité. La construction d’un ordre civil et social juste est l’une des plus importantes responsabilités humaines. Le combat pour la justice et l’organisation de la charité sont les deux faces d’une même pièce. (28 a). Car l’Eglise a une triple tâche :
- L’annonce de la Parole de Dieu
- La prière et la célébration des sacrements
- Le service de la charité. Ces trois tâches ne peuvent être séparées l’une de l’autre. La charité n’est pas une activité facultative ou optionnelle (n°25). Cette mise en œuvre que développe Benoît XVI dans son encyclique est éclairée de six manières différentes et complémentaires :
- A de multiples reprises le texte revient sur la charité organisée, concrète : rôle de coordination des évêques, subventions des pouvoirs publics, dégrèvements fiscaux. Le soutien apporté aux activités et efforts de la société civile permet à la « solidarité exprimée par la société civile de dépasser de manière significative celles des individus » (n°30 & 32).
A Goma, des bénévoles des paroisses parcouraient les camps de réfugiés rwandais à la recherche des malades et des personnes âgées pour leur apporter de la nourriture car ils étaient incapables de se rendre dans les lieux de distribution : bonnes volontés à organiser. Les organisations humanitaires, caritatives et d’action sociale ou médicale savent combien il est important d’être structuré pour être efficace. Cette « gestion » de la charité rejoint les appels à une bonne gouvernance venant tant des financeurs publics que de l’opinion publique elle-même.
Dans le domaine des qualités des salariés et bénévoles, l’encyclique insiste sur la compétence technique et met l’accent sur la « formation du cœur ». Le pape encourage la réflexion pour dépasser le stade du vécu, de l’événement, des expériences quotidiennes.
Voir avec le cœur, c'est voir le global et les petites choses, c'est s'engager pour un monde juste et nouveau pour le bien du prochain. Le philosophe français Pascal écrit : " Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas".
Pour Caritas, rencontrer des personnes ne se fait pas uniquement par l’aide matérielle indispensable mais profondément par l’engagement personnel, le dialogue, le regard et la parole échangée.
- La charité organisée dans la société : « L’Eglise ne peut rester à l’écart de la lutte pour la justice » (n°28). En matière de plaidoyer international le réseau Caritas a mis l’accent ces dernières années sur la question du commerce juste dont le coton en Afrique, et dans ses relations avec les institutions financières internationales, sur la participation des plus pauvres, la lutte contre la pauvreté et son lien avec l’annulation de la dette au profit du développement humain durable, l’idée du développement adapté à chaque pays par des processus bien spécifiques, la taxation internationale et sa redistribution.
- Le rôle des communautés chrétiennes. L’animation des communautés à la charité et à la justice, en lien avec l’annonce de la parole et sa célébration. Certaines traditions séparent les fonctions alors que d’autres ont une approche plus englobante.
Nous retrouvons là toute la dynamique d'animation des groupes et communautés de base si dense en Afrique, groupes paroissiaux, groupes de village, groupes de crédit, de femmes, de partage, de projet etc.
- La coordination et la complémentarité : la coordination des initiatives et des actions sociales, médicales, humanitaires. Les organisations chrétiennes veillent tant à la collaboration entre elles qu’à celle avec les autorités publiques et les autres organisations de la société civile prestataires de services ou animatrices de réseaux de bénévoles (n°31). Et le rôle de l’Etat est mis en avant : « Un Etat qui ne serait pas dirigé selon la justice se réduirait à une grande bande de vauriens, comme l’a dit un jour saint Augustin » (n°28).
- Pas de prosélytisme : la mise en garde est claire à l’égard de ceux qui confondraient action caritative et annonce de la Foi (n° 31). Le réseau Caritas est bien placé pour voir les effets dévastateurs de la confusion. En Thaïlande, sur les côtes frappées par le tsunami, les donateurs du monde entier sont entrés dans une solidarité compulsive qui a dû probablement scandaliser nombre d’entre vous, confrontés à des drames quotidiens oubliés de tous. De plus, les activités ambiguës d’organisations fondamentalistes protestantes compliquent le travail. Des tribus de « gitans de la mer » ont chassé les agents de Caritas ayant assimilé leur présence aux manœuvres des ces associations prosélytes ; il a fallu ensuite des mois à Caritas pour créer un climat de confiance et engager des programmes de reconstruction. Et en Indonésie la vie d’agents de Caritas fut menacée par des personnes les prenant pour des prosélytes.
- Coopérations œcuméniques et inter religieuses : le pape se réjouit de ces collaborations et y appelle (n°30 & 31). Les actions d’urgence et de réhabilitation au Darfour mettent en évidence l’esprit voulu par la Conférence épiscopale soudanaise. En milieu totalement musulman la Caritas / Sudanaid et des organisations protestantes soudanaises collaborent avec des partenaires du Nord catholiques comme des Caritas et des réseaux protestants.
