Le Secours catholique dans l’Eglise et dans la société

LE SECRETAIRE GENERAL
EXPOSE POUR LA JOURNEE D'INFORMATION
ORGANISEE PAR LA FEDERATION FRANÇAISE DE LA PRESSE CATHOLIQUE
le 13 juin 1996


Si la mission du Secours Catholique n'a pas changé au cours de ces années, ses objectifs ont varié selon les problèmes du moment. En 50 ans, nous avons bien des fois quitté nos habitudes. Des dépassements successifs ont eu lieu.

Dès le début, Mgr Rodhain a eu en effet le souci que le Secours Catholique colle aux besoins du temps car, disait-il :

"La charité ne change pas, mais les conditions de la charité se modifient. C'est pour cela qu'elle doit être intelligente et avoir de l'imagination".

Et encore :

"Dans un monde dont l'économie se modifie, dont la géographie politique change de formes, dont la législation devient tantôt plus communautaire, tantôt plus étatique, la Charité véritable doit rester sajis cesse aux aguets, pour être non seulement présente, mais en avant".

Le 27 octobre 1995, Jean-Paul II s'adressait aux membres de l'Assemblée Générale de Cor Unum en disant que "l'éradication de la pauvreté ne serait réalisée sérieusement que lorsque les pauvres eux-mêmes pourront prendre leur sort en main, lorsqu'ils seront associés à la conception et à la mise en oeuvre des programmes qui les concernent directement. C'est à ce prix qu'ils retrouveront toute leur dignité".

Le Secours Catholique s'est engagé en 1994 dans la démarche de son 50ème anniversaire. Il a choisi de saisir cette occasion pour définir son projet pour les années à venir. Ce projet se traduit par 3 axes.

POINT I : La démarche.

Après "avec les pauvres", "l'option préférentielle pour les pauvres" et "les pauvres acteurs", nous faisons un pas de plus pour un nouvel élan. Nous voulons aller plus loin et nous "associer avec les pauvres pour construire une société juste et fraternelle".

Ce pas de plus, nous le ferons en Eglise.

En effet, invitant les Evêques à la célébration du 50ème anniversaire le 8 septembre prochain à Bercy, le Secours Catholique leur écrivait : "Le plus important est la démarche qui veut nous donner l'occasion d'exprimer concrètement avec ces personnes une vision de l'homme et du monde. C'est en communion avec l'Eglise que le Secours Catholique situera les enjeux de son action".

Cette démarche est née de : - l'aggravation de la pauvreté, - d'une collaboration avec les Caritas du Tiers-Monde - de convictions communes.

I - Cette démarche est née de l'aggravation des pauvretés.

Après l'euphorie des trente glorieuses, où l'on espérait vaincre la pauvreté par le progrès, c'est aujourd'hui le désenchantement. Le climat vire au pessimisme : augmentation continue de la pauvreté, aggravation des situations de précarité, limites des politiques sociales, montée de l'individualisme...

Des tendances se dégagent des statistiques établies dans les permanences d'accueil des équipes du Secours Catholique. S'y ajoutent les constats que font nos homologues des Caritas quand ils nous rendent visite et vont dans les délégations.

En 19947 680.000 situations, représentant un total de 1.750.903 personnes en difficulté, sont venues nous trouver.

>• L'analyse de ces situations donne le profil moyen de ces personnes. Il s'agit :

- de français (82 %),
- vivant en milieu urbain (78 %),
- sans profession (43 %),
- peu préparé au marché du travail parce que sans formation professionnelle (69 %),
- de plus en plus jeune,
- et souvent sans adresse personnelle (24 %).

>• L'essentiel des ressources de ces personnes provient de prestations sociales. Mais seule une personne sur 4 percevait le RMI en 1994. 1 personne sur 4 également a des dettes (loyer, électricité). Fédération Française de la Presse Catholimm - 13 Juin Iflflfi

>- La complexité de ces situations, étroitement liées au problème de l'emploi, est telle que les Services Sociaux envoient au Secours Catholique les personnes dans 56 % des cas. Soit 10 % de plus qu’en 1993.

