Le parlement européen doit aider les pays pauvres
LA Croix
22 avril 2004


Le Parlement européen joue un rôle important dans la politique de développement de l’Union européenne qu’ il faut préserver et renforcer au bénéfice des pays les plus pauvres du monde.

Les huit objectifs de développement de l’ONU pour le Millénaire ont été adoptés en l’an 2000 avec pour cible l’année 2015: réduire l’extrême pauvreté et la faim, assurer l’éducation primaire pour tous, promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le Sida, le paludisme et les autres maladies, assurer un environnement durable, mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Pour réaliser ces ambitions il faudra doubler l’aide alors qu’en Europe les engagements pris ne sont pas à l’échelle, sont encore bien trop modestes.

Les nouveaux parlementaires européens, provenant pour la première fois en juin 2004 de l’Europe élargie à 25, devraient porter attention aux points suivants : fixer un calendrier pour atteindre un montant de l’aide publique égal à 0,70% du PNB européen alors que les décisions actuelles ne visent que 0,36% ; augmenter les fonds contribuant à la réalisation des objectifs du Millénaire avec une attention particulière pour les services sociaux ; consacrer 70% de l’aide aux pays à bas revenus ; annuler la totalité de la dette des pays les moins développés ; exiger de la Commission européenne la mise en œuvre de la décision du Parlement de consacrer 15% des fonds géographiques à des projets présentés par la société civile, en particulier pour les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Un autre volet concerne la cohérence entre les politiques européennes, celle du développement et les autres. D’un côté la volonté soutenue par plus de deux tiers des Européens d’une contribution européenne à l’éradication de la pauvreté, de l’autre des politiques commerciales ou de sécurité qui défendent d’abord les intérêts égoïstement européens. Ainsi un comité officiel est-il par exemple chargé de prendre les décisions de politique commerciale. Il est composé de spécialistes de l’industrie et du commerce et ne comprend aucun expert en matière de développement.

Le Parlement doit dans ce contexte aider à la promotion des objectifs du Millénaire liés au commerce : la libéralisation abusive du commerce des pays pauvres doit être stoppée et leurs droits à protéger les secteurs vulnérables doivent être reconnus.
Et il faut accepter en Europe que la coopération au développement et l’aide humanitaire d’urgence ne soient pas subordonnées à la politique de sécurité et de défense ou à la politique étrangère. L’autonomie de l’Office humanitaire de la Communauté européenne / ECHO qui finance les actions d’urgence est nécessaire afin que l’aide ne soit pas d’abord un instrument de politique mais reste bien un outil de secours le plus neutre et le plus universel possible.

La politique agricole commune devra aussi évoluer. 40% du budget européen – 100 milliards d’euro par an actuellement - y sont consacrés quoique les agriculteurs ne représentent que 4% de la population active de l’Union avant l’élargissement. Chaque vache européenne reçoit ainsi une aide quotidienne de deux dollars (1,60 euro), alors que la moitié de la population mondiale vit avec moins de un dollar par jour.

Le prochain Parlement devra donc défendre une révision des subventions agricoles qui permettent actuellement des exportations européennes à des prix artificiellement bas : elles détruisent les capacités de vente des producteurs des pays pauvres.

C’est d’autant plus faisable que le Parlement peut jouer un rôle d’assainissement économique utile comme le montre sa position de fin mars 2004 sur les entreprises extractives, pétrole et minerais. Il demande aux Etats européens d’encourager ces firmes à publier les versements qu’elles effectuent aux pays et gouvernements des lieux de production. La transparence joue ici un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté : des milliards de dollars s’évaporent en effet. La transparence des revenus perçus, impôts, royalties, commissions etc. est le but visé par la campagne « Publier ce que vous payer » qui fait avancer les choses en matière de lutte contre la corruption.

En poursuivant dans ce sens le nouveau Parlement européen aura une place essentielle et des responsabilités fortes dans de nombreux domaines du développement, du commerce, de la justice économique européenne et mondiale.

Denis Viénot
Président de Caritas Europa