Caritas sujet de charité dans l’Eglise

Conférence internationale sur la Charité
Conseil Pontifical Cor Unum
Rome, Salle du Synode, 23 janvier 2006
Intervention de Denis Viénot, Président de Caritas Internationalis



Eminences,
Excellences,
Monsieur le Président James Wolfensohn,
Mgr Josef Cordes,
Chers Frères et sœurs,


Le 13 novembre 2004, le président du Conseil Pontifical Cor Unum, Mgr l’archevêque Josef Cordes, remettait au président de Caritas Internationalis, Mgr Youhanna Fouad El-Hage archevêque de Tripoli au Liban – décédé en mai 2005 -, en présence des membres du Conseil pontifical et du Bureau de Caritas Internationalis, la Lettre pontificale du pape Jean-Paul II du 16 septembre 2004 « Au cours de la Dernière Cène » conférant à cette confédération la personnalité juridique canonique publique. Dans son discours le président de Cor Unum relevait la création de Caritas Internationalis en 1951, sur initiative de Mgr Montini qui devint le pape Paul VI. Cette confédération d’organismes caritatifs remplit un rôle d’animation, de coordination et de représentation de 162 membres nationaux autonomes agissant dans le monde entier. De nature ecclésiale, « Caritas, née sur l’initiative de catholiques (…) interpellés par la pauvreté de tant de frères (...) est un instrument privilégié de l’action caritative des Evêques, lesquels ont la responsabilité ultime en ce domaine».
Déjà en 1921, Benoît XV avait approuvé l’idée de la création d’une organisation internationale des Caritas. Lors du Congrès eucharistique d’Amsterdam, en 1924, une conférence internationale des Caritas s’est tenue, et c’est en 1928 que le Pape Pie XI a donné le nom de Caritas catholica à ce réseau qui, disparu pendant la seconde guerre mondiale, a donc repris vie en 1951 avec le soutien de Pie XII. Son action s’exerce à chaque époque dans des contextes différents. Les Eglises particulières et l’Eglise universelle s’adaptent donc selon les besoins et des situations mouvantes. Leurs coopérations avec les Etats ou les organisations internationales font de même.

Contextes différents comme aujourd’hui la mondialisation qui, selon M. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie et ancien chef économiste et vice-président de la Banque mondiale, « est l’intégration plus étroite des pays et des peuples du monde qu’ont réalisée, d’une part la réduction considérable des coûts du transport et des communications, et, d’autre part la destruction des barrières artificielles à la circulation transfrontalière des biens, des services, des capitaux des connaissances et – dans une moindre mesure - des personnes » . Le pape Jean-Paul II a lui aussi pris position : « L'Église offre une contribution valable à la problématique de l'économie actuelle mondialisée. Sa position morale en cette matière « s'appuie sur les trois pierres angulaires fondamentales de la dignité humaine, de la solidarité et de la subsidiarité ». L'économie mondialisée doit être analysée à la lumière des principes de la justice sociale, en respectant l'option préférentielle pour les pauvres, qui doivent être mis en mesure de se défendre dans une économie mondialisée, et les exigences du bien commun international » .
M. Josef Stiglitz est sur la même ligne : « Il est exact qu’on ne peut pas réduire durablement la pauvreté sans croissance économique vigoureuse. Mais l’inverse n’est pas vrai. S’il y a croissance, rien n’impose qu ‘elle profite à tous. Il n’est pas exact que la marée montante soulève tous les bateaux. Parfois, quand la marée monte vite, en particulier par gros temps, elle projette les embarcations les plus frêles contre les rochers de la côte et les réduits en miettes » .

Contextes géographiques et pratiques différentes comme le note, par exemple, à propos d’un cas particulier, le pape Benoît XVI s’adressant au nouvel ambassadeur de France auprès du Saint Siège, le 19 décembre 2005 : « (…) le principe de laïcité consiste en une saine distinction des pouvoirs, qui n’est nullement une opposition et qui n’exclut pas cependant pour l’Eglise ‘‘de prendre une part toujours plus active à la vie de la société dans le respect des compétences de chacun’’ . Une telle conception doit aussi permettre de promouvoir davantage l’autonomie de l’Eglise, que ce soit dans son organisation ou dans sa mission ». Et dans la pratique elle aura plus ou moins tendance à s’engager dans des relations contractuelles avec l’Etat, selon les lieux, les circonstances ou les traditions. Dans le domaine de la santé par exemple les Eglises d’Afrique anglophone le font amplement alors que celles d’Afrique francophone sont plus réservées.

Politiques différentes, comme dans le domaine de l’aide publique au développement. A côté du scandale du non-respect de leurs engagements par la plus part des Etats riches, le fameux 0,7% du produit intérieur brut, ces Etats accordent aux ONG des moyens contrastés. En moyenne 5% de l’aide bilatérale est allouée aux ONG ou transite par elles. L’Espagne leur verse 20% de son aide publique au développement ; l’Irlande, les Pays Bas ou la Nouvelle Zélande leur en consentent entre 10 et 15% ; l’Australie, le Japon ou l’Italie entre 2 et 5%, la France et le Portugal de tristes 0,4% .


