SECOURS CATHOLIQUE
Paris, le 30 janvier 1996
LE SECRETAIRE GENERAL
Le secours catholique évolue
Intervention de Denis VIENOT
Journées Nationales d'Etude à Lourdes
Février 1996


Les deux dernières années sont à marquer d'une pierre blanche, pour le Secours Catholique. En 1994 les Evêques de France se sont- engagés dans la voie de la Solidarité. Leur texte publié en novembre invite à la mise en oeuvre pour «le. développement intégral de l'homme dans notre pays et dans le monde entier ».

Le 27 octobre 1995, Jean Paul II s'adressait aux membres de l'Assemblée Générale de Cor Unum : « L'éradication de la pauvreté ne sera réalisée sérieusement que lorsque les pauvres eux-mêmes pourront prendre leur sort en main, lorsqu'ils seront associés à la conception et à la mise en oeuvre des programmes qui les concernent directement. C'est à ce prix qu'ils retrouveront toute leur dignité. ».

Le Secours Catholique s'est engagé en 1994 dans la démarche de son 50ème anniversaire. Il a choisi de saisir cette occasion pour définir son projet pour les années à venir. Jean Rodhain, notre fondateur affirme :

«Dans un monde dont l'économie se modifie, dont la géographie politique change de formes, dont la législation devient tantôt plus communautaire, tantôt plus, étatique, la Charité véritable doit rester sans cesse aux aguets, pour être non seulement présente, mais en avant ».

Suite au processus participatif vécu ensemble en vraie coresponsabilité, nous disposons d'axes, de lignes d'actions et de repères qui sont maintenant notre cap. Ils manifestent notre mission d'Eglise ; ils s'inscrivent dans les évolutions d'un réseau solidaire des pauvres, comme le montrent ses réalisations depuis 50 ans. L'élaboration des axes par le débat et la réflexion, leui proclamation, ici à Lourdes, nous engagent à agir, là où nous sommes, avec ces fondements communs.

Par un curieux hasard l'ONU a déclaré 1996, année internationale pour l'élimination de la pauvreté. Est-ce vraiment un hasard compte tenu des constats dramatiques exposés lors du Sommet Mondial pour le Développement Social de Copenhague en 1995 ?

Plus d'un milliard trois cents millions de personnes vivent avec moins de 5 francs par jour ; cela fait trois cents millions de plus qu'il y a 5 ans. Le Secrétaire Général des Nations Unies en ajoute d'autres : un milliard de personnes sont privées d'eau potable ; trois millions meurent chaque année de maladies évitables comme le paludisme ou la tuberculose ; cent trente millions d'enfants, en majorité des filles, ne sont pas scolarisés. Nous connaissons bien ces constats et les réalités locales vécues dans le réseau du Secours Catholique en France et avec les Caritas.

Le programme de cette année des Nations Unies invite les organisations internationales, les Etats et les collectivités locales, la société civile, à s'engager concrètement.

De nombreux principes d'actions sont dégagés. Deux d'entre eux sont particulièrement éclairants :

>- Eliminer la pauvreté suppose que chacun ait accès aux services de base et puisse participer à la vie économique, sociale, culturelle et politique.

>- Eliminer la pauvreté suppose que soient élaborés, mis en oeuvre et suivis avec la pleine participation des personnes vivant dans la pauvreté, des stratégies et des programmes pertinents.

Nous sommes donc aujourd'hui au confluent de plusieurs courants : l'Eglise invite à l'action, la communauté internationale et les Etats se mobilisent, nous-mêmes avec nos actions et nos constats, sommes stimulés et mobilisés de l'intérieur et de l'extérieur, et bien évidemment le pauvre qui appelle chacun à devenir «prochain ».

Les hommes et les femmes de notre humanité sont à la recherche d'un sens à leur vie. L'Eglise reconnaît en Jésus Christ, homme "et Dieu au milieu de nous, mort et ressuscité, le sens du devenir de l'humanité. Comme service d'Eglise, le Secours Catholique est porteur d'une partie du sens de l'histoire que l'Eglise porte en elle. Il a la conviction et témoigne que l'Amour est plus for< que les détresses et les injustices. Notre volonté de nous associer avec les pauvres poui construire une société juste et fraternelle donne sens aux pauvres eux-mêmes : ils peuvent compter sur nous pour que l'Espérance prenne le visage d'hommes et de femmes solidaires de leur condition, de leurs projets et du respect de leur dignité.