Caritas est souvent un lieu d’œcuménisme et de dialogue inter religieux en actes, associant des hommes et des femmes de bonne volonté de toutes confessions et religions ou collaborant avec eux. Le fait que la religion et l'engagement au service du prochain apparaissent aujourd'hui inséparables est un signe des temps particulièrement significatif, de même que le souci de ce qui est humain soit perçu comme la concrétisation et la preuve du sentiment religieux.

Pour conclure cette première partie, je dirai que la vision de Caritas, c’est concrètement le Royaume à construire ; j’insiste fortement sur le terme « concrètement » car le Royaume à construire n’est pas l’idée d’un paradis qu’il suffirait d’atteindre grâce à une vie morale, sorte de réconfort offert à ceux dont la vie est si dure et qui amènerait tout droit à l’immobilisme. La vision de Caritas est bien de construire le Royaume autrement dit de changer le monde, de le rendre plus juste et plus fraternel.
Cela vaut au plan individuel et au plan collectif pour chacune de nos Caritas. Le Royaume à construire est le centre du message évangélique et donc la vision même du réseau Caritas. La dynamique de cette vision n’a pas une seule dimension dans sa concrétisation, et c’est tout le sens de la seconde partie de l’encyclique de Benoît XVI :
- C’est la mise en œuvre concrète de l’option préférentielle pour les pauvres dans l’action humanitaire, l’action sociale, médicale
- C’est à la fois la relation courte d’action immédiate qui invite à la proximité avec les personnes et la relation longue qui travaille au niveau des causes
- C’est aussi une spiritualité qui considère le pauvre, l’exclu comme le centre de l’agir chrétien (Math 25, et le jugement dernier)

Les activités Caritas : des actions en forme de processus

Il serait bien présomptueux, de ma part, d’oser vous décrire les actions du réseau Caritas car vous les connaissez autant que moi, sinon mieux puisque vous en êtes les auteurs.
Donc, je vais m’arrêter sur trois actions que vous menez déjà pour certains d’entre vous et qu’il serait utile que la région Afrique puisse développer. Les actions que je souhaite partager avec vous sont : l’analyse de la pauvreté, le partenariat entre Caritas, le plaidoyer et la stratégie d’influence.

D’abord, l’action d’analyse qui permet de rendre compte et de témoigner. Dans Sollicitudo rei socialis (n° 43), Jean-Paul II écrivait que « l’intérêt actif pour les pauvres […] doit se traduire, à tous les niveaux, en actes concrets afin de parvenir avec fermeté à une série de réformes nécessaires » Or, ces réformes le réseau Caritas peut y contribuer à condition toutefois qu’il présente aux représentants des Etats ou de la communauté internationale des constats sur la pauvreté qui soient précis et vérifiables.
Une méthode pour réussir ce diagnostic est avant tout une démarche d’animation car elle doit mettre dans le coup le maximum d’agents de Caritas.
La démarche comprend des étapes clés :
• La définition du projet : quel champ de pauvreté allons-nous cerner et pour quel objectif de réforme ?
• La réalisation du document d’analyse qui recouvre les besoins tels qu’ils se présentent, les dysfonctionnements dont sont victimes les plus pauvres, et aussi les manques dans les dispositifs de protection.
• Viens alors le temps, certainement le plus difficile et le plus long, de remplir ces questionnaires et là, ce n’est que par l’animation des groupes qu’il est possible de mener à bien ce type d’enquête.
• Enfin, la dernière étape consistera à exploiter les remontées en vu de réaliser un dossier à plaider devant des institutionnels qu’ils soient politiques, économiques, médiatiques ou ecclésiaux. Car pour ces interlocuteurs, au-delà de la situation individuelle, il leur est nécessaire de connaître les panoramas.
Cette démarche d’animalyse - un mot que j’invente pour bien insister sur la proximité entre l’animation et l’analyse qui sont les deux jambes qui tiennent debout toutes les autres actions que je détaillerai un peu plus loin -, cette animalyse consiste à analyser les causes de la pauvreté, pour éveiller et alerter les responsables et opinions publiques dans le but d’agir sur les institutions. Et croyez mon expérience avec tous les institutionnels que je côtoie régulièrement, ces constats rigoureux et analysés sont bien souvent à leurs yeux notre première légitimité.
Le contact avec la pauvreté doit mener à une action sur les institutions car le rôle de la charité est de précéder la justice, et, en attirant l'attention sur des situations, de préparer le législateur à résoudre, autant que l’Etat peut le faire, les problèmes de la communauté.
