S’ouvrir à l’Est de l’Est
La Croix 28 avril 2004


L’élargissement de l’Union européenne se met en place. Que va-t-il alors se passer avec les nouveaux pays frontaliers et les pays de l’Europe orientale, Ukraine, Biélorussie, Géorgie etc. ?

La Commission européenne affirmait en 2003 sa volonté d’étendre les bénéfices de l’élargissement à la stabilité politique et économique de ces nouveaux voisins. Et celle de travailler avec eux « pour réduire la pauvreté et créer une zone de prospérité partagée et de valeurs fondées sur une plus forte intégration économique, sur des relations politiques et culturelles intensifiées. »


Les populations de ces pays ont une tradition de migration vers leurs voisins. En 2002 le taux migratoire était de 0,42 migrants pour 1000 habitants en Ukraine, de 0,9 en Russie, de 2,78 en Biélorussie. Les estimations généralement acceptées avancent un million d’Ukrainiens et trois millions cinq cent mille Russes employés dans les pays nouveaux membres de l’Union, particulièrement en Pologne ou en République tchèque.

Et un nombre significatif de personnes de ces pays orientaux vivent déjà en Europe centrale et occidentale : 300 000 Ukrainiens en Pologne car les relations historiques sont fortes, mais aussi 200 000 en Italie et 100 000 en Espagne.


Les nouveaux membres de l’Union européenne vont devenir plus attractifs si la croissance économique progresse comme prévu. Mais l’obligation d’obtenir des visas et des permis de travail au sein de la zone Schengen sera un obstacle à la migration officielle. D’où le risque d’une augmentation de la fraude et du trafic. Risque de tensions aussi dans des régions où les gens avaient l’habitude de circuler librement et où ils ne vont plus pouvoir le faire sans visas. Entre l’Ukraine et la Pologne par exemple, il y a des régions qui au cours de l’histoire ont passé leur temps à changer de nationalité, il y a des populations qui ont été un moment ukrainiennes, polonaises, et polonaises et ukrainiennes, et des familles installées à cheval sur les frontières. Même chose plus au sud en Hongrie, Roumanie, Moldavie. Et l’Europe vient congeler les frontières.


La migration est donc un enjeu qui mérite attention. L’Union européenne doit veiller à ce que les règles de Schegen ne fabriquent pas un nouveau rideau de fer.

A cet égard le Parlement européen qui sera élu mi-juin 2004 aura la responsabilité de promouvoir une politique de voisinage. Des actions devront être entreprises pour améliorer les conditions de vie des populations des nouveaux pays frontaliers. Les soutiens financiers aux économies de ces pays devront être augmentés car ils vont souffrir d’être du mauvais côté de la barrière, dans une zone dominée par l’immensité russe.

Ainsi en Moldavie - petit pays de 4,3 millions d’habitants situé à l’Est de la Roumanie et frontalier avec l’Ukraine -, sans doute le pays le plus pauvre d’Europe avec l’Albanie, le chômage serait de 65% et 80% de la population vit avec moins de un euro par jour. Le Secours catholique écrit dans un rapport de fin 2003 : «… la Moldavie est l’un des pays d’Europe dans lesquels le problème du trafic des êtres humains est le plus répandu et a des effets dévastateurs sur la génération de jeunes femmes. »


Le Parlement pourra aussi initier de nouveaux outils organisant la migration dans un cadre de travail régulier comme des visas et des permis de travail à long terme ou la réglementation du travail saisonnier. L’élargissement pourrait avoir des effets positifs en contribuant à une certaine croissance et à la diminution du chômage.

De plus des informations détaillées doivent être données aux migrants potentiels sur les dangers de la fraude et du trafic des femmes. Les ONG doivent être soutenues dans leur travail de proximité. Dans sa fonction budgétaire le Parlement est responsable du soutien aux actions de ce type.

Contre le trafic l’action doit inclure la coordination entre les pays, entre ONG, police et autorités locales. Il y a quelques jours des représentants du réseau chrétien contre la traite des femmes (CAT, Christian Action and networking against trafficking in women, www.coatnet.org) ont ainsi tenu une réunion avec Europol, l’organisme européen de collaboration entre les polices. Le travail a porté sur les législations, les procédures, le rôle d’Europol pour aider les Etats, sur les actions du réseau CAT dans les domaines de la prévention, du conseil personnel ou juridique, de la recherche des personnes, de l’aide aux femmes victimes, de la coopération transfrontalière, de l’analyse des phénomènes et des mesures à prendre.


Denis Viénot
Président de Caritas Europa