« Grain de sel » est une rubrique mensuelle du journal Messages tenue par Denis Viénot durant la période 1991 à 1998.


Donner est une responsabilité

Le consommateur n'a pas la propriété exclusive de son pain, même s'il le gagne à la sueur de son front. Le laboureur, le moissonneur, le meunier ou le boulanger ont aussi des droits sur le grain et la farine. Ils en sont même responsables en cas de mauvaise qualité.
Le soleil fait mûrir le blé pour tous les hommes. Sa présence quotidienne est peut-être un clin d’œil du Créateur, nous rappelant ainsi notre commune dépen¬dance. « Bâtir une société de frères ne saurait rester à l'état de programme. Chacun, là où il est, y a sa part de responsabilité. Chacun y a sa place. » (Jean Rodhain)

Donner est donc un acte concret, une responsabilité à exercer. C'est une grandeur qui met en relation pour construire une société juste et fraternelle. C'est un partage qui permet des « projets multiplicateurs de justice et de charité» (Commission sociale de l'épiscopat, 1988). C'est une démarche individuelle, familiale ou communautaire qui se sait forte car solidaire de multiples autres, qui se sait maillon indispensable d'une chaîne.

Emmaüs à Lourdes

La Cité Saint Pierre accueille des groupes de pèlerins. Ils y partagent les pauvretés de leurs vies.
Un soir, rassemblement de fête et de prière : soixante jeunes en démarche depuis deux ans, trente Gitans évoquant les vicissitudes de leur peuple, cinquante pèlerins de la région parisienne.
Une femme s’est tout à coup levée pour dire les ombres de sa vie : une mère aveugle, sourde et muette, deux enfants handicapés en fauteuil roulant. Elle est rejetée par ses voisins. Pendant le pèlerinage elle a senti les regards d’espérance posés sur elle et son fils présent.
Elle exprime un vœu : « Jean, mon fils, a remarqué les magnifiques bâtons de pèlerins que les jeunes ici ce soir ont sculptés. Il est dans son fauteuil, ne marche pas mais aimerait tant en avoir un immédiatement un jeune est venu lui donner son bâton. Ce fut un rayon de lumière dans l’assemblée. Jean a rejoint les jeunes et chanté avec eux.
Un des pèlerins a fait ce constat : « Nous étions comme les pèlerins d’Emmaüs. Nos yeux étaient empêchés de le reconnaître. Nous aussi, nous avons dit « Viens avec nous, le soir tombe. C’est la nuit. » Au partage avec Jean, nos yeux se sont ouverts. »

Mines anti-personnel

Le Comité exécutif de Caritas Internationalis vient de s’engager contre ces engins atroces. Le cardinal Etchegaray, président de Justice et Paix, a fait de même.
Une récente conférence internationale a décidé selon les cas l’interdiction de l’usage ou la limitation de l’emploi de tels pièges. Caritas veut que les Etats aillent plus loin dans l’élimination de ces mines qui tuent ou blessent surtout des civils.
Elle le fait au nom du respect de la vie et de l’intégrité physique – les enfants sont parmi les premières victimes – et parce qu’elle voit sur le terrain les drames que causent ces armes qui restent en place longtemps après les conflits. Vingt mille personnes sont tuées ou grièvement blessées chaque année.
Le gouvernement français devrait s’engager résolument. D’autres l’ont déjà foit. La résolution de Caritas dit qu’il faut « parvenir non seulement à la destruction des stocks existants, mais à une interdiction complète de la production, du stockage, du transport et de l’emploi de toutes les mines anti-personnel ».
Au rythme actuel des déminages, il faudrait mille ans pour éliminer les cent millions de mines actuellement en place dans 62 pays.