Je pense par exemple à Caritas Congo, République du Congo / Brazzaville, qui est aujourd’hui au cœur de ce type de démarche avec l’actuelle enquête sur la pauvreté qu’elle mène en lien avec d’autres services d’Eglise (Justice et Paix, Santé, Education). Dans cet exemple, Caritas Congo est catalyseur d’énergie, serviteur des serviteurs de ceux, qui sont aussi en action auprès des plus pauvres. Enquêter sur la pauvreté conduit à mieux connaître les réalités de pauvreté, les conditions de vie des plus pauvres et percevoir les causes de ces pauvretés. Cette analyse aboutit aussi à faire entendre la voix spécifique de l’Eglise à l’ensemble du processus de politique de réduction de la pauvreté, de définir une stratégie d’action, et de révision éventuellement de la politique d’action de l’Eglise et donc d’avoir une politique de plaidoyer et une stratégie d’influence.
Ce travail de 2006 de Caritas Congo avait été précédé par une enquête similaire en 2004 sur un département entourant Brazzaville, le Pool, qui compte 10% de la population du pays et qui est enfoncé dans une extrême misère. L’Etat n’a voté aucun budget pour le Pool. La route nationale 1 qui relie le chef lieu du Pool, Kinkala, à Brazzaville est impraticable depuis des années : les 80 km se parcourent au mieux en 6h, et ne permettent plus d’acheminer la production agricole vers la capitale. De nombreux villages ont été rayés de la carte. Selon l’enquête, 46% des logements ont été détruits totalement ou partiellement. 92% des habitants n’ont pas accès à l’eau potable de proximité. L’administration ne fonctionne quasiment plus, les fonctionnaires résidant pour la plupart à Brazzaville. Les infrastructures scolaires et de santé sont dans un état déplorable, un tiers des centres de santé étant fermés ou détruits. Les ex-rebelles côtoient les militaires, créant une insécurité permanente. La police et la justice ont déserté. Le désarmement des miliciens est resté très partiel et n’est manifestement plus à l’ordre du jour. Malgré la fermeture il y a quelques mois des camps de Brazzaville où ils s’étaient réfugiés, peu de déplacés sont rentrés chez eux.
La paix reste à construire. Le relèvement de la situation du Pool est aujourd’hui un véritable enjeu national. Il serait le test de la bonne foi du gouvernement congolais et de sa volonté politique de reconstruire une nation déchirée par la violence et les guerres. Laisser lentement pourrir le Pool ne peut que développer un abcès qui éclatera un jour ou l’autre et relancera une nouvelle guerre civile. C’est pourquoi les évêques du Congo sont allés remettre leur rapport sur cette situation au Président de la République congolaise. Ils demandent que soit relancé le processus de paix, que soit désenclavée la région, que soient restaurés l’administration et les services publics et qu’en même temps un budget soit alloué. Pour sa part, Caritas Congo a décidé de s’engager sur quatre pistes d’action prioritaires pour faciliter le retour des déplacés et relancer l’économie rurale : la réhabilitation de maisons ; l’organisation de foires agricoles ; la rénovation de pistes ; la fourniture de matériels de travail à des petits artisans.
La différence entre l’enquête de 2004 et celle de 2006, c’est la dimension qui implique une méthodologie différente : 857 fiches pour la première et 100.000 fiches pour la seconde. Et croyez-moi, beaucoup de Caritas du Nord s’astreignent aussi à ce type de travail d’analyse. Pour prendre un autre exemple, il conviendrait de citer le travail que fait depuis des années l’Eglise en Zambie en suivant, au mois le mois le panier de la ménagère - food basket - pour intervenir auprès des autorités politiques et économiques et montrer comment évoluent les conditions de vie des plus pauvres

La seconde action que je souhaite vous commenter c’est le partenariat, en tant que processus, en tant que construction progressive, le fondement même de la relation entre les membres du réseau Caritas. Certes, chaque Caritas constitue une organisation nationale autonome, mais qui partage avec toutes les autres le même sens du service et de l’auto promotion des populations les plus pauvres ; ce réseau international des Caritas possède donc une éthique et des valeurs communes en même temps qu’une vision largement développée dans la première partie de mon exposé, ainsi qu’une conception partagée du développement ; tout ceci est l’expression de la pastorale et de l’enseignement social de l’Église.