Caritas instrument de la charité mystique et institutionnelle de l’Eglise

Dans l’Evangile selon Saint Jean, à la fin, le Christ donne le commandement nouveau : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » (Jn 13, 34). Ce commandement est nouveau car il s’agit d’aimer comme le Christ, donc jusqu’au don total de sa vie. Et il est nouveau car il ne connaît pas de frontières. Le prochain, c’est tout homme, toute femme, quels que soient sa race, sa religion, sa culture. « Les institutions et les services chrétiens qui se limiteraient aux croyants et élimineraient sciemment les autres sont inconcevables (…) La charité de l’Eglise doit toujours être ouverte à tous » .
Le prochain donc en tant qu’objet d’amour pour la charité, le prochain en tant que sujet de droit pour la justice . Charité et justice marchent la main dans la main. Paul VI l’écrit dans Evangelii nuntiandi : « Il est impossible d’accepter que l’œuvre d’évangélisation puisse ou doive négliger les questions extrêmement graves, tellement agitées aujourd’hui, concernant la justice, la libération, le développement et la paix dans le monde. Si cela arrivait, ce serait ignorer la doctrine de l’Evangile sur l’amour envers le prochain qui souffre ou est dans le besoin » (n° 31).
La Constitution Lumen Gentium dans son paragraphe « L’Eglise à la fois visible et spirituelle » proclame : « De même l'Eglise entoure tous ceux qu'afflige l'infirmité humaine ; bien plus, elle reconnaît dans les pauvres et en ceux qui souffrent l'image de son Fondateur pauvre et souffrant, elle s'emploie à soulager leur détresse et veut servir le Christ en eux ».

Les relations en Église varient. Partout les Caritas ont été fondées par l’évêque ou les Conférences épiscopales ; il s’agit toujours donc d’organismes de coordination et de communion créés pour la diaconie, le rayonnement de la charité et sa mise en œuvre au sein de l’Eglise, à ses frontières et à son extérieur. Selon le Compendium de la doctrine sociale , au numéro 525, « Le message social de l’Evangile doit orienter l’Eglise à accomplir une double tâche : aider les hommes à découvrir la vérité et à choisir la voie à suivre ; encourager l’engagement des chrétiens à témoigner de l’Evangile dans le domaine social, avec le souci de servir. (…). Le message social (de l’Eglise) sera rendu crédible par le témoignage des œuvres plus encore que par sa cohérence et sa logique interne » . En annonçant le 18 janvier 2006 la publication prochaine de sa première encyclique, « Deus Caritas est », le pape Benoît XVI affirmait que « l’acte d’amour personnel » doit aussi s’exprimer dans l’Eglise comme un « acte organisé » et que « Caritas est l’expression nécessaire de l’acte plus profond de l’amour personnel par lequel Dieu nous a créé » .
Caritas, avec ses services, ses institutions, ses actions socio-pastorales ses programmes, urgence et soins, assistance, développement et promotion, action sociale et médicale, formation et études, avec ses gestionnaires et ses millions de bénévoles est un réseau pluraliste profondément ancré dans les Eglises locales autonomes dans l'Eglise universelle. Caritas constitue aussi l’un des ponts entre l’Eglise et le monde, un lieu de plein vent, un lieu d’œcuménisme et de dialogue inter religieux en actes : « C’est le même Esprit du Seigneur, qui conduit le peuple de Dieu et, en même temps, remplit l’univers, qui inspire, de temps à autre, des solutions nouvelles et actuelles à la créativité responsable des hommes, à la communauté des chrétiens insérée dans le monde et dans l’histoire et, par conséquent ouverte au dialogue avec toutes les personnes de bonne volonté, dans la recherche commune des germes de vérité et de liberté disséminés dans le vaste champ de l’humanité » .
L’identité de Caritas se décline autour de charité, solidarité, justice. Selon le Catéchisme de l’Eglise catholique la justice envers les hommes vise le respect des droits, la promotion de l’équité et du bien commun et la solidarité est une vertu « éminemment chrétienne qui pratique le partage des biens spirituels plus encore que matériels » .
Ce triptyque caractéristique, charité, solidarité, justice, va jouer sur l’identité, liée à des situations dans lesquelles les Caritas particulières viennent dans un esprit de service, incarner, « glocaliser » - mot né des travaux de la Banque mondiale insistant sur le lien entre le mondial et le local - , la mission de l’Eglise universelle dans un lieu, un pays, un diocèse, une paroisse, une communauté locale, dans une histoire pour, comme le disait le pape Jean-Paul II, à Vienne, en 1998, « combler progressivement, à propos de la lutte contre la pauvreté, l’écart inhumain des niveaux de vie (…)». Il s’inscrit ainsi dans la ligne de Gaudium et Spes, "Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité (n° 20) » ou dans celle du Synode des Evêques de 1971 : « L’amour chrétien du prochain et la justice ne peuvent être séparés ; car l’amour implique une demande absolue de justice, c’est à dire la reconnaissance de la dignité et des droits du prochain. La justice ne s’accomplit pleinement que dans l’amour ».

Caritas Espagne, par son colloque de Valence en 1996, a contribué à la réflexion sur l’identité de Caritas. Le Père Antonio Bravo - aujourd’hui assistant ecclésiastique de Caritas Espagne - y proposait, dans son intervention « La cause des pauvres, défi pour une Eglise évangélisatrice », sept voix pour l’action : cultiver une spiritualité de la proximité avec les pauvres, acquérir une intelligence croyante des pauvres, développer des relations fraternelles avec les pauvres, aimer gratuitement, agir efficacement et avec fécondité, animer l’Eglise tout entière par l’option préférentielle pour les pauvres, oser la proposition de l’Evangile. La cinquième voix - agir efficacement et avec fécondité - mérite quelques commentaires car le lien s’y fait entre la charité et le droit. L’Eglise n’est pas là pour prendre les responsabilités de la société et des pauvres. Comme le Bon Samaritain, sa réponse à l’appel du pauvre la créé « prochain » et elle appelle d’autres à son aide. Avec les exclus et les sans voix, elle veut être à la table des négociations, malgré les ambiguïtés de toute réalisation humaine. Face aux injustices, aux violences, elle lutte pour une législation qui défend les plus faibles et les sert en justice. Cette action se fonde sur une analyse lucide et critique qui ne constitue pas en elle-même une remise en cause du dialogue et de la collaboration, s’ils servent la cause des pauvres.
Ces sept voix montrent la variété de la palette disponible pour construire la dignité de la personne humaine : du regard à la relation, de l’aide à l’échange, du projet au témoignage et à la transformation sociale. Elles ouvrent aussi à la réflexion spirituelle et à l’évangélisation : « En effet, de même que sans souffle, le corps est mort, de même aussi, sans œuvres, la foi est morte » (Epître de St Jacques, 2, 26).
Jean-Baptiste, personne centrale de l’Evangile d’hier, reçoit un message du Christ : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres » (Matthieu 11, 4).