>• Nous rencontrons des jeunes de plus en plus précarisés (+ 3 %). La tranche d'âge en dessous de 40 ans représente 65 % des accueillis - Les moins de 25 ans, 19 %.

>• Sont également en augmentation :
- les femmes seules (+ 3%).
- les personnes non qualifiées (+ 3 %),
- les personnes sans profession (+ 6 %).

>• Parmi les 349.991 familles reçues en 1994, on comptait 165.089 familles monoparentales. Les familles nombreuses ont plus de difficulté que les autres, surtout celles dont le chef de famille a entre 25 et 39 ans. La pauvreté est donc forte à un âge où l'on a des charges et des responsabilités.

>• Les principales causes des situations de pauvreté sont :
- le travail ( 58 %)
- la famille (37 %)
- la santé (23 %)
- le logement (18 %).

Les jeunes et les femmes sont davantage touchés par le chômage et se paupérisent très rapidement lorsque les liens sociaux et la solidarité familiale font défaut.

Si le chômage de longue durée semble diminuer, le nombre de chômeurs, ne baisse que très légèrement. La délégation de Haute-Savoie indique qu'en 1991-92, le chômage concernait 48 % des accueillis et qu'en 1993-1994, il en touchait 63 % - avec toutefois, un léger recul en 1995. Rappelons les conséquences du chômage souvent observées : perte du logement, surendettement, problèmes de santé et problèmes familiaux.

Nous constatons un processus inexorable d'exclusion. Par ailleurs les interventions distributives et les actions individuelles ont montré leurs limites.

II - Cette démarche est née d'une collaboration avec les Caritas du Tiers-Monde :

Les représentants des Caritas qui sont nos homologues dans les pays étrangers, viennent nous voir et passent un certain temps dans les délégations, sont frappés, nous disent-ils par :

- la fracture familiale et sociale,
- Les jeunes en grande difficulté - qui portent des valeurs, mais n'ont pas d'espace pour les cultiver.
- les églises vides,
- L'Eglise perçue plus comme une institution que comme vecteur de valeurs,
- l'effet parfois pervers de la protection sociale qui risque de maintenir dans la dépendance, voire de créer l'assistanat.

- l'accroissement du nombre des pauvres face à une économie en pointe.

Pour l'Eglise - et donc pour le Secours Catholique et toutes les Caritas -faire advenir un monde solidaire qui n'est possible que dans une communion avec les pauvres, en approchant les personnes en tant que sujets plutôt qu'en objets d'aide et d'assistance :

Le Pape Jean Paul II disait il y a quelques années au Secours Catholique : "J'encourage votre souci de ne pas faire de l'homme un simple assisté, mais de l'aider à prendre en charge sa propre promotion. Vous voulez la dignité de vos frères, c'est cela l'amour".

Nous entretenons des relations privilégiées avec les Caritas, et travaillons avec elles non seulement au titre de l'action internationale, mais échangeons sur nos méthodes de travail respectives. Grâce à elles, dans les pays du Sud, les personnes en difficulté se prennent en charge.

Leur action nous interroge.

Ainsi, au Pérou, dans un contexte de violence politique, de pauvreté et de crise économique croissante, les jeunes se trouvaient sans espoir, sans h'eux de participation, ni alternative pour affronter les problèmes économiques et sociaux. La Caritas a démarré un programme dans la prélature de Sicuani qui s'engage à promouvoir le jeune en tant que protagoniste de la solution de ses problèmes. La pauvreté y est extrême et un certain nombre de facteurs limitent le développement : le climat, la situation géographique, le manque d'eau et la mauvaise qualité des terres font que les paysans arrivent tout juste à survivre.

Le programme mis en oeuvre par la Caritas a développé des projets porteurs d'emplois qui ont permis à 1.600 jeunes, répartis en 206 comités, de prendre place dans la société. Ce programme (serres, petits élevages, pépinières, Fédération Française de la Presse Catholiaue - 13 Juin 1996 Senours Cntliolinue lombiculture) a montré que les paysans indiens pouvaient même créer de "l'auto-emploi".