Une Caritas agit d’abord dans le champ géographique qui est le sien en s’efforçant de mobiliser les ressources humaines, morales et matérielles des communautés. Et parce que chaque Caritas partage les mêmes idéaux et types d’engagements, il est donc naturel que l’échange, le partage des expériences et l’entraide mutuelle soient au cœur de la relation constitutive de la vie en réseau. Le Père Tsegayé Keneni, Secrétaire général du Secrétariat catholique éthiopien / ECS, disait un jour : « Nous avons besoin les uns des autres ; C’est la nature humaine. Personne ne doit rester seul. »
Le mot partenariat est formé sur la racine latine « par, paris » qui signifie égalité. En fonction même de son étymologie, le partenariat consiste à ce que toute relation d’alliance, d’union ou d’association s’établisse sur un pied d’égalité, partant du principe que « chacun a autant à recevoir qu’à donner ». Il ne peut ainsi y avoir celui qui sait, par rapport à celui qui ne sait pas, celui qui a, par rapport à celui qui n’a pas, celui qui donne, par rapport à celui qui reçoit. La démarche de partenariat, au sein du réseau des Caritas, privilégie donc le renforcement institutionnel des Caritas et leur accompagnement, afin que toutes puissent davantage se situer sur un même pied d’égalité.
L’appui institutionnel apporté ainsi par d’autres Caritas doit permettre à celles qui en sont bénéficiaires de pouvoir développer et renforcer leur réseau interne, tant au niveau national que régional et local. Le travail d’une Caritas - depuis l’analyse de la pauvreté jusqu’à l’évaluation et la capitalisation des actions - doit aussi pouvoir profiter à d’autres selon les principes de coresponsabilité et de réciprocité.
Lors d’un séminaire sur le partenariat et la coopération inter régionale organisé par Caritas Europa à Bruxelles en juin 2006 vous étiez représenté par Caritas Niger. Son représentant, Raymond Yoro, insistait sur la continuité du dialogue et la confiance mais s’attristait de l’insuffisance des financements du personnel local, tant par exemple les salaires que la formation. Il faut voir les choses bien en face. Oui, le partenariat ne doit pas être limité à un simple transfert financier mais je ne suis pas naïf car, et il y a des questions à se poser : Comment surpasser la domination et la dépendance financière ? Comment agir et faire pour que les deux organisations qui se veulent partenaires se situent authentiquement sur un pied d’égalité ? Dans le respect mutuel et l’acceptation des différences. La relation de partenariat implique écoute, compréhension et dialogue mutuels car le partenariat est un échange de savoirs, de pratiques et de techniques, à partir d’un projet et d’un engagement global commun : l’appui à l’auto promotion des populations les plus pauvres. A partir surtout des actions que les plus pauvres entreprennent, notre responsabilité est de témoigner de leurs capacités et créativité.
L’appui ainsi apporté est donc un engagement mutuel dans le combat contre la pauvreté et la grande exclusion, engagement vécu et mené au sein de chaque Caritas, mais aussi avec toutes les autres organisations qui s’efforcent de lutter dans le même sens. D’où la nécessaire dimension d’animation et d’éducation à la solidarité.
Pour tout membre du réseau Caritas, la démarche de partenariat implique aussi de favoriser et développer les processus d’indépendance, d’autonomie et de responsabilisation de tous ses partenaires depuis la Caritas nationale jusqu’aux groupes et communautés à la base. Il y a donc un appui structurel et institutionnel à apporter pour que chaque Caritas ait les moyens de fonctionner et mener à bien la mission qui est la sienne ; l’appui à la formation et au renforcement des capacités et compétences des cadres et responsables y tient d’ailleurs une part essentielle.
Le partenariat tel que le conçoit et essaie de le vivre au quotidien le réseau Caritas est donc une démarche dynamique qui repose sur la concertation et sur les principes de réciprocité et de coresponsabilité dans l’ensemble des relations, y compris pour l’appui à un projet. Pour le réseau Caritas, les actions concrètes de partenariat, notamment autour et à partir des projets, restent marquées par l’idée que, malgré les discours ambiants sur la mondialisation de l'économie et le tout libéralisme, on peut agir pour une transformation de la société, notamment vers des formes d’organisation plus solidaires, communautaires et autogestionnaires.
Dans ce contexte général de plus en plus marqué par la mondialisation et les changements, la réflexion se poursuit pour continuer à adapter et faire évoluer certaines pratiques, sans perdre de vue les options fondamentales et les réalités des groupes et communautés de base. C’est pourquoi la valorisation des différentes expériences de chacun est importante, permettant un enrichissement réciproque. L’appartenance au réseau des Caritas est source d’enrichissement, mais aussi gage de fiabilité par rapport au déroulement et à l’exécution des projets. Chaque Caritas dispose en effet d’un réseau ramifié - dans le monde, plus de 3.000.000 de bénévoles à l’action et en responsabilité - ce qui permet un suivi concret et durable des différentes actions.
