En Irak, un peuple martyr
La Croix 17 juillet 2002



Une nouvelle attaque contre l’Iraq se prépare. Les dirigeants américains multiplient les déclarations va-t-en guerre.
Début juin le Président Bush déclarait envisager une attaque préventive. Les dirigeants européens qu’il rencontrait à l’époque ne réussissaient pas à le faire changer d’avis.
Le leader démocrate de la Chambre des représentants, Richard Gephardt - considéré comme un candidat officieux à l’élection présidentielle de 2004 - disait vouloir soutenir l’administration américaine si celle-ci décidait d’utiliser la force pour chasser Saddam Hussein. Il déclarait le 5 juin : “ Lorsque c’est possible nous devons utiliser les moyens diplomatiques, mais également les moyens militaires lorsque nous avons l’obligation d’éliminer les menaces qu’il (Saddam Hussein) propage dans la région et contre notre sécurité. ”
Et le 17 juin les responsables du Congrès soutenaient le Président Bush qui donnait ordre à la CIA et à des forces spéciales de mettre en place un plan pour renverser Saddam Hussein en utilisant tous les moyens disponibles.
Face à ces menaces l’Organisation des conférences islamiques réaffirmait en avril dernier son engagement ferme contre le terrorisme et rejetait toute action unilatérale contre tout pays islamique fondée sur le prétexte de la lutte contre le terrorisme. Cette organisation a du poids, pétrolier et politique : elle rassemble 57 Etats où l’Islam est la religion principale ; quoique ne représentant que 21 % de la population mondiale, ces pays détiennent 70% des réserves de pétrole et 50% de celles de gaz naturel.
Une attaque contre l’Irak serait périlleuse.

Et le régime des sanctions évolue. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté le 14 mai la résolution 1409 qui vise à améliorer les procédures d’autorisation d’importation actuellement complètement engorgées : des projets s’élevant à 5,2 milliards de dollars sont bloqués dont des projets humanitaires d’une valeur de 4,5 milliards de dollars. C’est le résultat de la bureaucratie internationale, de la mauvaise volonté de certains Etats dont l’Irak lui-même parfois et de l’évolution régulière depuis 1991 des produits autorisés : de la nourriture et des médicaments uniquement au départ, à des pièces de rechange pour l’extraction pétrolière aujourd’hui, par exemple.
Il y a aussi un problème de financement lié au système complexe de fixation du prix du pétrole vendu par l’Irak : 2,4 milliards de dollars de projets humanitaires autorisés ne peuvent se réaliser de ce fait là.
Par ailleurs la résolution 1409 allonge la liste des produits pouvant être importés par l’Irak. Mais paradoxalement comme il est maintenant prévu de lui permettre l’achat de certains matériels militaires conventionnels, de nouveaux contrôles sont envisagés. L’Irak les refusera comme les précédents et la mécanique soit disant plus humaine va se bloquer un peu plus !

Il y a 18 mois Caritas Europa avait pris position pour la suspension immédiate des sanctions qui “ ont causé la souffrance indescriptible de millions de personnes sur le plan physique, mental et culturel. Personne ne connaît le nombre exact de décès résultant des sanctions, mais il est estimé à plusieurs milliers d ‘enfants par mois. Les sanctions, dussent-elles être levées aujourd’hui, auront des répercussions qui dureront pendant de nombreuses années. Elles ont laissé une marque indélébile dans l’esprit des Irakiens. Ce pays qui fut prospère – il a la deuxième plus grande réserve de pétrole du monde – est systématiquement sous-développé, déqualifié, et est conduit à la pénurie.
Aujourd’hui Caritas Europa rejette le régime révisé par la résolution 1409 et demande à nouveau la suspension des sanctions. De plus, dans le sillage des horribles attaques terroristes du 11 septembre 2001, Caritas Europa renouvelle ses appels à une approche régionale de la crise du Moyen Orient encore aggravée par les événement actuels en Israël.
Toute attaque contre l’Irak augmenterait les souffrances de cet autre peuple martyr, exacerberait les tensions dans la région, rendrait plus difficile la lutte contre le terrorisme, conduirait le système des Nations Unies à la faillite.

Denis Viénot
Président de Caritas Europa