Aujourd'hui, les bénéficiaires commencent à ressentir de grands changements dans leur vie quotidienne : grâce aux serres horticoles implantées dans une région où n'avaient jamais été cultivés de légumes, on trouve maintenant des salades, des betteraves, des céleris, des choux, ce qui améliore le niveau de vie et la santé. Les jeunes se sentent maintenant capables, créateurs et sont reconnus dans leurs villages.

Comme ils ne peuvent résoudre le problème de la pauvreté seulement avec des revenus ou un emploi, ils réalisent un projet de formation intégrale qui permet de faire naître un homme nouveau, capable d'agir collectivement, établissant des consensus, assumant des responsabilités de citoyen face aux problèmes de son époque; Ils sont convaincus que, même dans une situation de pauvreté, ils peuvent transformer leurs communautés et y rester, car ils ont l'appui de celles-ci et de l'Eglise locale.

III - Cette démarche est née de convictions communes :

L'aggravation de la pauvreté, l'approfondissement de nos relations avec les Caritas, leur positionnement dans la transformation sociale ont permis des prises de conscience dans le réseau en France. L'ensemble de ces convictions a conduit à des changements progressifs dans les pratiques du réseau du Secours Catholique qui créent à leur tour des convictions. Un certain nombre de délégations du Secours Catholique se sont engagées depuis plusieurs années dans des changements de méthodes et de pratiques d'action. Elles doivent permettre de passer de la gestion de la misère à une lutte véritable contre ses causes.

Cette démarche comprend trois temps :

- Un temps de formation et d'analyse. Caritas nous aide à la formation des animateurs. Il s'agit d'approfondir deux dimensions : une vision à long terme qui vise la transformation sociale pour une société juste et fraternelle, un changement des regards sur les personnes les plus pauvres. Il faut parier sur la flamme de dignité humaine qui reste allumée chez eux.

- Un temps d'action : la qualité des actions prime. Toute action nouvelle est précédée d'une analyse sociale, puis d'un projet écrit. L'action n'est pas d'abord une réponse matérielle, mais une mobilisation des personnes. La première ressource est la personne humaine.

- Une évaluation permanente indispensable. Elle permet de faire le point, d'adapter en permanence les méthodes, les moyens utilisés, d'analyser et de mesurer les effets. Notre partenariat avec les Caritas est un processus en évolution, c'est une démarche à vivre et non une théorie à appliquer à n'importe quel prix.

Après 3 ans, nous sommes sur le chemin. Les changements sont perceptibles dans trois domaines :

- Un changement de regard sur les pays du Tiers-Monde. Les pays du Sud nous apportent quelque chose.

Nous avons équilibré la relation : ils reçoivent toujours (le financement des projets reste indispensable), mais surtout ils donnent. Nous apprenons l'humilité. Fédération Française de la Presse Catholiciue - 13 Juin 1996 Secours Catholique

- Une transformation du bénévolat. Les bénévoles ont toute leur place dans ce processus de transformation sociale. La bonne volonté ne suffit plus. Le bénévole doit véritablement s'engager à être formé. C'est une conversion.

- Une transformation chez les personnes en difficulté : "Je ne me serais jamais cru capable". Les personnes se mettent en route, agissent, prennent la parole, retrouvent leur dignité et développent de réelles solidarités.

Nous sommes conscients d'être au début de notre action. Notre vision à long terme nous force à l'optimisme. Nous sommes convaincus que nous changerons la vie des pauvres et par là nous changerons peut-être le monde.

Point II Les AXES

A la suite d'un processus participatif vécu ensemble en vraie coresponsabilité -Conseil d'Administration, Salariés et Responsables des délégations - le Secours Catholique dispose de 3 axes qui correspondent à un approfondissement de sa mission, donc de ses valeurs et principes. Ils sont précisés par des lignes d'action et des repères. Sans être spécifiquement nouveaux - étant le fruit d'une évolution au fil des ans due à la pratique et à la réflexion - ils développent une insistance particulière face à une fracture sociale en France et à l'étranger et dans une Eglise qui devient lentement minoritaire.