Et Caritas Internationalis définit ainsi sa vision : «Caritas pense que les faibles et les opprimés ne sont pas des objets de la pitié, mais des sujets du changement, menant la lutte pour éradiquer la pauvreté déshumanisante, les conditions de vie et de travail inacceptables, et les systèmes sociaux, politiques, économiques et culturels injustes » .
Caritas vise ainsi la promotion intégrale de la personne. Ses programmes animés par l’esprit de partage et de justice témoignent de l’Evangile de la Charité.
Son plaidoyer se fonde sur l’expérience et le partenariat avec les victimes et les rejetés. Il incarne l’option préférentielle pour les pauvres et l’enseignement social de l’Eglise. Il vise la justice économique et sociale, les droits de l’homme et la paix. Il a pour but le changement des analyses des responsables, le changement des politiques, lois et réglementations, le changement des procédures et des pratiques.
Œuvrer pour la charité, c’est bien aller jusqu’à la transformation sociale par respect et désir de promotion de toutes les personnes et de toute la personne , en agissant pour les droits de l’homme et la justice économique. Comme le déclarait le Cardinal Roger Etchegaray, lors du Congrès mondial sur la pastorale des droits humains (Rome, juillet 1998) : « Se battre pour les droits de l’homme, c’est souvent se cogner à l’épaisseur du péché (…) Le combat pour les droits de l’homme est comme une guerre d’usure ».

Le Cardinal Oscar Andres Rodriguez, archevêque de Tegucigalpa au Honduras, intervenant devant l’Assemblée générale de Caritas Internationalis, en juillet 2003, liait charité et solidarité. Cette expression détonante exprime la condition « solide » de l’humain. La règle d’or de la charité c’est le développement de la solidarité : « ce que tu voudrais que l’on fasse pour toi, fais-le aussi pour les autres ».
Le chapitre 25 de Mathieu et son Jugement dernier montrent alors la rencontre avec l’affamé, l’assoiffé, le nu, le malade, l’étranger, le prisonnier, hommes et femmes souffrants et victimes. Le Roi déclare : «(…) dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Le Roi valide ces rencontres de fraternité, dans ce qui est aujourd’hui un appel à la mondialisation de la fraternité entre les personnes et les peuples
Et le Cardinal commente l’encyclique Sollicitudo Rei Socialis : le Saint Père dit que la solidarité est une ‘‘ nouvelle’’ vertu, très proche de la ‘‘vertu de charité’’ ayant sa base humaine propre, qui est l’interdépendance entre les individus, les groupes et les nations ; elle a son éthique particulière réalisant et transformant l’interdépendance en solidarité, évitant de ce fait les « structures de péché » nées avec le mauvais usage de l’interdépendance .
Et de façon très concrète par rapport à la collaboration avec les sociétés et les organisations internationales, il analyse la solidarité d’une part comme une pédagogie qui aide à voir l’autre – personne, peuple ou nation – comme un semblable à inviter au banquet de la vie, et d’autre part comme un chemin de l’identité chrétienne dans l’engagement social, car la pratique de la solidarité peut être comprise comme la réalisation du plan de Dieu, tant au plan national qu’international.
Populorum Progressio clarifiait déjà deux points d’insistance, l’obligation des pays riches d’aider les plus pauvres, la nécessité de construire un ordre international fondé sur la justice.

Pour y participer l’Eglise, comme le Samaritain, va chercher des alliances, des partenariats avec la société, la société civile et les forces sociales, avec les autorités publiques, les Etats et les organisations internationales.

L’encyclique Pacem in Terris - sous-titrée « Sur la paix entre toutes les nations, fondée sur la vérité, la justice, la charité, la liberté » - reconnaît le rôle des organisations internationales des Nations unies et du système financier mondial : « Comme chacun sait, le 6 juin 1945, a été fondée l’organisation des Nations, ONU, à laquelle sont venus se rattacher, par la suite des organismes intergouvernementaux. A ces organisations ont été confiées de vastes attributions de portée internationale, sur le plan économique et social, culturel, éducatif et sanitaire »(n° 142).
Et le Pape Benoît XVI dans son Message pour la journée mondiale de la paix du premier janvier 2006 écrit : « Ma pensée reconnaissante va aux Organisations internationales et à toutes les personnes qui, par un effort permanent, travaillent à l’application du droit humanitaire international » (n° 8). Et au paragraphe 15 : « L’Organisation des Nations Unies doit devenir un instrument toujours plus efficace pour promouvoir dans le monde les valeurs de justice, de solidarité et de paix ».

Dans son exhortation apostolique Ecclesia in America , le pape Jean-Paul II appelait spécifiquement à la coopération avec les institutions financières internationales : « J'exprime à nouveau le souhait, repris par le Synode, que le Conseil pontifical ‘‘Justice et Paix’’, avec d'autres organismes compétents comme la Section pour les Relations avec les États de la Secrétairerie d'État, « cherche, par l'étude et le dialogue avec des représentants du Premier Monde et avec des responsables de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, des voies de solution au problème de la dette extérieure ainsi que des normes qui empêchent que de telles situations se reproduisent à l'occasion de futurs emprunts ». Au niveau le plus large possible, il serait opportun que « des experts en économie et en questions monétaires, de renommée internationale, procèdent à une analyse critique de l'ordre économique mondial, dans ses aspects positifs et négatifs, pour corriger l'ordre actuel et proposer un système et des mécanismes en mesure d'assurer le développement intégral et solidaire des personnes et des peuples » (n° 59).


