L’Europe montre la voie
La Croix 26 mai 2000


« La mondialisation résulte de l’extension au monde entier de l’économie de marché et de la logique des entreprises dans le cadre de la révolution informatique qu’elle accompagne ; elle est à la fois le moyen et le résultat du leadership américain. On ne saurait cependant confondre mondialisation et idéologie libérale. » (« Maîtriser la mondialisation », Justice et Paix France, 1999).
L’ouverture des anciens pays communistes et de la Chine étend aujourd’hui la mondialisation. Aucun pays n’y échappe: le paysan des hauts plateaux boliviens est informé de la guerre au Sierra Leone par son transistor coréen !

La mondialisation, fondée en partie sur le marché international des investissements, développe un seul critère de qualité: le profit. Elle permet certes un accroissement réel et bénéfique des biens, des services, des richesses, mais sa logique renforce les forts et affaiblit les faibles.
Elle accroît les écarts au sein d’un pays et entre les pays : la rentabilité globale prime sur les politiques sociales. La féminisation de la pauvreté et l’exploitation des enfants sont accrus.
Par réaction la mondialisation entretient les replis identitaires traditionnels, comme le manifestent les nombreuses guerres civiles.
Mais elle permet la diffusion d’éléments culturels, spirituels ou juridiques comme les droits de l’homme. Elle nourrit la montée d’une culture mondiale dont elle se nourrit elle-même. C’est une chance : respect de la nature, lutte contre le travail des enfants, prise de conscience des limites du Conseil de Sécurité lors des bombardements contre la Serbie et le Kosovo en 1999.

Avec les mots de son époque, Bossuet disait en 1662 : « Dans les provinces éloignées, et même dans cette ville (Paris), au milieu de tant de plaisirs et de tant d’excès, une infinité de familles meurent de faim et de désespoir : vérité constante, publique, assurée(..).Qu’on ne demande plus maintenant jusqu’où va l’obligation d’assister les pauvres : la faim a tranché le doute, le désespoir a terminé la question(..). Sire, c'est aux rois à agir… »

La mutation de civilisation que génère la mondialisation remet en actualité les paroles de Jean XXXIII réclamant une autorité mondiale. Si l’ONU reste trop faible, la création prochaine de la Cour pénale internationale est un signe positif.
Face aux rapports de force actuels, l’Europe montre la voie. Son climat politique morose s’éclaire enfin par un discours récent du Ministre des Affaires Etrangères allemand relançant la réflexion sur la construction de l’Europe via une des formules déjà envisagées, la Fédération d’Etats.

L’élaboration en cours d’une Charte des droits fondamentaux va vers le concret de l’application des droits de l’homme. Proclamer le droit au travail sans un accès garanti aux services de recherche d’emploi ne servirait pas la cause des pauvres. Il en serait de même du droit à la santé sans mécanisme d’accès universel aux soins. Chaque droit inscrit dans la charte doit y être décliné en modalités d’accès contrôlables.

Déjà au plan juridique, l’Union européenne dispose d’un bon arsenal qui encadre les entreprises: âge minimum du travail des enfants, conditions de sécurité du travail ou règles de concurrence.

En matière sociale aussi des harmonisations se développent tel le revenu minimum. Un fonds européen pour les réfugiés financera l’accueil au sein des quinze ; Caritas Europa soutient sa création et souhaite son extension aux futurs pays adhérents.
Aujourd’hui l’Euro et la mise en place d’une politique étrangère et de sécurité permettent la mise en commun de certains pouvoirs relevant traditionnellement de chaque Etat.

Face à la mondialisation et à ses excès, l’Europe montre qu’il est possible de s’organiser, en associant toutes les forces sociales, pour conduire des politiques allant dans le sens du respect de la personne et du bien commun international, même si par ailleurs la majorité de ses Etats ne respecte pas les engagements pris en matière d’aide publique au développement: aller vers 0.7% du PNB. L’enjeu de la solidarité passe nécessairement par plus de politiques communes aux niveaux européen et mondial. Il passe aussi par le respect des engagements pris.