Résolument contre la guerre

Par Denis Viénot • Président de Caritas Europa
En 1998, l'ancien Attorney General américain Ramsey Clark écrivait :
Une des constantes de la politique américaine à travers les ans était la détermination de dominer les vastes ressources pétrolières de cette région
(le Moyen-Orient).


Tout est pétrole en Irak. Ce serait de la naïveté de se limiter à viser les seuls États-Unis alors que les grandes compagnies pétrolières du monde entier sont sur le pied de guerre. Depuis plus de douze ans, le Conseil de sécurité des Nations unies a mis en place un embargo. L'Irak ne peut importer et exporter des produits qu'au travers d'un processus compliqué et injuste. Les résultats ont été désastreux. En 1996, le régime des sanctions a été modifié par le programme "Pétrole contre nourriture". Même amendé en mai 2002, il reste une entrave aux droits fondamentaux et aux droits de l'homme tant il a créé et crée de souffrances. D'ailleurs, son budget n'est que d'environ 170 dollars par Irakien et par an. Nombreux sont ceux qui critiquent ce mécanisme des sanctions liées aux inspections des armes de destruction massive. Ainsi Kofi Annan, dans son rapport au Conseil de sécurité en novembre 2002, écrit-il diplomatiquement : « En dépit des résultats significatifs du programme ("Pétrole contre nourriture") dans l'amélioration de la situation humanitaire du peuple irakien comparée à sa condition horrible de 1996, il y a encore beaucoup à faire. » En février, 2001 Caritas Europa demandait la suspension immédiate des sanctions. Cette position doit être soutenue. Le peuple irakien paierait un prix exorbitant si la guerre intervenait. Entre 14 et 16 millions de personnes survivent grâce aux aides humanitaires actuelles. En cas de conflit qui détruirait vite les infrastructures et les moyens de transport, des millions de familles seraient privées de tout. Comme en 1991, les usines de traitement de l'eau seraient paralysées par l'absence d'électricité. Voire sciemment détruites ! Des milliers de personnes mourraient et des millions seraient déplacées ou réfugiées.

La question des armes de destruction massive que l'Irak pourrait avoir à sa disposition doit être traitée sans ambiguïté, mais l'obligation absolue de faire prévaloir la loi internationale doit être respectée par tous. Il est par ailleurs dangereux de légitimer le concept de guerre préventive : où va-t-on s'arrêter ? Que penser des déclarations de Scott Ritter, ancien chef inspecteur de l'Unscom, qui écrivait en 1999 : « Lorsque l'on parle de la menace des armes de destruction massive de l'Irak, la réponse est qu'elle n'existe pas. » Accusé à l'époque par les Irakiens d'espionnage pour le compte des États-Unis, il est maintenant devenu persona grata à Bagdad. « II a conseillé à l'Irak d'accepter le retour des inspecteurs (fin 2002), mais de favoriser parallèlement la constitution d'un corps d'inspecteurs indépendants pour le cas où... » (Le Monde, 5 et 6 janvier 2003.) Caritas Internationalis vient de lancer un nouvel appel pour que la communauté internationale « donne une priorité absolue à la recherche d'une solution politique et diplomatique », car une guerre frapperait d'une colossale catastrophe humanitaire une population déjà martyrisée par la guerre, la répression et l'embargo si destructeur.