La coopération entre les acteurs

L’exemple de la République démocratique du Congo met en évidence les interventions de multiples acteurs dans un pays en crise profonde. Depuis l’indépendance de 1960 et les trente ans d’un régime autoritaire, ce pays est marqué par des effondrements économiques, un appauvrissement de la population, la détérioration des infrastructures. La grave dégradation de la situation du début des années 90 s’est poursuivie par des menaces territoriales, les voisins voulant jeter leur dévolu sur certaines zones. Et depuis 1998 quatre millions de personnes sont mortes du fait des guerres et de leurs effets humanitaires. Un processus démocratique et électoral s’est engagé avec le soutien et sous la pression des Nations Unies et du Conseil de sécurité avec des pays d’Afrique et de l’Union européenne qui, par exemple, lors du Sommet Europe – Afrique de décembre 2005 à Bamako, déclare : « Les Ministres ont noté avec une grande satisfaction le processus d’inscription sur les listes électorales et l’organisation du référendum et des élections ».
En 1999, une Mission des Nations Unies a été créée qui est aujourd’hui responsable de la logistique du processus électoral. La grande majorité des électeurs n’avait jamais voté avant le référendum constitutionnel du 18 décembre 2005. Il a donc fallu créer des bureaux d’enregistrement et que les citoyens s’inscrivent sur les listes, ce qui a pris 7 mois au milieu de difficultés pratiques immenses. 25 millions ont été enregistrés sur les 30 estimés. Malgré une forte abstention dans certaines zones le vote a eu lieu et la constitution a été approuvée.
La préparation des élections présidentielles, législatives et locales est engagée. Elles se tiendront de toute façon avant juin 2006. Plusieurs controverses menacent cependant : l’acceptation des résultats futurs, la gouvernance et la corruption, la réunification des forces armées, la sécurité à l’Est.

Le pays a donc bénéficié de soutiens extérieurs importants ces dernières années, entre autre pour le rétablissement de la paix et l’évolution vers la démocratie.
De nombreux Etats ont participé au financement de la Mission des Nations Unies et l’Union européenne intervient dans tous les domaines politiques, économiques et sociaux.
La Banque mondiale poursuit ses efforts. Fortement engagée dans la démilitarisation, son aide – à son échelle – reste encore relativement modeste, attendant la conclusion du processus électoral pour prendre plus d’ampleur. Mais elle se poursuit après les aides d’infrastructures comme la route de Matadi à Kinshasa. Elle a par exemple décidé de nouveaux supports en décembre 2005 : 90 millions de dollars d’appui budgétaire, 125 millions pour l’agriculture, la sécurité alimentaire, la santé, l’eau et l’énergie. En septembre 2005, le groupe de la Banque mondiale avait accordé une subvention de 150 millions de dollars pour la lutte contre la malaria. A ce jour la Banque mondiale est engagée dans 8 projets s’élevant à un milliard trois cent millions de dollars. Après les élections beaucoup restera à faire pour la réhabilitation des voies de communication, des hôpitaux, des écoles, des centres de formation, pour permettre aux populations d’accéder à un minimum de droits sociaux.
Le réseau Caritas, lui, soutient les activités de l’Eglise au Congo : Caritas pour l’urgence, la sécurité alimentaire, le développement, la santé, le Sida, les jeunes, la démobilisation des enfants soldats et l’éducation voire la campagne de plaidoyer contre le viol comme arme de guerre, mais aussi d’autres entités comme ‘‘Justice et Paix’’.
L’Eglise est en effet très engagée dans les domaines sociaux, mais aussi dans celui du processus politique avec le soutien de nombreux partenaires étrangers de Caritas ou Cidse, comme par exemple Misereor en Allemagne, CCFD en France, Cordaid aux Pays Bas , Cafod en Angleterre et au Pays de Galles, CRS aux Etats Unis, Trocaire en Irlande, Développement et Paix au Canada, Caritas Allemagne, Caritas Belgique, Secours catholique / France.
En lien étroit avec les autres organisations de la société civile, les autres Eglises et confessions religieuses, l’Eglise catholique a participé au dialogue inter congolais et est très engagée dans le processus de transition. Un prêtre est président de la Commission électorale.

La conférence épiscopale s’est régulièrement exprimée pour appuyer le processus électoral et rappeler à tous leurs devoirs pour construire un Etat de droit et bâtir une paix durable en République démocratique du Congo et dans la région. Sa Déclaration du 5 février 2005, « Le Congo nous appartient », commence par une analyse de la situation se concluant par « …le pays est en danger. Dès lors, aucune attitude d’irresponsabilité et de démission n’est tolérable ! ». Puis, catégorie par catégorie elle prodigue des orientations : « Au Parlement (qui doit) élaborer, dans les délais requis, une Constitution nationale qui soit spécifiquement congolaise (…) ; (au) Gouvernement (qui doit) hâter l’unification et l’intégration effective de l’armée (et) manifester par des actes concrets (sa) volonté politique d’aller aux élections (…) ; (au) peuple (qui doit) se former davantage aux valeurs républicaines et démocratiques ; (aux) agents pastoraux (qui sont confirmés dans) la poursuite de l’éducation civique et électorale pour accompagner le peuple jusqu’aux élections ».
La Conférence épiscopale et Justice et paix ont animé de multiples formations à la démocratie, à l’accompagnement du processus d’inscription sur les listes électorales et à la vulgarisation de la constitution, partout, jusqu’à la plus reculée des paroisses. Et les communautés engagées par exemple dans des projets agricoles ou de santé ont aussi été concernées. Début 2006 un nouveau programme est en cours pour préparer les élections et former des observateurs électoraux.
L’action de l’Eglise est unanimement reconnue comme efficace, et respectueuse de la démocratie car, comme elle le dit elle-même dans le matériel de formation réalisé, « L’Eglise marche avec le peuple et n’a pas de candidat aux élections ».
En République démocratique du Congo les acteurs locaux publics et privés, religieux et laïcs coopèrent donc avec la communauté internationale et ses institutions les plus diverses. Mais l’avenir reste obéré par les affrontements armés du Sud Kivu, de l’Ituri et du Katanga.

