CARITAS INTERNATIONALIS Denis Viénot, Président

Organisations internationales catholiques Assemblée générale, Jérusalem, novembre 2005 Intervention de Denis Viénot pour Caritas Internationalis : Engagement social et paix


L'engagement de Caritas Internationalis dans le domaine de la Paix et de la réconciliation de façon spécifique et organisé date de 1995. Bien sûr depuis toujours nos membres intégraient d'une façon ou d'une autre cette dimension dans leurs programmes.

J'ai toujours été marqué par l'exemple du fondateur du Secours catholique - il a été aussi plus tard Président de Caritas Internationalis- Mgr Jean Rodhain. Avant même de créer la Caritas française, il avait été Aumônier des prisonniers de guerre français en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. Dès la fin des hostilités il créa une Aumônerie des prisonniers allemands en France.


Donc en 1995, suite aux évènements du Rwanda et de la Bosnie, l'Assemblée Générale de Caritas Internationalis engage le travail Paix et réconciliation. Un groupe fonctionne depuis lors. Il a deux réalisations à son actif:
- la publication d'un manuel et d'un guide de formation

- une politique de formation dans toutes les régions du monde qui a permis de former sans doute plus de 4000 personnes,
+ Aux thèmes de la paix, de la tolérance, de la réconciliation
+ En mettant l'accent sur le dialogue et l'intégration de cette dimension dans les programmes d'urgence, de développement et de plaidoyer
+ En développant les idées de sensibilité aux conflits : comprendre les contextes, comprendre les interactions entre les contextes et les programmes d’action afin d’éviter les effets négatifs et de valoriser les effets positifs Et la demande est grande de poursuivre.

L'accent est mis sur la nécessité de préserver les populations, de soutenir les victimes réelles et potentielles, sur le refus de la guerre préventive, sur le respect des droits de l'homme, même dans la lutte contre le terrorisme, sur le dialogue.
Cette politique a conduit à un repositionnement de notre approche. Nous voulons appuyer nos activités sur cette dimension de paix et de réconciliation, c'est à dire de veiller systématiquement à tenter de rapprocher les personnes et les communautés.

La construction de la paix se fonde sur la justice et la réconciliation. La campagne de Caritas Internationalis sur la Colombie plaide ainsi pour une paix juste et négociée. La reconnaissance des droits des victimes est trop souvent oubliée car il ne suffit pas de s'appuyer sur la vérité, la justice et le pardon et d'ignorer les réparations que les victimes sont en droit d'attendre, réparations symboliques par la condamnation pénale par exemple, réparations matérielles éventuellement.

Mais ce processus de pacification vise aussi à transformer les structures injustes, à engager du changement pour plus de justice. Cela conduit aussi à des clarifications comme celles que nous avons apportés sur l'engagement des militaires dans le travail humanitaire. C'est une nouvelle mode, comme le manifeste actuellement l'engagement de l'OTAN au Pakistan. Quelques protestations légitimes de partis politiques musulmans ne suffisent à ébranler le climat de bonne conscience satisfaite qui entoure cette nouvelle entorse aux règles d'engagement des armées, ici règles internationales sur l'engagement de l'OTAN hors de sa zone; plus largement confusion entre mission militaire et mission humanitaire. Il ne s'agit pas de dire que la collaboration ne doit jamais exister, mais d'éviter des situations de mélange des genres politiquement et éthiquement dangereuses, sans parler de la sécurité des sinistrés, des victimes et des personnels, sans parler du coût financier prohibitif de l'intervention du militaire.

Des progrès se réalisent cependant. Ainsi la session décevante de l'Assemblée Générale des Nations Unies de septembre dernier a-t-elle décidé de renforcer les capacités de maintien de la paix et reconnu la responsabilité collective de protéger les populations civiles menacées de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique ou de crime contre l'humanité, en recourant au Conseil de Sécurité. Car il faut s’attaquer aux causes :

Selon le Pape Jean Paul II, Message pour la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2002, la collaboration internationale dans la lutte contre le terrorisme doit comprendre un engagement sur les plans politique, diplomatique et économique pour s'attaquer aux situations d'oppression et de marginalisation qui seraient à l'origine du terrorisme. A la même occasion en 2004 il insistera de plus sur la nécessité d'une éducation inspirée du respect de la vie humaine en toute circonstance.

S’attaquer aux causes c’est aussi réaliser qu’entre les positions exprimées - la partie visible de l’iceberg - et les intérêts - la partie immergée - il y a une grande différence, intérêts politiques, économiques, culturels, religieux, sociaux.

Dans un autre domaine, le constat de la montée du trafic des femmes, montre qu’il est souvent résultat des crises politiques. Cette activité criminelle est réellement lucrative: l'ONU estime ses gains annuels à 6 milliards de dollars environ. Mais les organisations d'Eglise et leur personnel sont souvent en situation de confiance pour agir. Présentes presque partout dans le monde elles peuvent développer des actions de prévention et d'information, de suivi et d'assistance ou de soins, de rapatriement et de réinsertion. Caritas a mis ainsi en place COATNET, Christian Organizations Against Trafficking in Women Network, qui regroupe 30 membres en Europe, aux Etats Unis, en Asie. Ce réseau développe alors des actions de plaidoyer particulièrement à l'égard de l'Union européenne, actuellement à propos de la protection des victimes, de l'attribution de permis de séjour sans condition, c'est à dire sans obligation de dénoncer les trafiquants, les passeurs et les proxènètes. Le phénomène est mondial. En Thaïlande les Birmanes sont des victimes en grand nombre, fuyant leur pays, sa pauvreté et sa guerre civile.

Cette dynamique de paix et de réconciliation vient se retrouver au sein des pratiques de nombreux membres de Caritas. Même à Lourdes où le Secours catholique gère une maison d'accueil pour pèlerins modestes. Un chemin de paix construit sur le modèle d'un chemin de croix y a été créé qui permet à des personnes de religions différentes de méditer ensemble. Des stations le jalonnent: Auschwitz, Hiroshima, Mère Thérésa, Berlin, Jérusalem, Martin Luther King, Assise, Gandhi etc.

Et se chemin aboutit à un lieu dans la montagne, lieu de prière et de méditation. Une chapelle, une salle de réunion, un espace de dialogue à ciel ouvert. Son nom : Jérusalem, nom symbole de guerre et de paix, paix impossible à l’homme mais espérée par tous, espérée en Dieu.

DV.