Au cours du séminaire sur le partenariat et la coopération interrégionale le représentant du Bangladesh, Benedict Alo D' Rozario, décrivait trois niveaux, celui de la pitié dans la relation donateur – bénéficiaire, celui de la sympathie et du respect dans la relation éducative, celui de l’empathie et de la dignité quand les partenaires accèdent au vrai partage. Le représentant du Honduras, le Père German Calix voyait différentes perspectives à la coopération fraternelle : prophétique car celui qui récolte n’est pas celui qui sème, christique donc incarnée, pastorale car organisée – le partenariat doit être organisé par des méthodes, des accords écrits, des réunions régulières etc. -, éthique, historique et politique car il s’inscrit dans un contexte et une culture.
Enfin, je tiens à souligner que le partenariat a aussi un fondement évangélique et que nos principes de partenariat s’enracinent dans l’enseignement social de l’Eglise. Les organismes et associations qui font du développement sont nombreux. Ce qui fait notre différence est notre foi chrétienne qui nous donne une vision particulière de l'homme et du monde, et nous motive pour construire un Monde nouveau. Le partenariat conduit à une remise en cause, à sortir des habitudes routinières pour innover au service des plus pauvres. Il est l’expression de l’enseignement social de l’Église et de la mission de diaconie confiée aux Caritas du monde. Cette réflexion sur le partenariat ne s’adresse pas uniquement à vous en Afrique Elle concerne la totalité des membres de notre confédération ; mais vous membres des Caritas d’Afrique, avez votre contribution spécifique, originale à apporter. Le partenariat n’est jamais acquis, c’est une construction quotidienne.

La troisième action que je désire pointer avec vous est le plaidoyer et la stratégie d’influence, advocacy et lobby. Le plaidoyer à proprement parler, est la défense de la cause que l’on cherche à promouvoir. La stratégie d’influence consiste à modifier les causes du problème. Si le plaidoyer comme son nom l’indique plaide c'est-à-dire parle au nom des pauvres et avec eux pour les défendre, la stratégie d’influence, comme son nom l’indique aussi, influe sur des décideurs pour suggérer des actions ou initiatives amenant des changements concrets pour les plus pauvres. C’est une manière de penser avant d’agir qui implique de se poser constamment la question : ‘ « pourquoi ? ». Jusqu’à ce que les causes profondes du problème soient déterminées et que l'on essaie de résoudre la situation à partir de cette information. C'est une façon de penser, mais aussi de travailler car le plaidoyer consiste à réfléchir à la façon de travailler en équipe pour changer les structures, les politiques, les procédures et les pratiques. Il améliorera souvent l'environnement politique ou économique dans lequel les gens vivent et, en conséquence, les activités du projet seront plus efficaces. Pour illustrer mon propos, je pense à l’exemple de la Caritas du Kenya qui avait mis en place une formation citoyenne : apprendre à la population les enjeux des élections en les faisant réfléchir sur le sens de leur vote. Je note que le Kenya a été précurseur quand j’observe aujourd’hui certaines Caritas du Nord qui reprenne ce thème de formation avant des élections nationales particulièrement importantes. On retrouve cela aux Philippines où l'Eglise et Caritas engagent des campagnes de lutte contre la corruption via le contrôle des dépenses publiques, se celles du village jusqu'à celles de l'Etat.

Le plaidoyer constitue un élément intégral des activités de développement ; il n'en est donc pas séparé. Si nous entreprenons des activités de développement pour répondre aux causes profondes de la pauvreté et apporter un changement dans une situation donnée, nous devrons alors envisager tous les moyens légaux d'arriver à ces causes profondes. Les activités de projets et les programmes peuvent le faire à un niveau plus local mais, on observe que bien souvent, elles s'adressent essentiellement aux symptômes. Ce qui n’est déjà pas rien mais dans cette planète de plus en plus complexe, il nous faut aller plus loin ; notre légitimité caritative aux yeux du monde séculier viendra de notre dynamique alliant la proximité et l’expertise.
Le plaidoyer est nécessaire lorsque les causes profondes d'un problème ne se situent pas au niveau local ou lorsqu'elles proviennent des autorités et de leurs pratiques. Les activités de développement qui cherchent à participer à la résolution des causes profondes de pauvreté par le biais de changements de politiques, fourniront un environnement social et politique plus favorable aux exclus. Si nous entrevoyons le développement de cette façon, c'est-à-dire comme un processus ou comme une série d'activités œuvrant ensemble, dans la cohérence, et poursuivant un même objectif, nous nous rendrons compte que la démarche de plaidoyer et la stratégie d’influence constituent des outils ayant une activité puissante dans et sur le processus de développement. Les Caritas d’Afrique australe ont bien déblayé ce chemin, mais aussi d’autres Caritas comme le Cameroun, qui mènent un travail conjointement avec la société civile pour le suivi budgétaire et ainsi vérifier la bonne gouvernance en allant même jusqu’aux problèmes combien sensibles de la lutte contre la corruption. Le processus de développement intégrant la démarche de plaidoyer et la stratégie d’influence nous renvoie donc aux fondements de notre mission en Caritas : la diaconie des plus pauvres.