En ouvrant par ces Journées d'Etude l'année de son 50ème anniversaire, le Secours Catholique engage son avenir à partir de convictions communes qui le conduiront à évoluer dans l'Unité el l'Espérance.

Unité veut dire former un ensemble cohérent, un tout. C'est une qualité qui se vit dans la démarche globale, les relations transversales et verticales, une qualité qui sert au bien de l'ensemble et à la vérité de l'exercice de la mission. «L'unité est un don de Dieu, une grâce qu'il nous faut demander » (Jean Paul II).

L'Espérance nous mobilise ici et maintenant, car Dieu nous associe dès maintenant à la construction de son Royaume. L'Espérance s'enracine dans notre vie terrestre et en même temps préfigure l'éternité. L'Espérance chrétienne est inaugurée par les Béatitudes qui tracent le chemin à travers les difficultés et les épreuves, les moments de joie et de bonheur. Notre Espérance, c'est le développement intégral de tout homme, de tout frère, de toute soeur que Dieu appelle, chacun, chacune, par son nom, que Dieu veut associer à sa création et à son Royaume.

I - NOS CONVICTIONS COMMUNES

Elles vivent aujoud'hui et pour l'avenir par la démarche : « S'associer avec les pauvres pour construire une société juste et fraternelle ».
1. Elles ont été forgées ensemble dans la durée, par la pratique et la réflexion.

-* Le Secours Catholique est un organisme concret. Sa grille d'action le dit. Tout part de l'accueil. L'analyse des causes de pauvreté en résulte, puis, la collaboration avec les pauvres, le travail avec les autres, l'éveil et l'alerte des opinions publiques, l'action institutionnelle, des actes et des signes qui parlent.

-» Notre mission est d'Eglise. «Elle est reçue en Eglise» comme le dit Mgr Albert ROUET.

Mgr DEFOIS disait en 1980 :

«Le Secours Catholique n'est pas votre oeuvre. Il appartient à l'Eglise. Vous devez être les serviteurs de l'Eglise. (...) Vous êtes engagés dans la Foi de l'Eglise et donc dans la mission de l'Eglise (...). Vous avez au niveau des Délégations une responsabilité, c'est d'ouvrir l'Eglise locale aux pauvretés ».

Et le Père Raymond IZARD disait en 1981 - il était à l'époque Aumônier Général du Secours Catholique - :

«Au niveau de l'esprit, des orientations et des choix ce n'est pas le service des pauvres qui est notre signe particulier, c'est le choix, la préférence des plus pauvres ». Et cela au nom même des choix du Christ. « Les plus pauvres, les plus exclus, les plus opprimés, les plus oubliés sont ceux qu'il choisit et qu'il aide ».

Sur cette conviction d'Eglise, le Secours Catholique a avancé depuis des années. L'évolution des mots utilisés en est l'un des symboles. Dans les années 70 il parlait de « avec les pauvres ». Puis nous avons organisé des Journées d'Etude sur le thème de « l'option préférentielle pour les pauvres », et de «pauvre acteur » ; c'était dans les années 85-90. S'associer avec les pauvres était déjà l'un des enjeux de la 5ème décennie du Secours Catholique.

Nous sommes là au coeur de la doctrine sociale de l'Eglise, de ses évolutions depuis un siècle, de Rerum Novarum aux dernières encycliques de Jean Paul II, avec comme point central les textes de Vatican II et particulièrement Gaudium et Spes.

L'évolution des réalités de pauvretés, l'augmentation du nombre des pauvres et nos moyens limités face à ces phénomènes ont créé des dynamiques nouvelles. Pensons à la montée du chômage, aux problèmes de logement, à l'apparition d'une population nouvelle de femmes seules avec enfants, à l'arrêt de l'immigration en 1974 et aux difficultés croissantes du regroupement familial, à la situation des étrangers, à la montée des jeunes en difficulté, à l'urbanisation et à la désertification rurale. L'action institutionnelle nous a conduits à approfondir les causes et les enjeux.

De même les évolutions dans le Tiers Monde puis en Europe de l'Est nous ont engagés au service des Caritas, ces organismes de pastorale sociale qui se sont orientés de plus en plus dans l'action de développement et de promotion humaine.