Le 8 septembre prochain, à Bercy, les personnes en difficulté seront parmi nous pour célébrer avec l'ensemble du Secours Catholique. Un certain nombre d’entre nous sont associées, au même titre que les Bénévoles et les salariés, à la préparation de ce rassemblement (acteurs, artisans de décors et de costumes...). 1er AXE : C'est l'axe du réseau : PROMOUVOIR DANS UN RESEAU OUVERT A TOUS, LA PLACE ET LA PAROLE DES PAUVRES, PAR DES ACTES CREATEURS DE DIGNITE, DE SOLIDARITE ET DE PARTAGE". Les réseaux du Secours Catholique, personnes en difficulté; donateurs, bénévoles, s'élargissent à tous ceux qui acceptent de s'engager, de mettre leurs talents, leurs compétences au service de l'action.

Ces réseaux donnent à chacun, aux personnes et aux groupes - par exemple aux 210 "groupes femmes" - la possibilité de prendre des responsabilités, de participer aux décisions, de témoigner de ce qui se vit. Le Secours Catholique veut porter une attention particulière aux jeunes. Quelques exemples parmi d'autres :

- Le 15 juin, aura lieu à Levallois l'inauguration par le Maire d'une fresque murale sur le Palais des Sports Gabriel Péri. Elle a été conçue et réalisée, sous la houlette d'un artiste bénévole, par des enfants ayant bénéficié soit d'accueil familial de vacances, soit de camps de vacances, soit de soutien scolaire. Ce sont eux également qui sont allés proposer leur projet au Maire.

- BAFA : Lors de camps de jeunes, le Secours Catholique prépare ceux qui le désirent au BAFA. A leur tour, ils font partie de l'équipe d'encadrement et ont souvent tout au long de l'année une responsabilité d'animation auprès d'enfants de leurs quartiers.

- Rencontres sportives de jeunes SDF : II y a 6 semaines, avec l'appui des délégations du Secours Catholique, 4 équipes de jeunes SDF se sont réunies à Tours le temps d'un week-end. Le samedi, grimés et costumés, les jeunes se sont mêlés à la foule du Carnaval. Le lendemain matin, ils se sont retrouvés sur un terrain de foot pour des matchs réguliers, mais sans complaisance. Excellente ambiance amicale et fraternelle.

- Action du Secours Catholique d'Epinal en faveur des jeunes de 18/25 ans sans emploi : A chaque jeune accueilli désirant travailler, il est proposé immédiatement un passage (6 mois en moyenne) dans des ateliers animés par des bénévoles.(Ex : atelier de menuiserie qui répare des meubles récupérés; une fois remis en état, ces meubles sont donnés à des familles dépourvues de moyens et connues du Secours Catholique). La rémunération nette est de 1.600 F pour 53 h de travail mensuel, accompagnée, bien sûr d'un bulletin de paie. Le jeune bénéficie d'un suivi régulier , en lien avec un réseau de partenaires locaux (CCAS, Permanence d'Accueil, d'Information et d'Orientation , CAF, DDASS, etc...).

Ilème AXE : C'est l'axe de l'action et de la transformation sociale concrètement pour que les choses changent : AGIR POUR LA TRANSFORMATION SOCIALE ET LÀ JUSTICE, A PARTIR DE L’ECHANGE AVEC LES PAUVRES, PAR LA REALISATION DE PROJETS ET L'ACTION INSTITUTIONNELLE AU PLAN LOCAL, NATIONAL et, AU SEIN DU RESEAU CARITAS, AU PLAN INTERNATIONAL.

L'imagination nous est indispensable pour agir efficacement. Elle doit s'accompagner de pédagogie et de construction dans la liberté afin de permettre un développement harmonieux des personnes. Nous voulons l'exercer dans le respect des rôles de chacun, des responsabilités qui lui sont confiées et non données. Le critère de réussite, c'est le développement des personnes, quel que soit le cas.

Deux exemples dans le domaine de l'emploi : l'un dans le Tiers-Monde, l'autre dans les Hauts-de-Seine.