L’analyse de cette coopération fait ressortir quelques questions de principe.

Le principe même de la collaboration s’impose d’abord pour l’intégration des compétences et des moyens. L’Eglise avec son réseau de paroisses peut disséminer de la formation démocratique mais il faut la soutenir financièrement pour le matériel pédagogique ou la rémunération et les déplacements des formateurs.
Dans le domaine du plaidoyer il en est de même. Elle a appelé Caritas Internationalis qui a engagé une campagne internationale sur la réussite de la transition et la fin de l’insécurité.

Collaborer, c’est-à-dire travailler ensemble sur des sujets communs est sans doute l’un des moyens pour exercer une influence sur les concepts et pratiques des Institutions financières internationales. Caritas part du principe qu’il faut contribuer à évangéliser les relations dans le respect des rôles des uns et des autres, l’Etat et les organisations internationales chargés de la politique, de la justice et du bien commun, l’Eglise engagée dans l’animation et la promotion de l’amour et de la charité.
Cette collaboration tant avec les institutions internationales les plus diverses qu’avec les Gouvernements et leurs administrations est un challenge. Le risque d’être manipulé existe toujours pour Caritas et les ONG de la société civile.
Mais Caritas est-elle une ONG ? La situation peut varier selon les pays, Caritas, toujours organisation de l’Eglise, étant organisée et régie par les lois nationales dans de nombreux cas, par le droit canonique en tant qu’organe direct d’une conférence épiscopale dans d’autres cas. Mais là l’Eglise suit bien les lois du pays.
Au risque de manipulation répond la cohérence avec l’identité et la vision holistique de Caritas dont l’action, quel que soit son statut juridique fixé par l’Eglise locale, vise le développement de toute la personne, dans ses dimensions économiques, politiques, culturelles et spirituelles. Si Caritas est une ONG, c’est une ONG particulière dont les agents, salariés et bénévoles, doivent être compétents professionnellement et animés par la relation avec le prochain, frère en Dieu ; et si elle n’est pas une ONG, elle en a beaucoup d’aspects.
Et la négociation est toujours là pour contracter en toute liberté, ce qui est par exemple le cas concret dans les relations avec ONUSIDA: le document d’orientation entre cette agence des Nations unies et Caritas tient compte de son identité.
Une réunion sur le Sida se tient à Genève cette semaine, organisée par Caritas Internationalis et l’Organisation mondiale de la santé, OMS. Y participent d’une part des agences et organisations catholiques avec des représentants du Saint Siège et de conférences épiscopales et d’autre part des organisations internationales dont la Banque mondiale. Il s’agit de faire le point sur la situation et les actions, alors que l’apparition de médicaments risquerait de diminuer l’engagement en amont: soins et traitements, éducation et prévention, collaborations et financements.

Avec la Banque mondiale et les Institutions financières internationales,présentes efficacement au Congo, plusieurs sujets ont fait l’objet de travaux ces dernières années.

Les stratégies de réduction de la pauvreté
Les ONG réunies au sein de la grande campagne Jubilé 2000 ont collectivement proposé, face à l’échec de l’ajustement structurel, de faire de la lutte contre la pauvreté la priorité des actions de développement. Il en a été de même d’institutions internationales, au cours des années 1990, telles l’OCDE (avec les objectifs internationaux de développement ensuite repris par la communauté internationale sous le vocable d’Objectifs de développement du Millénaire) ou encore la Banque mondiale qui en 1990 axait son rapport annuel sur le développement dans le monde sur la pauvreté. Les réseaux catholiques (Caritas Internationalis et CIDSE) participaient à ce mouvement de Jubilé 2000 et publiaient en 1998 un document intitulé « Faire passer la vie avant la dette » dans lequel ils demandaient notamment que l’annulation de la dette soit subordonnée à un investissement dans le développement humain .
L’un des résultats de la campagne Jubilé 2000 fut le G7 de Cologne en juin 1999 où il fut décidé de centrer le développement sur la lutte contre la pauvreté et d’en confier la mise en œuvre aux Institutions financières internationales. C’est ainsi que sont nées les stratégies de réduction de la pauvreté (SRP), fruit d’une revendication de la société civile à laquelle il était proposé de participer.
Le réseau des Caritas a donc décidé de saisir l’opportunité qui lui était offerte pour s’investir dans le processus des SRP, ce qu’il fait en travaillant avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international et leur transmettant ses réflexions et constats, au travers de rencontres, d’organisations de séminaires et également de documents .
Dans le cadre de la formation des membres des Caritas des pays sous Cadre stratégique de réduction de la pauvreté (CSRP), des collaborations ponctuelles peuvent s’établir tant avec des missions résidentes des Institutions financières internationales aussi bien qu’avec des services de coopération d’ambassades.
Une réflexion s’ébauche actuellement avec l’Institut de formation de la Banque mondiale (World Bank Institute) pour dégager des voies de possible collaboration sur les questions de formation des partenaires.