Depuis l’Assemblée générale de 2003, le plaidoyer et la stratégie d’influence sont l’une des grandes priorités affirmées par notre réseau. L’Afrique s’est bien emparée de cette question en ayant organisé déjà deux grandes réunions de sensibilisation, en octobre 2004 à Lusaka et en décembre 2004 à Kinshasa.
L'action auprès des Nations Unies conduite par la confédération avec Mgr Andia Odama du Nord de l'Ouganda à propos du conflit qui y règne manifeste notre créativité et notre efficacité : le Conseil de Sécurité s'est saisi de la question particulièrement après les visites de l'archevêque à New York, Washington, Londres, Bruxelles, Genève et Rome.

Ce début est prometteur, mais l’effort doit se poursuivre, comme certains d’entre vous le font déjà, au niveau national mais aussi au niveau diocésain. On ne peut lutter contre la pauvreté sans avoir une politique déterminée. On ne peut se contenter de simples distributions de secours ; il nous faut aller jusqu’à la lutte sur les causes de la pauvreté. S’investir dans le plaidoyer et l’influence nous permet de développer une vision cohérente de l’ensemble de nos actions.


L’avenir : spiritualité sociale et politique

J’espère que vous êtes suffisamment en forme pour aborder notre dernière partie de cet exposé qui se veut un regard vers l’avant en privilégiant certains points sur lesquels je souhaiterais insister auprès de votre Assemblée des Caritas d’Afrique.
« Aimer son prochain est aussi une route pour rencontrer Dieu » (n°16). « La solidarité exprimée par la société civile dépasse de manière significative celle des individus » (n°30). Ces deux citations de Deus Caritas est introduisent la charité et l’action sociale dans une dimension relationnelle et « organisée » (n°24). Et c’est en effet ce point de l’organisation que je désire mentionner à nouveau à la lumière de l’encyclique Deus caritas est.
L’encyclique rappelle la place centrale de l’engagement social dans la vie des chrétiens et la mission de l’Eglise : la place centrale de la « charité sociale » (n°29) visant le développement « de toute la personne » (Populorum progressio, 1967). Les communautés chrétiennes doivent agir dans un esprit d’intégration des plus pauvres et promouvoir une culture de la charité, de la justice et de la solidarité. La relation inter personnelle est au cœur de ce challenge.
Mais la nécessaire organisation de la charité va de pair avec cet engagement personnel et communautaire. Aux niveaux local, national et international et dans un esprit de créativité et d’efficacité, les chrétiens souvent associés à d’autres s’engageront pour la justice – « L’Eglise ne peut rester à l’écart de la lutte pour la justice » (n°28) – et pour des actions de charité institutionnelle.

Notre pape, ainsi que ses prédécesseurs n’ont pas peur du mot politique. Et c’est le second point sur lequel je vous propose de nous arrêter. Depuis le Concile, en effet, l'Eglise ne cesse de préciser sa pensée à propos de l'engagement politique. Elle appelle tous les chrétiens selon leurs possibilités et au-delà de tous les préjugés à prendre une part active à la vie politique. "Tous les chrétiens doivent prendre conscience du rôle particulier et propre qui leur échoit dans la communauté politique". (Gaudium et Spes n°75) Ce texte est de 1965. Quelques années plus tard en 1971, le Pape Paul VI revient sur cette question et la précise dans sa lettre au Cardinal Roy. Il écrit notamment : « La politique est une manière exigeante - mais non la seule - de vivre l'engagement chrétien au service des autres. Il est bien clair en effet qu'aucune réforme de structure ne dispensera chaque citoyen de prendre ses responsabilités et de se convertir à une vie selon la justice et la charité. »
Cette dimension politique me parait parfaitement illustrée par l’exemple de la République démocratique du Congo. Juste un rappel des faits : depuis l’indépendance de 1960 et les trente ans d’un régime autoritaire, ce pays est marqué par des effondrements économiques, un appauvrissement de la population, la détérioration des infrastructures. La grave dégradation de la situation du début des années 90 s’est poursuivie par des menaces territoriales, les voisins voulant jeter leur dévolu sur certaines zones. Et depuis 1998 quatre millions de personnes sont mortes du fait des guerres et de leurs effets humanitaires. Un processus démocratique et électoral s’est engagé avec le soutien et sous la pression des Nations Unies et du Conseil de sécurité avec des pays d’Afrique et de l’Union européenne.