L'approfondissement de nos relations avec elles, leur positionnement dans la transformation sociale ont permis des prises de conscience dans le réseau en France. Le Père Yvon Ambroise, Ancien Secrétaire Général de Caritas Inde dit dans le dernier numéro de Messages :

«La transformation sociale, c'est favoriser un changement de situation qui nt puisse plus permettre à deux personnes de s'approprier le repas destiné à plusieurs convives (...). La Foi pour moi est nécessaire car dans cette expérience de travail avec les pauvres, elle me conduit à une vision de ce qui devrait exister. Dieu ne veut pas de ce type de société où les hommes souffrent. Il veut une société plus juste, plus humaine ».

L'ensemble de ces convictions a conduit à des changements progressifs dans les pratiques du réseau qui créent à leur tour des convictions. Intervention de D. VIENOT - JNL 1996 Secours Catholiqiu

Le développement des groupes conviviaux, des groupements d'alimentation familiale, des activités collectives, est certainement l'un des phénomènes majeurs de ces dernières années et qui a permis et permet un vivre ensemble, débul indispensable de l'association avec les pauvres. Comme nous l'a dit Nicolas, le Secrétaire Général du GAF (Groupement Amitié et Fraternité) de Toulouse, qui rassemble des SDF : « Apporter une idée c'est déjà décider ». Dans ce cadre là, la politique des secours a évolué.

L'action Institutionnelle organisée a pris son essor dès avant 1980 et s'est peu à peu développée, par étapes, jusqu'aux dernières élections municipales où de nombreuses équipes se sont adressées aux candidats.

Dans ces domaines tout n'est pas facile. Nous rencontrons de nombreuses peurs ou des remises en cause de pratiques. C'est par le fondamental que nous avancerons : réaffirmer notre visée de promotion des personnes face à l'inacceptable de la pauvreté.

Notre communication a été dynamisée depuis la grande cause nationale de 1988 : « Déchaîne ton coeur ! ».

Ces dernières années nous voyons naître des dynamismes nouveaux, des projets nouveaux autour du travail, de l'insertion, du logement, des projets collectifs, l'accompagnement des malades du SIDA, le rôle grandissant de la Cité Saint Pierre dans l'accueil de groupes engagés dans une démarche d'Espérance et associant personnes en difficultés les plus diverses et bénévoles. Il en est de même avec les témoins des Caritas, qui cette année participent à ces J.N.L. et que je remercie très chaleureusement. Plusieurs d'entre eux font partie d'équipes qui ont développé des logiques de travail sur un territoire ou de planification stratégique.

C'est ensemble que nous avons vécu et élaboré nos convictions. Les Caritas y sont contributives. Leur place dans le 40ème anniversaire, dans presque toutes les Délégations a souvent servi de détonateur.

« S'associer avec les pauvres » nous met dans le registre de la reconnaissance, de la création de relations et d'Espérance.

« S'associer avec les pauvres », c'est engager ensemble une action commune et c'est se déclarer solidaire. Jésus s'associe aux plus pauvres au point de s'identifier à eux, comme le dit le texte du Jugement dernier, au chapitre 25 de l'Evangile de Mathieu, que l'on peut paraphraser en disant : « J'étais différent et vous m'avez parlé ».

« S'associer avec les pauvres », cela bouscule nos frontières : le jeune homme riche qui n'ose pas, les invités au festin qui ont d'autres occupations, le Samaritain qui, lui, bouscule son planning de voyage. S'associer, ce n'est pas mettre des garde-fous, car l'Amour-Charité fait tomber les barrières.

S'associer, c'est faire confiance, c'est construire une société de confiance et d'échange, une société qui veut faire grandir tout le monde, sans laisser quelqu'un de côté, sans laisser des brebis perdues à la dérive.

S'associer, c'est développer des réseaux de confiance au Secours Catholique et dans la société, avec les pauvres.

C'est donc reconnaître l'autre dans sa dignité, et le faire exister. C'est accepter d'être transformé par l'autre.

L'Eglise dès ses débuts se fonde sur cette association. Jean Rodhain écrit :

«L'Eglise naissante arrive à peine à Rome, que ce sont des esclaves comme Calixte qui succèdent à Pierre et que l'Empire romain s'inquiète - pour son économie, pour ses structures sociales - de voir l'esclavage ébranlé par cette charité des chrétiens qui aiment les esclaves comme des frères. Rome s'inquiète, non pas d'un culte nouveau, non pas d'une technique nouvelle, mais d'une charité qui lui parait - et elle l'est - plus révolutionnaire que toutes les techniques ».

