Un test pour le gouvernement congolais


Caritas Congo vient de publier un rapport dramatique intitulé « Le département du Pool en République du Congo : une population abandonnée » Ce rapport est l’aboutissement d’une enquête approfondie réalisée en juin et juillet 2004 auprès de 900 ménages répartis sur l’ensemble du département, étude unique qui révèle une situation peu connue, même à l’intérieur du pays, sur la détérioration des conditions de vie des habitants.

Le département du Pool entoure Brazzaville. Devraient y vivre environ 310.000 personnes, un dixième de la population du pays. Le Pool a toujours été une zone rurale, grenier du pays et de sa capitale. Soigné par l’administration coloniale, il a connu des taux d’alphabétisation et de scolarité parmi les plus élevés d’Afrique et a fourni nombre de dirigeants et de fonctionnaires à la nation.

C’est là son problème. Objets de jalousie et considérés comme une menace potentielle, les habitants du Pool sont de fait les victimes de la course au pouvoir et à la prédation dans ce pays riche en ressources naturelles. Les espoirs nés du processus démocratique engagé en 1991, comme dans beaucoup d’autres pays d’Afrique voisins, se sont vite effondrés dans la violence. Quatre guerres civiles congolaises se sont succédées de 1993 à 2003, les deux dernières, 1998-1999 et 2002-2003, ayant particulièrement touché le Pool. L’ensemble de la population a été déplacée pendant le dernier conflit et en moyenne un habitant sur cinq n’est pas revenu dans son lieu de résidence d’origine.

L’accord de paix du 17 mars 2003 entre le gouvernement et les miliciens « ninjas » n’a fait que geler une situation d’insécurité et de violence latente.

Depuis lors, le département s’est enfoncé dans la misère. L’Etat n’a voté aucun budget pour le Pool. La route nationale 1 qui relie le chef lieu du Pool, Kinkala, à Brazzaville est impraticable depuis des années : les 80 km se parcourent au mieux en 6h, et ne permettent plus d’acheminer la production agricole vers la capitale. De nombreux villages ont été rayés de la carte. Selon l’enquête, 46% des logements ont été détruits totalement ou partiellement. 92% des habitants n’ont pas accès à l’eau potable de proximité. L’administration ne fonctionne quasiment plus, les fonctionnaires résidant pour la plupart à Brazzaville. Les infrastructures scolaires et de santé sont dans un état déplorable, un tiers des centres de santé étant fermés ou détruits. Un livre pour 15 élèves en moyenne dans les écoles primaires. Les ex-rebelles côtoient les militaires, créant une insécurité permanente. La police et la justice ont déserté. Le désarmement des miliciens est resté très partiel et n’est manifestement plus à l’ordre du jour. Malgré la fermeture il y a quelques mois des camps de Brazzaville où ils s’étaient réfugiés, peu de déplacés sont rentrés chez eux.

La paix reste à construire. Le relèvement de la situation du Pool est aujourd’hui un véritable enjeu national. Il serait le test de la bonne foi du gouvernement congolais et de sa volonté politique de reconstruire une nation déchirée par la violence et les guerres. Laisser lentement pourrir le Pool ne peut que développer un abcès qui éclatera un jour ou l’autre et relancera une nouvelle guerre civile.

C’est pourquoi les évêques du Congo ont souhaité faire une déclaration à l’occasion de la sortie de ce rapport (disponible sur le site du Secours Catholique www.secours-catholique.asso.fr ). Appuyant ses recommandations, ils sont allés le remettre au Président de la République congolaise. Ils demandent que soit relancé le processus de paix, que soit désenclavée la région, que soient restaurés l’administration et les services publics et qu’en même temps un budget soit alloué.

Pour sa part, Caritas Congo a décidé de s’engager sur quatre pistes d’action prioritaires pour faciliter le retour des déplacés et relancer l’économie rurale : la réhabilitation de maisons ; l’organisation de foires agricoles ; la rénovation de pistes ; la fourniture de matériels de travail à des petits artisans.

Le Secours Catholique de son côté est intervenu auprès des autorités françaises et Caritas Europa auprès du nouveau Commissaire européen à l’aide humanitaire et au développement pour que d’une part ils appuient politiquement le processus de paix et de réconciliation et d’autre part ils soutiennent financièrement les nécessaires impulsions qui redonneront vie à cette région. Ce sera ainsi contribuer à la restauration de la confiance et de l’état de droit dans un pays d’une Afrique trop ignorée aujourd’hui.

Denis Viénot Président de Caritas Europa