Le Collectif Intégral de Développement de Lima, soutenu par la Conférence Episcopale et le Secours Catholique, nous a expliqué qu'à partir de 2.000 jeunes sans diplômes, elle en avait sélectionné 50 ayant à la fois les capacités et le désir de fonder une micro-entreprise, et leur avait mis en quelques mois le pied à l'étrier pour se lancer dans la confection, la menuiserie, le journalisme, la publicité, la vidéo ou l'informatique, tout en continuant, dans la plupart des cas, leurs études pour être capables de gérer la croissance de leur entreprise et de transmettre à leur tour ce qu'ils avaient reçu.

Les autres jeunes n'étaient pas pour autant abandonnés. Informés, orientés et accompagnés, ils sont sortis transformés de cette période, n'attendant plus rien de l'Etat et ayant pris conscience de leur responsabilité personnelle. Beaucoup ont trouvé un job, quelquefois dans la micro-entreprise d'un de leurs collègues de stage. L'autogénération d'emplois et la réinsertion sont ainsi le fruit de cette action placée sous le signe de la solidarité et de la prise de conscience des réalités économiques. Une belle leçon d'aide intelligente.

Plus près de nous, dans les Hauts de Seine, le Secours Catholique prête de l'argent à des porteurs de projets pour le développement ou la création d'une activité. Sans cette aide qui leur permet d'assurer le fonctionnement de leur activité, ils ne tarderaient guère à tomber dans la pauvreté. Il s'agit de prêts-relais, mais aussi d'un accompagnement par des bénévoles qui ont une expérience professionnelle. 45 micro-entreprises ont ainsi été créées par des chômeurs de longue durée et des RMIstes avec l'appui du Secours Catholique. Ces petites entreprises sont porteuses d'emplois. On a RENCONTRE des personnes, on leur a donné PLACE et PAROLE, on a CRU AU PROJET QU'ELLES ONT PRESENTE. ELLES ONT REPRIS CONFIANCE et sont parfois SOLIDAIRES A LEUR TOUR.

Le Secours Catholique s'associe aussi dans d'autres domaines aux personnes en difficulté. Deux exemples pour illustrer cela:

- Dans le domaine du logement : A Paris, des bénévoles chargés de l'accompagnement scolaire, des sorties découvertes ou de l'accueil familial de vacances, en se rendant au domicile des familles, ont constaté d'énormes problèmes de logement : exiguïté (15m2 pour 6 personnes), insalubrité, vétusté, instance d'expulsion, hôtel, etc...

Il a alors été décidé de créer un "groupe logement". 12 familles sont invitées, d'autres rejoindront le groupe. Dès le démarrage, les responsables précisent qu'il ne s'agit pas de trouver un appartement dans l'immédiat, mais de mettre les forces des membres du groupe en commun pour organiser les démarches de recherche de logement et essayer de trouver des solutions ensemble. Chacun expose sa situation; très vite, les familles communiquent entre elles. L'une d'elles nous confie : "Je me croyais bien mal logée, mais je me rends compte qu'il y a encore pire que moi". Chaque dossier est vérifié et examiné par les familles avec l'aide des bénévoles. Chaque semaine, les familles se tiennent au courant de l'évolution des contacts pris, ou des situations de voisins qui ont obtenu un logement social, échangent des informations.

Elles invitent le Président de la délégation du Secours Catholique de Paris et la responsable chargée du logement pour les tenir informés de leurs difficultés; des questions sont posées sur le cheminement d'un dossier HLM, les critères d'attribution des logements, le calcul des différentes prestations. Plusieurs pistes à suivre sont proposées. Parallèlement, un courrier est adressé aux assistantes sociales pour les informer de l'existence du groupe. Toutes proposent leur appui.

L'attribution d'un logement Périssol pour une des familles remonte le mora] des autres et les encourage à poursuivre leurs démarches. L'une d'elles propose même à une autre de prendre le relais du logement qu'elle quitte prochainement. Tout dernièrement, une élue de l'arrondissement, sensible aux problèmes de ces familles a répondu à leur demande de rendez-vous et le soutien qu'elle promet est un véritable encouragement pour chacun.

