Protéger les demandeurs d’asile


Plus que jamais les étrangers et personnes issues de l'immigration sont regardés de travers. Du moins certains, après les attentats à Londres et en Egypte, par exemple. D’un autre coté les statisticiens des Nations Unies et de l’Union européenne se rejoignent : sans immigration l’Europe perdrait de sa population d ici à 2030.

Le nouveau Haut Commissaire aux réfugiés, Antonio Guterres, ancien premier Ministre du Portugal, réunissait il y a quelques jours les ONGs et insistait à juste titre sur le rôle important de protection du Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (HCR) envers les réfugiés et autres personnes ayant besoin d'une protection internationale. « L’hystérie collective » actuelle à propos de la sécurité et du terrorisme, entretenue par une confusion de vocabulaire - migrants, demandeurs d’asile, réfugies - vient nourrir des dérives populistes. Tant le HCR que les sociétés civiles doivent s’opposer à ces confusions attentatoires aux besoins et aux droits des personnes. Au delà de ces préoccupations Caritas partage avec le HCR la critique des centres de transit pour demandeurs d’asile que l'Union européenne veut installer en Afrique du Nord. Ces centres constitueraient une menace sur l'accès à la procédure d'asile au sein de l'Union. Il convient de protéger les demandeurs d’asile et de les accueillir au nom du respect absolu de leurs droits internationalement scellés.

Le Haut Commissaire aux réfugiés soulignait également dans un courrier aux ONGs rédigé à la fin juin que « le partenariat entre les HCR et les ONGs (...) ne cesse de se resserrer (...) Cette évolution prend tout son sens du fait (des) préoccupations et (des) efforts d’assistance en faveur des réfugies et autres populations vulnérables, y compris les personnes déplacées à l’intérieur du territoire, (qui) sont de plus liés aux efforts de développement. »

C'est d'ailleurs sur cette problématique précise du lien entre migration et développement qu'a porté le récent Forum Migration de Caritas rassemblant des participants de 33 pays dont l’ Inde, le Népal, le Bangladesh, le Salvador, le Liban, le Maroc. La contribution des migrants au développement de leurs pays d origine a été soulignée. Il convient par ailleurs de promouvoir dans les pays d’accueil et les pays d’origine des mesures axées sur le développement social des personnes.

L’Afghanistan est un exemple de ce double bénéfice. Plus de trois millions d’Afghans sont retournés dans leur pays. Trois autres millions résident au Pakistan et en Iran, principalement ; leur présence n’y est plus liée à des raisons de protection, ne s’explique plus en termes de droit d’asile. Des facteurs économiques et d’intégration aux sociétés locales les poussent à rester hors de leur pays d’origine. Mais leurs capacités productives bénéficient aux pays d’accueil et leurs transferts financiers vers leurs familles et leurs relations soutiennent l’économie afghane.

Par ailleurs l’immigration dans son ensemble contribue à pallier la dénatalité des sociétés européennes et leur incapacité à croître dans certains secteurs sans l’apport d’ une main d œuvre « importée ».

D ici à 2030 l’ immigration concernera 25 millions d’étrangers venant en Europe ; et en France - moins mauvaise que d’ autres en matière de démographie et de politiques familiales - 1,6 million, ce qui est en fait peu, un immigré pour mille résidents.

La Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen va étudier un rapport bien frileux en matière de migrations économiques. A juste titre il relève que celles-ci ne pallieront pas en totalité les effets de la dénatalité et du vieillissement. Il relève aussi les dangers de l’exploitation d’une main d œuvre fragile. Faut-il pour cela en rester à une approche un peu contradictoire ? « L’élaboration d’une politique commune en matière d’asile (principe européen déjà décidé il y a longtemps) et d’immigration (...) est un objectif prioritaire » et un peu plus loin le rapport rappelle « la compétence exclusive des Etats en matière d’intégration. » Or, pour Caritas, une politique d'intégration constitue un élément indispensable de toute politique d'immigration. Si les compétences du HCR sont limitées à la protection des réfugiés et des personnes ayant besoin d'une protection internationale il est louable de constater que Kofi Annan, le Secrétaire Général des Nations unies, voit plus large. Dans ses propositions pour le Sommet de septembre 2005, soixantième anniversaire de l’ONU, il innove politiquement en promouvant une plus grande coopération entre les différentes agences des Nations Unies, dont le HCR, et en mettant sur la table la création d’un Conseil permanent des droits de l’homme et d’une Commission de consolidation de la paix, regroupant les efforts des différents acteurs.


Denis Viénot
Président de Caritas Internationalis