La réforme des Institutions financières internationales (IFI)
C’est une autre interpellation que mènent les organisations catholiques. Cette question est abordée dans le cadre de la gouvernance mondiale , mais un accent particulier a notamment été porté sur les IFI avec une série de propositions relatives à une restructuration des conseils d’administration avec une répartition des sièges permettant une meilleure représentation des pays en développement, à la promotion d’une pluralité d’approches pour un développement équitable face au traditionnel « Consensus de Washington » dont le président de la Banque mondiale d’alors, James Wolfensohn, a déclaré lors d’une rencontre avec des organisations de la société civile à Paris, le 14 mai 2003, qu’il « était heureusement mort » et à la nécessité de s’assurer que le rôle des IFI dans le système d’institutions mondial respecte la primauté de la législation internationale sur les droits de l’homme et le développement économique et social. Les réseaux catholiques estiment en effet que la réforme des IFI doit se fonder sur un certain nombre de principes tels que solidarité, subsidiarité et priorité accordée aux pauvres.
La Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide est plus sociale dans la perspective des Objectifs de développement du Millénaire. Fortement influencée par la Banque mondiale, elle vise l’augmentation du volume et l’amélioration de la qualité de l’aide. Elle insiste sur l’amélioration des processus et liste une douzaine d’indicateurs pour 2010 comme l’existence de stratégies de développement chez les Etats bénéficiaires et de systèmes de gestion chez les Etats bénéficiaires et donateurs.

Le suivi du problème de la dette et le financement du développement
La question de la dette continue à dominer une grande partie des relations avec les IFI, car elle a de fait constitué un déclencheur essentiel tant pour le développement de la pratique de plaidoyer et d’influence au sein des réseaux catholiques que pour la relation concrète avec lesdites institutions. En ce domaine aussi un certain nombre de documents permettent de retracer les relations .

Ces dernières années les réseaux d’Eglise ont mis principalement l’accent sur les thèmes suivants : la participation des plus pauvres, la lutte contre la pauvreté et son lien avec l’annulation de la dette au profit du développement humain ; l’ intégration des composantes du développement dans une démarche que l’on appellera aujourd’hui développement durable ; dans les Stratégies de réduction de la pauvreté, l’idée du développement polycentré donc adapté à chaque pays, pris en charge par chaque pays dans des plans soutenus par les bailleurs de fonds ; la taxation internationale et sa redistribution. Et s’il ne fallait retenir qu’une démarche, celle du travail ensemble, avec d’autres.
Un certain nombre de positions des réseaux catholiques sont souvent bien acceptées et comprises de responsables des IFI ; certaines également sont reprises ou appuyées par d’autres réseaux d’ONG ce qui leur confère une force plus importante. Et le soutien du Pape Jean-Paul II en particulier au sujet de la dette a pesé d’un poids considérable sur les évolutions internationales.

La question du financement des activités de la société civile qui est si présente dans le cas congolais se pose sous des aspects multiples.
En matière de développement une récente étude de CIDSE met en évidence « d’une part une politique de développement de plus en plus intégrée et subordonnée à des préoccupations sécuritaires, à une logique militaire et à des stratégies politiques et militaires à court terme et d’autre part le fait que les forces militaires occupent une place plus importante dans le maintien de la paix, l’aide humanitaire et les activités de développement » .

En matière de flux financiers, les organisations de la société civile sont dans des situations forts différentes.
En matière d’aide internationale, elles ne perçoivent qu’une fraction de l’aide publique au développement . Leurs fonds propres, privés, sont en forte augmentation, passant de 7 milliards de dollars en 2000 à 11 milliards en 2004, à comparer à leur part dans l’aide publique, 5 milliards en 2004. Et il faut reconnaître l’insuffisance de la réponse face à l’extrême pauvreté dans de si nombreux pays. En matière d’aide sociale, médicale etc. dans les pays riches ou intermédiaires, les situations sont trop différentes pour pouvoir tenir une analyse généralisée. Dans certains cas l’Etat, les Régions et les autorités ou services publics ou paritaires assurent la quasi-totalité de la tâche ; dans d’autres cas elle est confiée soit au secteur privé marchand qui se finance par ses clients et les systèmes de protection sociale soit ou au secteur non lucratif plus social financé par les mécanismes publics et privés de protection sociale, subventions directes ou prestations de services. De multiples systèmes et mécanismes coexistent de par le monde. Et pour compliquer encore l’analyse, certains pays vont financer leur protection sociale majoritairement par l’impôt, d’autres majoritairement par les cotisations sociales liées à l’activité professionnelle.

Dans les deux situations, aide sociale et médicale, aide internationale, l’une des grandes forces des organisations catholiques est, de par la structure même de leurs réseaux – particulièrement capillaires – de toucher énormément de monde, surtout parmi les plus pauvres, de pouvoir ainsi aborder de près la pauvreté, d’être généralement apte à l’analyser et donc de dresser des constats aisément vérifiables, et apporter ainsi une vision différente des visions macroéconomiques ; leur force est de faire comprendre le lien entre le micro et le macroéconomique.
Les acteurs publics, Etats et Gouvernements nationaux et régionaux, organisations internationales les plus diverses non seulement soutiennent les actions de ONG et des services médico-sociaux privés non lucratifs et même ne peuvent pas s’en passer dans leur gestion de l’intérêt général et du bien commun. Ainsi au Pakistan l’Eglise est-elle en train de récupérer des écoles jadis nationalisées.
La tendance légitime des financeurs à plus d’exigence en matière de gestion, même si elle peut conduire à quelques excès bureaucratiques, est un facteur utile d’amélioration de la gouvernance des organisations privées. Celles-ci d’ailleurs font de même quand, de plus en plus, qu’elles soient du « Sud » ou du « Nord », elles s’imposent heureusement et imposent à leurs partenaires des normes de sérieux dans la gestion et l’organisation, grâce auxquelles tout le monde est gagnant à terme, grâce auxquelles les actions et programmes sont efficaces, dans toutes leurs dimensions.