A Grenoble, une équipe du Secours Catholique s'est associée à un projet de coopérative alimentaire de plusieurs familles. Ce sont elles qui sont responsables de la bonne marche du projet. Le Secours Catholique, quant à lui, s'est chargé de trouver un local.

Agir pour la transformation sociale, c'est aussi dénoncer les injustices auprès des pouvoirs publics et de l'opinion, proposer des solutions précises et concrètes respectant la dignité de tous, dans la ligne de l'enseignement social de l'Eglise.

C'est la raison pour laquelle nous considérons la communication comme une véritable action du Secours Catholique. Nous avons le devoir d'informer sur des réalités.

Notre action institutionnelle auprès du Président de la République, après la dernière élection présidentielle, nous a permis de l'alerter sur les questions d'emploi, de logement ou sur celle du statut des réfugiés.

Nous conduirons ces actions avec les pauvres qui sont des citoyens à part entière et avec les équipes locales. C'est d'ailleurs parfois déjà le cas. Ainsi, le Secours Catholique a rencontré le 24 avril dernier le Premier Ministre et était représenté, entre autres personnes, par un "porteur de projet" des Hauts-de-Seine.

C'est indispensable pour que les pauvres soient respectés et considérés.

En ce qui concerne l'international, le Secours Catholique mène des actions institutionnelles toujours en lien avec les Caritas, comme actuellement au sujet du Sri Lanka et du Soudan. Ce pays vient enfin d'être condamné par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Nous nous associons en ce domaine au plan de travail de notre Confédération qui met fortement en avant l'action institutionnelle internationale.

Illème AXE : C'est l'axe de notre enracinement en Eglise :

"VIVRE, PAR L'ACTION ET LA PAROLE ES PAUVRES, LA MISSION REÇUE EN EGLISE, POUR RENDRE DIEU PRESENT PARMI LES HOMMES ET TEMOIGNER DE L'EVANGILE.

L'Eglise nous confie une mission. Nous participons à notre manière à l’évangélisation Il s'agit de contribuer à revitaliser l'Eglise par nos actions et d'agir auprès du plus grand nombre comme nous le dit avec force l'article premier de nos statuts. Oeuvrer en faveur des pauvres n'est pas facultatif pour la communauté chrétienne. Aussi, le Secours Catholique doit-il chercher à informer et susciter toujours plus de vocations dans l'action auprès des personnes en difficulté.

Il est souvent le seul point de contact entre les pauvres et l'Eglise et l'action qu'il mène auprès d'eux leur pose, plus souvent qu'on ne l'imagine, bien des questions. Des discussions s'ensuivent qui se terminent parfois par une demande de catéchèse ou un baptême.

Cela a été le cas de Stéphane G... Il a 23 ans à son arrivée à D... C'est un jeune, démuni, handicapé physique sous tutelle juridique. Il fréquentera très rapidement l'équipe locale.

Dans ce groupe, un temps de prière est proposé à la fin de la permanence chaque semaine à l'initiative d'un oblat d'une abbaye bénédictine.

Stéphane y participe, et très vite demandera le baptême. Le curé de la paroisse lui propose de participer au groupe de catéchumènes du secteur. Stéphane s'y sent mal à l'aise. Cependant il désire continuer.

Un enseignement catéchétique plus personnel lui est dispensé au sein de l'équipe du Secours Catholique. Il continue son initiation religieuse pendant deux années soutenu par l'équipe, plus particulièrement par deux religieuses. Il se montre assidu, attentif à la parole de Dieu qu'il découvre, mais dont il vit depuis longtemps dans son accueil aux autres et dans le partage du peu qu'il possède, parfois même inconsidérément. Il est baptisé par le Vicaire Général. Afin de lui permettre de continuer la fête chez lui, l'équipe est intervenue auprès de son tuteur. L'administration prenant part à la joie de Stéphane s'est montrée généreuse et a participé à des achats alimentaires qui ont permis à Stéphane de partager un repas avec ses amis.

Même plus modestement, l'action des bénévoles interpelle les accueillis et provoque des questions : "Pourquoi fais-tu cela?", des remarques - "Tu as de la chance : tu travailles pour ton Dieu", "s'ils font cela, c'est qu'ils croient" - et des discussions entre personnes de confessions différentes.

