La Croix 15 10 2001


Les largages alimentaires, accusés d'être utilisés avant tout à des fins de propagande, sont loin de faire l'unanimité au sein des ONG

Depuis le ciel afghan, les avions larguent des bombes et parfois des vivres. Êtes-vous choqué par ce mélange des genres ? Denis Viénot : Ce n'est pas forcément scandaleux d'envoyer des boîtes de nourriture et des tracts. Mais il y a un problème technique en Afghanistan, c'est que c'est un pays plein de mines et que donc, sur le plan logistique, ces largages peuvent poser des problèmes. Mais ce qui est le plus scandaleux dans l'affaire, c'est qu'on parle beaucoup de ces opérations, mais quand on regarde les kilos de produits largués, les nombres de rations, c'est extrêmement modeste par rapport aux immenses besoins de la population (...). Une fois de plus, l'humanitaire est utilisé. Dans cette affaire de l'Afghanistan, la vraie question est : à quoi servent ces largages ? Et la réponse est : à faire de la propagande. Je comprends que les États-Unis et le Royaume-Uni veuillent faire de la propagande auprès de la population afghane. Il n'y a là rien de scandaleux en soi. Mais, à ce moment-là, qu'on n'appelle pas cela de l'humanitaire, c'est un moyen politique.

— Que faudrait-il faire concrètement ?

— La vraie question en Afghanistan aujourd'hui, c'est de savoir comment aller nourrir et donner des soins médicaux à des millions de personnes qui, depuis vingt ans, pour des tas de raisons, nées de la domination soviétique ou talibane, sont dans des situations d'extrême misère. Raisons de sécheresse également. Quelques convois du PAM (programme alimentaire mondial) ont commencé à retourner vers l'Afghanistan, c'est une bonne chose (...).

— N'y a-t-il pas, tout de même, une véritable dérive politique de l'humanitaire ?

— Je ne sais pas si le mot dérive est le bon. En tout cas, il y a utilisa tion, qui peut poser problème, de l'humanitaire. (...) Ainsi, l'Union européenne va financer certains projets et pas d'autres en fonction de ses choix politiques. (...) L'autre aspect, c'est que les ONG elles- mêmes s'engagent dans le champ politique. Quand les ONG, les Caritas d'Europe, par exemple, disent : « Les sanctions en Irak, ce n'est pas normal » ; quand elles disent : « II faut améliorer les conditions d'accueil des migrants en Europe » (...), elles nourrissent aussi cet aspect humanitaire et politique. — Comment analysez-vous cette crise en Afghanistan ? — La crise mondiale que l'on vit aujourd'hui, déclenchée par ces at tentats atroces aux États-Unis, rentre dans le schéma malheureu sement classique du fondamenta lisme, qui se nourrit de la pauvreté immense de beaucoup de ces pays. Il se nourrit aussi de notre politique étrangère et pétrolière (...). Existe enfin une religion, l'islam, qui aujourd'hui a du mal à tenir ses fondamentalistes. La religion catholique tient bien ses fondamentalistes, l'islam, moins. — Ou doivent s'adresser ceux qui souhaitent aider l'Afghanis tan? — Si un Français veut agir concrètement, il peut s'adresser à son ONG favorite : le Secours ca tholique, la Croix-Rouge ou toute autre ONG, s'il souhaite participer, en fonction des programmes que celle-ci lui présentera.

Recueilli par Jean-Marie GUÉNOIC