DV/CL-311 SECOURS CATHOLIQUE
Le bénévolat : un challenge
Journée diocésaine de la Délégation du Pas de Calais
le 11 octobre 1997


Les axes que le Secours Catholique veut suivre pour construire une société juste et fraternelle sont le fruit d'une évolution au fil des ans due à la pratique, à la réflexion et aux relations avec les Caritas du Sud. Ils développent une insistance particulière face à une fracture sociale en France et à l'étranger :

« S'associer avec les pauvres pour construire une société juste et fraternelle »

« S'associer avec les pauvres » nous met dans le registre de la reconnaissance, de la création de relayons et d'Espérance.

« S'associer avec les pauvres », c'est engager ensemble une action commune et c'est se déclarer solidaire. Jésus s'associe aux plus pauvres au point de s'identifier à eux, comme le dit le texte du Jugement dernier, au chapitre 25 de l'Evangile de Mathieu, que l'on peut paraphraser en disant : « J'étais différent et vous m'avez parlé ».

« S'associer avec les pauvres », cela bouscule nos frontières : le jeune homme riche qui n'ose pas, les invités au festin qui ont d'autres occupations, le Samaritain qui, lui, bouscule son planning de voyage. S'associer, ce n'est pas mettre des garde-fous, car l'Amour-Charité fait tomber les barrières.

S'associer, c'est faire confiance, c'est construire une société de confiance et d'échange, une société qui veut faipe''grandir tout le monde, sans laisser quelqu'un de côté, sans laisser des brebis perdues à la dérive.

S'associer, c'est développer des réseaux de confiance au Secours Catholique et dans la société, avec les pauvres.

C'est donc reconnaître l'autre darfs'sa dignité, et le faire exister. C'est accepter d'être transformé par l'autre.

L'Eglise dès ses débuts se fonde sur cette association. Jean Rodhain écrit : L’église naissante arrive à peine à Rome que ce sont des esclaves comme Calixte qui succèdent à Pierre et que l'Empire romain s'inquiète - pour son économie, pour ses structures sociales - de voir l'esclave ébranlé par cette charité des chrétiens qui aiment les esclaves comme des frères. Rome s'inquiète, non pas d'un culte nouveau, non pas d'une technique nouvelle, mais d'une chanté qui lui paraît - et elle l'est - plus révolutionnaire que toutes les techniques ».

« Construire une société » nous met dans le registre de la transformation sociale par le concret de la vie, l'aide, le soutien, le projet, et par l'exercice d'une action citoyenne en exerçant notre rôle classique et fondamental de veilleur et d'éveilleur, et par le témoignage, la communication et l'action institutionnelle. « Construire », c'est fonder une vie de relations. Comme une maison construite de matériaux différents et indispensables, « construire » donne vie à une société, transforme les relations, la vie, la société.

Notre Dieu est un créateur. Nous savons que nous construisons avec Dieu, en Eglise.

Une société sans Amour et sans fraternité serait insupportable.

C'est pour cela que les institutions, nos structures du Secours Catholique ne doivent pas seulement être bien organisées, mais doivent respirer la fraternité et finalement l'Amour de Dieu à travers l'association avec les pauvres. Invitant les Evêques à la célébration du 5Oème anniversaire le 8 septembre dernier à Bercy, le Secours Catholique leur écrivait : "Le plus important est la démarche qui veut nous donner l'occasion d'exprimer concrètement avec ces personnes une vision de l'homme et du monde. C'est en communion avec l'Eglise que le Secours Catholique situera les enjeux de son action".

Le Secours Catholique est souvent le seul point de contact entre des personnes et l'Eglise où elles ne se sentent pas toujours accueillies. Nos réseaux sont très fréquemment en contact avec des personnes en marge de l'Eglise ou très loin d'elle. Notre solidarité avec elles doit aller jusque là : aux portes de nos églises, il nous est demandé d'interpeller, d'interroger nos prêtres, nos évêques et nos communautés chrétiennes pour que soit entendue la parole et la demande de la personne accueillie qui se trouve parmi nous.

Les pèlerinages à Lourdes qu'organise le Secours Catholique sont l'occasion d'une découverte mutuelle entre bénévoles et personnes en difficulté. Il faut développer une vie d'Eglise où tous ont leur place, toute leur place. Nous devons nous y employer. Des actions ont lieu comme à : Montpellier, où des SDF, que les paroissiens rencontraient d'habitude sous le porche de l'Eglise faisant "la manche", ont lu les lectures de la Messe le dimanche de la Journée Nationale.

L'animation de la Journée Nationale concerne tous les bénévoles, toutes les équipes : elle est un temps de communication et de témoignage, un temps de prière, un temps d'appel au partage financier pour permettre les actions d'urgence et de promotion tout au long de l'année. Les donateurs sont à part entière dans notre réseau

L'Eglise nous a confié une mission qui nous fait participer à notre manière à l'évangélisation.

