Au côté des populations indigènes de Colombie


L’extrême violence, l’extrême pauvreté et l’extrême inégalité frappent les populations indigènes de Colombie. « Nous sommes les otages de cette guerre. Les populations indigènes sont victimes d’un véritable ethnocide », déclarait en 2004 Abadion Green, Président de l’Organisation indigène d’Antioquia.

La constitution de 1991 leur accorde pourtant des droits spécifiques. Bénéficiant de la propriété collective de 30 millions d’hectares, 3,8% du territoire pour 3,7% de la population répartis en 80 groupes, leurs communautés autochtones gouvernent via des conseils régis par leurs us et coutumes : utilisation du sol, développement économique et social, préservation des ressources naturelles, collecte de l’impôt, maintien de l’ordre.

En fait ce bel édifice juridique ne fonctionne pas. Depuis plus de quarante ans deux guérillas d’extrême gauche d’abord, des milices paramilitaires ensuite, créées au départ pour défendre des intérêts économiques mais aujourd’hui en grande partie électrons libres ayant gagné un fort contrôle territorial, politique et économique, le gouvernement et son armée enfin, conduisent le conflit. Celui-ci génère, grâce aux financements monstrueux de la drogue et de la corruption, une pression mortelle sur les populations indigènes. Celles-ci dérangent ; tout le monde vise leurs territoires stratégiques et riches en ressources naturelles.

La convention de 1991 de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes a été ratifiée par une quinzaine de pays - surtout d’Amérique latine - dont la Colombie. Elle n’y a jamais été appliquée et le droit à une éducation adaptée aux traditions indigènes reste lettre morte. Un rapport à la Commission des droits de l’homme de l’ONU de 1997 relève dans ce pays une discrimination raciale quasi naturelle, inconsciente, omniprésente dans les médias. L’aggravation du conflit ne fait qu’accentuer la situation ces dernières années.


Une délégation de dix parlementaires européens conduite par Caritas Europa, a pu le constater sur place ; deux sénateurs français accompagnés par le Secours catholique y participaient. Cette délégation a rencontré par exemple des déplacés de la Sierra Nevada de Santa Marta, un massif montagneux culminant à 5700 mètres au-dessus de la mer des Caraïbes. Les chefs traditionnels décrivent les multiples conflits avec les groupes armés, les paramilitaires qui règnent dans la plaine et les guérillas en montagne, les déplacements forcés, la précarité de la vie dans les bidonvilles surchauffés des grandes villes côtières, l’électrification des villages de leurs territoires qui fait monter les prix de l’immobilier, les quarante assassinats de responsables, de leaders, de professeurs, de médecins ou d’infirmières depuis 1996.

Face à ces horreurs, les communautés indigènes s’engagent par une déclaration à préserver l’environnement dont elles se proclament responsables au nom de l’humanité tout entière.

Quatre voies devraient être explorées à l’avenir : la définition des territoires, le statut des terres, le respect de la constitution, la coordination des actions à conduire auprès du gouvernement.


Lors d’une autre rencontre, à Bogota celle là, avec des représentants du Conseil national indigène, des membres de la tribu des Emberra Katios de la région de Cordoba ont expliqué les ravages causés, dans leur région de larges fleuves nourriciers et de plaines équatoriales adossées au Pacifique, par la construction d’un barrage et d’une usine hydroélectrique bénéficiant de financements suédois, canadien et russe : prise de contrôle de la zone par les paramilitaires qui font le « nettoyage préalable» - selon le mot d’ Abadion Green -, inondation de 7500 hectares, attaques des guérillas, non-respect de ses engagements par le gouvernement qui a rompu fin 2004 le dialogue en matière de santé, d’éducation, de protection des personnes et des biens.


Otages du conflit armés, les indigènes sont explicitement visés par les efforts de la communauté internationale qui par deux fois déjà - à Londres en juillet 2003 et à Carthagène en février 2005 - engage le gouvernement colombien à aller de l’avant dans la mise en œuvre d’une vraie démocratie politique. Plus largement elle fait appel à tous les groupes armés pour une cessation des hostilités et le respect du droit international. La dernière réunion s’est accompagnée d’une déclaration de la société civile colombienne, dont des organisations de promotion des droits de l’homme : associer tous les efforts à la promotion de solutions pacifiques durables, respect des droits de l’homme, du pluralisme démocratique. L’insistance est forte sur la nécessaire poursuite de la présence des agences des Nations Unies ou de l’Union européenne pour la promotion de la paix, l’arrêt des hostilités et l’émergence de perspectives de développement pour les plus vulnérables, les indigènes, les afro colombiens, les trois millions déplacés de toutes origines, les pauvres marginalisés, les séquestrés. Une fois de plus se vérifie le fait que la lutte contre la pauvreté ne se gagne pas par les armes, que la violence ou le terrorisme poussent sur le terreau de la pauvreté, que la démocratie politique se fonde sur l’inclusion sociale et sur la démocratie sociale. Dans cette logique Caritas Internationalis engage une campagne de longue haleine pour une paix juste et durable, pour une solution négociée intégrant la dynamique de la vérité, de la justice, du droit des victimes à réparations, du pardon.