L’action de plaidoyer n’est généralement pas entravée par la dépendance financière à l’égard des pouvoirs publics. Ceux-ci apprécient les analyses et apports intellectuels de partenaires expérimentés et porteurs de constats et de propositions articulés à leurs actions au plus près des réalités de vie des personnes.
Le réseau Caritas est aujourd’hui engagé dans plusieurs actions de plaidoyer : « Caritas combat la pauvreté, l’exclusion, l’intolérance et la discrimination. Plus important encore, elle habilite les gens à participer pleinement à toutes les questions qui touchent leur vie et elle plaide en leur faveur et avec eux dans les forums nationaux et internationaux » . Lorsque les faibles, les marginalisés et les exclus de la vie en société plaident eux-mêmes pour la défense de leurs droits, ils progressent sur le chemin de la restauration de leur dignité. Sortant de l’écrasement, ils deviennent des acteurs associés à la création.
En matière de commerce la déception est forte suite à la réunion de l’organisation mondiale du Commerce à Hong Kong fin 2005. Caritas Internationalis et CIDSE demandaient que les pays du Nord réforment leurs régimes de subventions agricoles pour mettre fin au dumping de leurs produits sur les marchés mondiaux et le rééquilibre de l’accord sur l’agriculture permettant aux pays en développement de protéger leurs frontières. Le principal problème en ce qui concerne par exemple le dossier du coton est que la déclaration finale de Hong Kong ne fixe pas d’échéance précise pour la réduction du soutien aux producteurs des pays riches qui fausse les échanges commerciaux. Or il est infiniment plus important que les subventions à l’exportation. L’association des producteurs de coton africains a déclaré : « Nous ne souscrivons pas au consensus atteint et nous continuerons de demander l’élimination du soutien interne dans les pays développés ».
Dans le domaine de la paix, en Colombie, où trois millions de déplacés sont les victimes directes du conflit, de la crise humanitaire, des violations des droits de l’homme, Caritas Internationalis soutient à la position de la Conférence Episcopale qui assure que la paix est possible, que cette paix ne peut être obtenue que par des négociations, et que cette paix ne peut être soutenue qu’au travers de la justice sociale.
Au Darfour, Soudan, l’action avec des partenaires protestants permet de prendre soin de près de 500 000 personnes déplacées par les razzias. C’est à noter alors que débute aujourd’hui la semaine pour l’unité des chrétiens.
Et la Confédération reste fermement solidaire du peuple palestinien et partage dans la durée la vision de Mgr Michel Sabbah, patriarche latin de Jérusalem qui écrit dans son Message de Noël 2005 : « A nos chefs politiques qui décident par leur politique de la vie et de la mort de plusieurs dans cette Terre sainte, nous disons : « Soyez des constructeurs de la vie, non de la mort. (…) Il est temps de changer de voies et de prendre les bonnes décisions pour arriver une fois pour toutes à la paix et à la justice. (…) Lorsque les injustices cesseront, la violence cessera et la sécurité régnera».

Face aux enjeux, l’action individuelle d’une organisation seule n’est pas suffisante: l’exemple de l’action dans la République démocratique du Congo est probant.
Comme le montrent les programmes de Caritas en matière de lutte contre la traite des personnes quand elle veut « plaider pour des politiques sur la migration et des politiques économiques réduisant la vulnérabilité des personnes face à la traite » . Un réseau œcuménique associe de nombreux partenaires.
Comme le montre également l’action suite au tsunami de décembre 2004 lors qu’il faut plaider pour l’accès à la terre afin de reconstruire des maisons ou pour poursuivre des programmes « Paix et réconciliation » en zones de conflits. Au Sri Lanka, la cérémonie du premier anniversaire associait des représentants de toutes les religions.

Et que faire par exemple face à la montée généralisée de la prise de conscience du nécessaire développement humain durable ? Le caractère non durable de notre mode de développement actuel et sa poursuite mettent gravement en jeu notre responsabilité envers les générations futures : épuisement et dégradation des ressources naturelles, inégalité dans les modes de consommation et déni de la vertu de tempérance. Nous sommes au cœur des structures de péché, notion si présente dans l’enseignement du pape Jean-Paul II.
« À la lumière de la doctrine sociale de l'Église, on évalue aussi plus clairement la gravité des « péchés sociaux qui crient vers le ciel, parce qu'ils engendrent la violence, brisent la paix et l'harmonie entre les communautés d'un même pays, entre les pays et entre les diverses régions du continent ». Parmi eux on doit rappeler « le commerce de la drogue, le recyclage des bénéfices illicites, la corruption dans quelque domaine que ce soit, la violence terroriste, la course aux armements, la discrimination raciale, les inégalités entre les groupes sociaux, la destruction irraisonnée de la nature » .
Le développement humain durable appelle la mobilisation la plus large comme l’ont fait les Objectifs de développement du Millénaire, cette charte économique et sociale mondiale liant tous les pays, tous les acteurs internationaux publics et privés. Ils constituent une mission commune construite autour de l’éradication de la pauvreté, de l’éducation, de la santé, de l’environnement, de l’égalité des femmes et des hommes, du partenariat global pour le développement.