Sans réseaux fraternels, il n'y a plus d'Eglise. L'Eglise doit être avant tout une actualisation du "Aimez-vous les uns les autres".
On peut dire que les pauvres nous envoient en mission. La parabole du Bon Samaritain en est un exemple frappant.

Le Secours Catholique, Service d'Eglise engagé dans la charité, la solidarité et la justice, essaie de contribuer à la formation des chrétiens dans ces domaines.

Il cherche à leur faire prendre conscience de ce devoir impératif de charité. Agir avec ceux qui sont en difficulté n'est en effet pas facultatif pour la communauté chrétienne. Aussi, le Secours Catholique doit-il chercher à informer.

Ex : A Besançon, un lieu d'accueil pour les familles de détenus en attente de parloir - maintenant association indépendante - a été créé en partenariat entre des bénévoles du Secours Catholique, la paroisse,,)l'assistante sociale de la Maison d'Arrêt, le directeur de la prison, des visiteurs de prison et des gardiens.

Soucieux de son appartenance à l'Eglise, le Secours Catholique contribue à la pastorale sociale par des collaborations avec l'Eglise non seulement locale, mais aussi universelle. C'est tout l'enjeu de notre dimension internationale, avec des Eglises souvent très minoritaires.

Parmi les nombreux partenaires de son action, le Secours Catholique, en tant que Caritas France et membre de Caritas Internation alis, travaille en liens étroits avec les Caritas d'Europe, d'Amérique du Nord et avec celles du Sud.

En 1996, 661 opérations ont été menées avec elles dans 86 pays, dont 105 opérations d'urgence dans 41 pays et 352 projets de développement dans 59 pays.

Ce travail comprend également une action institutionnelle menée à la demande du pays concerné et en lien avec les autres Caritas.
Ex actuels : la campagne Soudan ; les réfugiés ; la politique européenne ; pauvreté en Europe.

Nous sommes plus que jamais confrontés à la question de la solidarité, de la promotion de la personne pauvre. Nous ne pouvons imaginer la construction d'une société juste et fraternelle sans nous associer avec les personnes en difficulté. Nous avons besoin d'agir ensemble pour réussir notre défi commun et ainsi contribuer à libérer les pauvres qui sont enchaînés et emprisonnés par la pauvreté et l'exclusion. Nous pouvons briser ces chaînes si nous le voulons et si nous sommes plus nombreux.

Au Bangladesh, nous rencontrons un groupe d'enfants dans un village, lors de la visite d'une école créée par leurs familles. J'ai demandé à une jeune fille de 15 ans : "Comment pensez-vous que vous et vos amis pouvez changer votre vie ?" Un petit moment de réflexion et, avec un sourire, cette jeune est allée chercher un bâton. Elle me le donne et me demande de le casser. Je le fais. Rien d'extraordinaire ! Elle s'en va de nouveau, revient avec une dizaine de bâtons et me demande de les casser ensemble. C'était difficile. Avec le même sourire, elle me répond que "c'est comme cela que nous allons réussir notre pari. Ensemble et unis, nous nous en sortirons, et moi je veux être infirmière".

Face au risque d'une solidarité théorique, face à l'enjeu de solidarités de niveaux différents à combiner, il n'y a pas de solution unique à mettre en oeuvre. Trois axes inspireront les orientations d'action concrète : la fraternité, l'option préférentielle pour les pauvres, l'équité.

Les Africains évoquent souvent « l'Eglise famille » qui s'engage à considérer tout homme comme un frère : accueil de chacun, respect de sa dignité, prise en compte de ses besoins matériels. C'est une façon concrète de vouloir le bien commun. La société tout entière peut y adhérer pour que chacun ait une place. C'est ainsi que des politiques d'éducation et de prévention collaborent à l'équilibre général et que des règles économiques internationales permettront la justice entre le fort et le faible.

Mais l'exercice de la solidarité nécessite une attention particulière à l'égard du plus pauvre. L'option préférentielle pour les pauvres trace le choix d'une solidarité, priorité contre l'égoïsme ; elle est une ouverture à la relation de proximité et à l'action contre les causes de 1a misère. Elle veut mettre en oeuvre le principe de destination universelle des biens de la terre.

L'équité veut une égalité différentielle qui tienne compte de la position relative de chaque personne. Sur ce principe, les élèves de familles modestes perçoivent des bourses, pas les autres. L'équité met donc en oeuvre des politiques de discrimination positive. Mais toute la question est celle des critères et du consensus social à construire.

Cela ne peut se faire que dans un esprit de tolérance consistant à croire en chacun a des potentiels qui peuvent être mis au service de la construction d'une société juste et fraternelle, associant tous les hommes quels qu'ils soient.

Votre chance, c'est d'être des bénévoles associés et engagés dans l'action du Secours Catholique. Faites partager à d'autres cette chance par la qualité de vos actions et votre témoignage..

Denis VIENOT
Secrétaire Général
du Secours Catholique