Parfois aussi, ce sont les bénévoles qui sont évangélisés par ceux qu'ils aident :

- Monsieur et Madame D., famille d'accueil, ont reçu plusieurs années des enfants pendant les vacances. Monsieur D. meurt en juin. Apprenant la nouvelle, la famille dont elle avait accueilli les enfants, arrive chez elle et l'aide à faire la moisson. Madame D. Nous dit : "J'ai trouvé une solidarité que je n'ai pas trouvée ailleurs, même pas dans ma propre famille!"

- Une jeune fille Rose-Marie, toxicomane, sort de l'hôpital psychiatrique. Délaissée par sa famille, elle meurt. La déléguée veut lui organiser une cérémonie religieuse. Un SDF l'aide à tout organiser et un prêtre dira la Messe.

POINT III : QUELQUES POINTS D'ALERTE :

Mgr Duval, Président de la Conférence des Evêques de France, nous a adressé un message nous engageant à "suivre l'exemple de Jésus-Christ avec audace et courage" dans la mise en oeuvre de notre thème "s'associer avec les pauvres pour construire une société juste et fraternelle".

Nous prenons donc à bras le coeur la mission ainsi renouvelée. Nous savons que nous aurons à affronter un bon nombre de problèmes que ce soit en France, à l'étranger ou même au sein de notre association. Pour n'en citer que quelques uns : la précarisation, la pauvreté dans le Tiers-Monde.

- A LA PRECARISATION

Quelques chiffres inquiétants indiquent que de 1985 à 1990 le nombre des admissions en hôpital psychiatrique a été multiplié par 3.

Celui des suicides a augmenté d'1/3.

Le nombre de Français seuls est de 6 millions (2 fois plus qu'en 1960).

3 arrestations de toxicomanes sur 4 concernent des jeunes de moins de 25 ans.

Parlons rapidement de 3 populations touchées par la précarisation :

1 - Les jeunes en difficulté :

Ils sont de plus en plus nombreux dans nos accueils. Cela ressort nettement de notre dossier élaboré dans la perspective de la loi-programme contre l'exclusion. Une situation sur cinq concerne un jeune de moins de 25 ans.

Ces jeunes sont une préoccupation générale dans l'ensemble du Secours Catholique. Tant M. Raoult que Mgr Duval ont été frappés par notre alerte.

2 - Les chômeurs :

La faiblesse de la qualification professionnelle des accueillis du Secours Catholique en fait des chômeurs désignés par avance, du moins pour la majorité d'entre eux.
Mais chômage ne veut pas dire absence d'activité. Les dramatiques stratégies de survie qui se développent dans les banlieues, en particulier par le commerce de la drogue et l'organisation de mafias sont inquiétantes. C'est un domaine où la lassitude peut atteindre les bénévoles.

3 - Les étrangers et les immigrés :

La France a toujours fondé sa politique sur une logique d'intégration souvent douloureuse mais efficace fondée sur le principe d'égalité. Elle a toujours rejeté l'intégration communautaire dans la durée. Notre système est actuellement moins efficace. C'est un domaine où les droits de l'homme, quelles que soient les époques, n'ont pas toujours été parfaitement respectés.

Le Secours Catholique accueille 18 % d'étrangers - soit trois fois plus en proportion, car il y a 6 % d'étrangers sur le territoire national - et un grand nombre d'immigrés français. Il ne faut pas être naïf : cet accueil n'est pas toujours facile pour les Délégations et les bénévoles.

La stigmatisation des étrangers en situation irrégulière peut légitimement inquiéter certaines de nos équipes lorsque des projets de lois mal expliqués peuvent faire confondre l'aide à des irréguliers avec l'aide à des terroristes. Ce n'est pas le Secours Catholique qui fait venir en France des étrangers ; il fait partie de ceux qui doivent les accueillir sans contribuer à les faire rêver, s'ils sont clandestins ou irréguliers. Il faut aussi relever des pratiques administratives abusives tant à l'entrée que lors d'expulsions.