En 1999, une Mission des Nations Unies a été créée qui est aujourd’hui responsable de la logistique du processus électoral. Elle n’est pas à l’abri de critiques sur la gestion des fonds et de graves manquements à la protection des personnes.
La grande majorité des électeurs n’avait jamais voté avant le référendum constitutionnel du 18 décembre 2005.
Il a donc fallu créer des bureaux d’enregistrement et que les citoyens s’inscrivent sur les listes, ce qui a pris 7 mois au milieu de difficultés pratiques immenses. 25 millions ont été enregistrés sur les 30 estimés. Malgré une forte abstention dans certaines zones le vote a eu lieu et la constitution a été approuvée.
La préparation des élections présidentielles, législatives et locales est engagée. Elles doivent se tenir fin juillet 2006. Plusieurs controverses menacent cependant : l’acceptation des résultats futurs, la gouvernance et la corruption, la réunification des forces armées, la sécurité à l’Est. Le pays a donc bénéficié de soutiens extérieurs importants ces dernières années, entre autre pour le rétablissement de la paix et l’évolution vers la démocratie.
La Banque mondiale poursuit ses efforts. Fortement engagée dans la démilitarisation, son aide – à son échelle – reste encore relativement modeste, attendant la conclusion du processus électoral pour prendre plus d’ampleur.
Le réseau Caritas, lui, soutient les activités de l’Eglise au Congo : Caritas pour l’urgence, la sécurité alimentaire, le développement, la santé, le Sida, les jeunes, la démobilisation des enfants soldats et l’éducation voire la campagne de plaidoyer contre le viol comme arme de guerre, mais aussi d’autres entités comme ‘‘Justice et Paix’’.
L’Eglise est en effet très engagée dans les domaines sociaux, mais aussi dans celui du processus politique avec le soutien de nombreux partenaires étrangers de Caritas ou Cidse.
En lien étroit avec les autres organisations de la société civile, les autres Eglises et confessions religieuses, l’Eglise catholique a participé au dialogue inter congolais et est très engagée dans le processus de transition. Un prêtre est président de la Commission électorale.
La conférence épiscopale s’est régulièrement exprimée pour appuyer le processus électoral et rappeler à tous leurs devoirs pour construire un Etat de droit et bâtir une paix durable en République démocratique du Congo et dans la région. Sa Déclaration du 5 février 2005, « Le Congo nous appartient », commence par une analyse de la situation se concluant par « …le pays est en danger. Dès lors, aucune attitude d’irresponsabilité et de démission n’est tolérable ! »
La Conférence épiscopale et Justice et paix ont animé de multiples formations à la démocratie, à l’accompagnement du processus d’inscription sur les listes électorales et à la vulgarisation de la constitution, partout, jusqu’à la plus reculée des paroisses. Et les communautés engagées par exemple dans des projets agricoles ou de santé ont aussi été concernées. Depuis début 2006, un nouveau programme est en cours pour préparer les élections et former des observateurs électoraux.
L’action de l’Eglise est unanimement reconnue comme efficace, et respectueuse de la démocratie car, comme elle le dit elle-même dans le matériel de formation réalisé, « L’Eglise marche avec le peuple et n’a pas de candidat aux élections ».

Dernier point que je souhaite aborder et qui n’étonnera personne c’est le thème de la paix. Caritas Internationalis conduit depuis plusieurs années un processus de Paix et de Réconciliation.
Nous avons publié un premier manuel sur la réconciliation en 1999. Dans le document de formation qui a suivi en 2002 le chapitre relatif aux constructeurs de paix comprend une rubrique : « Inventer des choix au bénéfice de tous », et le texte développe la nécessaire créativité et l’engagement pour élaborer des options acceptables par les parties d’un conflit.
Le premier Forum de Caritas Internationalis sur la paix s'est tenu fin juin au Sri Lanka, précédé par des visites de terrain à des projets du programme de paix et de réconciliation de la Caritas. Ce Forum prépare des pistes stratégiques pour l'assemblée de 2007 qui seront affinées par le Groupe Paix et réconciliation de notre confédération et le comité préparatoire de l'assemblée.