Face à ces enjeux économiques, face à ces tensions qui menacent la sécurité, dans la ligne d’un développement « nouveau nom de la paix », le pape Benoît XVI vient dans ses vœux au Corps diplomatique début janvier 2006 d’appeler la communauté internationale à la raison suite à Paul VI et à Jean-Paul II : « La paix (…) n’est pas seulement le silence des armes ; (…) on ne peut parler de paix là où l’homme n’a même pas l’indispensable pour vivre dans la dignité. Je pense ici aux foules innombrables de gens qui souffrent de la faim. (…) Ces être humains ne sont-ils pas nos frères et nos sœurs ? (…) Sur la base des données statistiques, on peut affirmer que moins de la moitié des immenses sommes globalement destinées aux armements serait plus que suffisante pour que l’immense armée des pauvres soit tirée de l’indigence, et cela de manière stable. La conscience humaine en est interpellée».
Le défi concerne les Etats d’abord qui sont les responsables premiers des politiques internationales et des budgets, ensuite l’ensemble de la communauté des acteurs politiques, économiques et sociaux, la Banque mondiale et les institutions financières et les organisations internationales dont celles des Nations Unies par exemple, comme les ONGs, les organisations de la société civile, les organisations religieuses, chacun selon son identité et sa nature, selon ses capacités, ses compétences et ses moyens.

Un quart de la population mondiale vit dans l’extrême pauvreté. L’action et l’engagement ensemble s’imposent.
Le philosophe Emmanuel Levinas, en empruntant constamment à Dostoïevski la phrase d’ Alioucha dans « Les frères Karamazov », conçoit les droits de l’homme comme ceux de l’autre homme, du frère: « Nous sommes tous responsables de tout et de tous devant tous, et moi plus que tous les autres ».

« Caritas Christi urget nos » (2 Cor 5, 14), selon l’apôtre saint Paul. Cet appel à la responsabilité unit et interpelle toute l’humanité à animer par la « Charité ».


Denis Viénot Caritas Internationalis 23 janvier 2006


(1) Globalisation and its Discontents, Joseph Stiglitz, W.W. Norton, 2002.
(2) Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in America, Mexico, 22 janvier 1999.
(3) ibid.
(4) Jean-Paul II, Lettre aux Evêques de France, 11 février 2005
(5) www.oecd.org
(6) Prof. Dr.Heinrich Pompey, Université de Freiburg, Allemagne, « Biblical and theological foundations of charitable works », World Congress on Charity, Cor Unum, Rome 12-15 mai 1999.
(7) Lettre pastorale de l’évêque de Metz / France – Mgr Pierre Raffin ,o.p.- à l’occasion du 100ème anniversaire de la Fédération Caritas, 20 septembre 2005.
(8) 2005.
(9) Jean-Paul II, Centesimus annus n° 57, 1991.
(10) Vatican Information Service, 18 janvier 2006
(11) Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n° 53, 2005
(12) n° 1807.
(13) n° 1947.
(14) www.caritas.org
(15) D’après Paul VI, Populorum Progressio, 1967.
(16) 25, 40.
(17) Intégrer la dimension éthique au fonctionnement de Caritas : ainsi Caritas Italiana conduit une réflexion sur des critères tels que les droits de l’homme (vie, santé, liberté etc.), la dignité humaine, le respect des règles concernant la production et la vente d’armes, la protection de l’environnement à respecter dans le cadre de ses relations avec des fournisseurs, banques, sociétés d’assurances, autorités publiques et entités privées etc. Cela rejoint par exemple la réflexion de Caritas Internationalis au sujet des relations avec les militaires en situation de réponse d’urgence.
(18) Jean XXIII, 11 avril 1963, Jeudi Saint.
(19) ibid.
(20) « Faire passer la vie avant la dette », Caritas Internationalis - CIDSE, 1998, p. 17-18
(21) « De la dette à l’éradication de la pauvreté : le rôle des stratégies de réduction de la pauvreté » Caritas Internationalis - CIDSE, mars 2001 ; « CSRP : Banque mondiale et FMI tiennent-ils leurs promesses ? », avril - décembre 2004 ; « Le théâtre des CSRP – l’élaboration en coulisses de la politique et l’avenir du processus des CSRP », décembre 2004 ; « Contribution à la revue des SRP », avril 2005 ; « Agir autrement pour réduire la pauvreté à la 6ème conférence interministérielle de l’OMC à Hong Kong », juin 2005.
(22) cf. : « Agir pour une gouvernance mondiale de progrès », Caritas Internationalis - CIDSE, janvier 2004.
(23) « Une réforme trop longtemps attendue - Fonds monétaire international, Banque mondiale et gouvernance économique mondiale 60 ans plus tard », Caritas Internationalis - CIDSE, avril 2005 ; « The other side of the coin … - An alternative perspective on the role of the International Monetary Fund in low-income countries », Trocaire, septembre 2004..
(24) Le "consensus de Washington" de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international dresse la liste des réformes auxquelles sont appelés les pays en développement qui veulent emprunter auprès d'eux. Depuis toujours s'y trouvent la libéralisation du commerce et la discipline fiscale. Depuis les années 90 seulement y figurent des normes et codes financiers, des mesures anti-corruption et la lutte contre la pauvreté.
(25) 28 février – 2 mars 2005
(26) « Financer le développement par la redistribution », Caritas Internationalis - CIDSE, septembre 2001 ; « Soutenabilité et justice -une renégociation globale de la dette des pays pauvres assortie d’un processus d’arbitrage international », septembre 2004 ; « Au-delà des chiffres, veiller à ce que les OMD combattent l’injustice structurelle », avril 2005.
(27) Etude de la Cidse à propos de la sécurité et du développement, Bruxelles, janvier 2006
(28) cf. supra.
(29) www.caritas.org
(30) Agir autrement pour réduire la pauvreté à la 6ème Conférence ministérielle de l’OMC à Hong Kong, juin 2005.
(31) « Créés à l’image de Dieu, traités comme des esclaves… », Caritas Internationalis, novembre 2005
(32) www.coarnet.org
(33) cf. Notre mode de vie est-il durable ? , Justice et Paix - France, Karthala, Paris, 2005 et La Lettre de Justice et paix n°123, décembre 2005, www.justice-paix.cef.fr
(34) Ecclesia in America n°56.