Le Secours Catholique essaie tant bien que mal de contribuer à l'intégration de ces personnes, lorsqu'elles sont françaises ou en situation régulière ou régularisables. C'est une activité qui concerne de très nombreux bénévoles auxquels il faut apporter soutien et formation.

- B - LA PAUVRETE DANS LE TIERS MONDE

Les maux dont souffrent les habitants de ces pays proviennent de deux causes principales :

- La nature
- L'homme

1.- La pauvreté due à la nature :

Depuis trois décennies, la fréquence des cyclones, sécheresses, inondations, avalanches, feux de forêt, raz de marée, tremblements de terre a, selon l'ONU, été multipliée par 4.

Ces catastrophes touchent également un nombre plus élevé de personnes, et de personnes pauvres, car 9 désastres sur 10 concernent des pays sous-développés des zones tropicales où la démographie croissante met des populations plus nombreuses à la merci des phénomènes naturels.

Et les conséquences de ces derniers sont d'autant moins maîtrisées que les pays ont peu les moyens de financer des investissements pour la prévention et pour compenser les pertes. Ces catastrophes appauvrissent les pauvres.

(Aide du Secours Catholique en 1995 : 57programmes dont des programmes de prévention : abris anticycloniques au Bangladesh, programme d'animation et de formation des communautés villageoises vivant à proximité du volcan Pinatubo aux Philippines).

Autre désastre : la désertification qui a pour conséquence l'exode de populations que l'on pourrait appeler "les réfugiés de l'environnement", qui ont fui inondations ou sécheresse. Ils sont 25 millions et leur nombre s'accroît de 2 millions par an.

Ceci implique des risques de déstabilisation économique et sociale (urbanisation) au sein de nombreux pays du Sud et une pression sur les frontières des pays riches du Nord.

(Les Caritas de 5 pays pauvres d'Afrique Australe ont lancé un appel d'urgence au réseau Caritas pour lutter contre les situations de famine : 1.000.000F).

2.- Pauvreté due aux hommes :

Depuis 50 ans, une centaine de conflits armés ont ensanglanté le monde et forcé un grand nombre de civils à fuir leur foyer, et ce à une échelle sans précédent : c'est le paradoxe d'une époque où la défense des droits de l'homme est souvent proclamée, mais où les particularités ethniques et les intérêts nationaux mal compris règlent les comportements, sans respect de références morales de base pourtant reconnues comme universelles.

En 1995, on dénombrait 30 conflits ouverts; tous sauf 4 sont des guerres civiles.

a - Les conflits :

On compte 18 millions de réfugiés victimes de conflits, ayant dû fuir leur lieu de vie pour survivre. Au nombre de ces réfugiés "classiques" politiques, ethniques, sociaux ou religieux, il faut ajouter celui des personnes déplacées dans leur propre pays.

Le Secours Catholique a soutenu l'an dernier, 69 programmes pour venir en aide aux victimes de conflits concernant 23 pays différents pour une somme de 23.532.000 F (Principaux bénéficiaires de cette aide : Rwanda, Balkans, Libéria, Sierra Leone, Somalie).

b - La stupidité et la volonté de possession de richesses

- ainsi le statut de la femme en Inde,
- l'exploitation des enfants,
- l'oppression économique (dette des pays pauvres)
- l'oppression religieuse (Soudan), etc...


CONCLUSION

S'associer avec les pauvres pour construire une société juste et fraternelle" est donc bien une démarche concrète que vivent et vont vivre le réseau, les réseaux du Secours Catholique, dans l'esprit de l'Evangile qui est une proposition, une liberté.

Nous croyons que tout homme est une histoire sacrée, que la charité crie justice. Chacun doit et peut être associé à la construction de ce monde, à la création à laquelle Dieu invite l'homme dès les premières pages de la Bible, dans le premier livre de la Bible, celui de la Genèse que nous avons lu lors de la vigile de Pâques.

C'est en Eglise et au sein de la société, en France et à l'étranger que nous engageons tous en ensemble ce combat contre la pauvreté : la pauvreté est un mal. Il faut la combattre, tous ensemble.

Denis VIENOT