Je relève juste quelques éléments pour vous mettre en appétit : la construction de la paix dans les programmes, la formation des responsables, l'analyse des conflits, le travail avec les autres confessions religieuses ; à propos du plaidoyer, la répartition des taches et le rôle des régions ; au sujet de la collaboration en réseau le dialogue inter religieux face aux fondamentalismes qui ne sont pas uniquement musulmans. Le Cardinal Kaspers, chargé de l'œcuménisme au Vatican, que je rencontrais récemment s'inquiète par exemple de la montée de sectes d'inspiration chrétienne et les Eglises d'Asie font- elles face à des fractions dures hindouistes ou bouddhistes. La construction de la paix est un travail ensemble pour réaliser l’harmonie sociale dans les programmes d’urgence et de développement, de plaidoyer.
L’esprit de la réconciliation se trouve bien exprimé par le Pape Benoît XVI lors de sa récente visite en mai dernier à deux camps de concentration en Pologne : « Je suis venu ici aujourd’hui pour implorer la grâce de la réconciliation, d’abord de Dieu qui seul peut ouvrir et purifier les cœurs, puis des hommes et des femmes qui ont souffert ici, et enfin la grâce de la réconciliation pour tous ceux, à ce moment précis de notre histoire, qui souffrent de façon nouvelle du pouvoir de la haine et de la violence que la haine engendre. Tout en publiant Populorum progressio, Paul VI écrivait dans son Message de Carême de 1967 : « après le récent concile il faut reprendre (…) l’enseignement sur les questions qui agitent, travaillent et divisent les hommes dans leur recherche de pain, de paix, de liberté, de justice et de fraternité. (…) une encyclique sur le progrès des peuples, leur développement et les obligations résultant d’un programme, que nul ne peut repousser aujourd’hui, d’équilibre économique, de dignité morale, de collaboration universelle entre toutes les nations. » Paix, pain, liberté, justice et fraternité : le manège des causes et des effets tourne. Nous en sommes spectateurs et acteurs. Notre Panafricaine doit contribuer à plus d’équilibres, de fraternité, de justice, de solidarité et de charité, car elle contribuera à donner des outils d’actions renouvelés et efficaces à ceux et celles qui veulent s’abîmer les mains dans la construction de relations fraternelles à l’échelle de notre planète. Quelle que soit notre religion ou notre spiritualité nous sommes tous de la même famille née il y a bien longtemps aux confins de l’Ethiopie et du Tchad, pas loin du Darfour aujourd’hui ensanglanté ! Nous sommes sans cesse en querelles de famille si souvent dramatiques ! Nos actions communes - Caritas - de plaidoyer au Sri Lanka, en Colombie, en Palestine, en République démocratique du Congo, en Ouganda ou au Soudan ou encore en matière de migrations ne sont pas les seules à nécessiter nos efforts. Nos membres sont engagés dans de multiples zones de conflit, dans toutes les zones de conflit en fait. Et même là où il n’y a pas de Caritas locale, ainsi en Afghanistan, certains d’entre nous agissent-ils.

Pour terminer cet exposé, je désire vous rappeler l’exhortation de Jean-Paul II, « Ecclesia in Africa » en 1995: « Il est absolument vrai que l'Esprit Saint est l'agent principal de l'évangélisation : c'est Lui qui pousse chacun à annoncer l'Évangile et c'est Lui qui dans le tréfonds des consciences fait accepter et comprendre la Parole du salut. Mais, après avoir réaffirmé cette vérité, l'évangélisation est aussi une mission que le Seigneur Jésus a confiée à son Église, sous la conduite et la puissance de l'Esprit. Notre coopération est nécessaire, par une prière fervente, par une grande réflexion, par des projets adaptés et la mobilisation des ressources. » (n°26). Coopération, prière, réflexion, projets, les quatre pieds qui soutiennent la table du partage.
Car souvenez-vous de notre petite histoire du début…vous savez l’enfer, le paradis, la table avec des mets succulents, et les trop longues baguettes pour manger chacun pour soi. Le continent africain sait dans son âme et dans sa chair que le partage est une absolue nécessité : le village, la famille, le quartier, le pays... votre perception du prochain est une perception riche, accompagnée de cette joie de vivre que beaucoup de personnes vous envient. Alors, votre richesse, répandez là dans la confédération ; tant dans la liturgie de nos assemblées que dans la construction de la coopération internationale. N’attendez pas de vous sentir prêts, ce sont les autres qui vous désignent aptes au service. Car seuls ceux qui étaient assis à la table du banquet pouvaient manger grâce à leurs voisins, mais là nous étions au Paradis !
A la table de notre monde, il y a aussi du riz succulent mais pas pour tous ; pas pour ceux qui n’ont ni la possibilité ni l’énergie de se mettre à table.
Notre devoir est d'accroître les richesses et de contribuer à ce que tous accèdent au riz. Pour Caritas, s’associer à la création et partager, voila la voie royale pour construire le Royaume de Dieu.

DV.