-» « Construire une société » nous met dans le registre de la transformation sociale par le concret de la vie, l'aide, le soutien, le projet et par l'exercice d'une action citoyenne en exerça'nt notre rôle classique et fondamental de veilleur et d'éveilleur et par le témoignage, la communication et l'action institutionnelle. « Construire », c'est fonder une vie de relations. Comme une maison construite de matériaux différents et indispensables, « construire » donne vie à une société, transforme les relations, la vie, la société.

Notre Dieu est un créateur de créateurs. Les Carmélites de Mazille nous l'ont dit dans leur prière. Nous savons que nous construisons avec Dieu, en Eglise. C'est le sens profond de la présence de ces religieuses avec nous pendant ces JNL.

-» « Juste » nous met dans le triple registre de la Charité, de la solidarité et de la justice. Cela appelle à réfléchir à l'égalité et à l'équité, en particulier face à la pauvreté. Egalement à l'inter-équité, et à l'échange, comme nous l'a dit Mgr Albert ROUET.

-» H Fraternelle » nous met dans le registre de l'Amour qui est don de Dieu, du «Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». C'est l'humanisation de la société qui la rend moins rigoureuse et moins froide. Une société sans Amour et sans fraternité serait insupportable. C'est pour cela que les institutions, nos structures du Secours Catholique ne doivent pas seulement être gérées professionnellement, bien organisées, mais doivent respirer la fraternité et finalement l'Amour de Dieu à travers l'association avec les pauvres.

2. Ces convictions nous allons les prolonger ensemble.

Ensemble, pour nous et les Caritas, cela veut dire dans l'esprit de l'Assemblée Générale de Caritas Internationalis de mai 1995. Son message final dit :

« A travers les communautés de base, les familles et les jeunes et avec toutes les personnes de bonne volonté, Caritas s'oppose à une culture du chacun pour soi qui caractérise notre monde. Caritas soutient activement la promotion de la dignité humaine et contribue à la construction d'une société plus juste basée sur un partage équitable des biens du monde.

(...) Ces résolutions exigent de notre part une formation approfondie, une meilleure représentation de nos analyses et de nos actions auprès des instances internationales, ainsi qu'une amélioration de nos communications internes ei externes ».

Prolonger nos convictions ensemble, cela se fera sur cinq voies au moins :

1° Voie : La place des pauvres dans l'Alliance

Ils y ont leur place avec tous, dans cette Alliance entre Dieu et son peuple, scellé* avec Abraham et renouvelée avec le Christ. N'ayons pas peur de l'accueil de tous, de celui de l'ouvrier de la dernière heure, car la Charité est plus forte que la Justice elle est plus juste que la Justice comme le dit cette parabole. L'Alliance est bien une association.

2° Voie : La nécessaire action face aux défis.

>- Les travaux de la session des cadres de Meschers en mars 1995 ont dégagé des défis liés à nos réponses et aux initiatives à prendre. En voici deux :

1. Inventer des micro-systèmes communautaires qui favorisent la participation e< la recherche de sens.

2. Agir vers ceux que l'on ne voit pas ou qui ne viennent pas vers nous.

>• Le Groupe Prospective et Recherche a publié en juillet 1995 une étude qui met en avant des éléments pour un plan stratégique. En voici deux :

1. La dimension internationale doit s'amplifier avec le réseau Caritas. Elle ne pourra pas se décliner en actions, urgence et développement, mais elle doit raisonner en termes d'Homme, de communauté, de dignité des personnes souffrantes. La dichotomie entre l'urgence et le développement n'aura plus de sens.

2. Le travail sur les méthodes est à poursuivre car il renforce l'unité du Secours Catholique. Travailler sur la méthode de projet, planifier, développer le travail communautaire.

>• Le plan de travail de Caritas Internationalis pour 1995-1999 expose quatre domaines prioritaires d'action :

1. L'analyse des causes d'exclusion et de marginalisation : Nous retrouvons ici la préoccupation face à la domination de l'approche économique dans les processus politiques de décision au plan national et international. Il faut y donner place au social, comme partie intégrante de ces choix, et non comme un sujet traité en seconde place, comme une série de conséquences à gérer le moins mal possible.

2. La promotion de la réconciliation, de la non-violence, de l'intolérance religieuse et de l'éducation à la paix, à la gestion des conflits, à la résolution des conflits ethniques.

3. Les migrants, les réfugiés, les personnes déplacées.

4. La réponse aux situations d'urgence. Le Secours Catholique intégrera ces 4 domaines et ainsi contribuera mieux à la vie de l'ensemble de notre Confédération. C'est notre façon concrète de vivre en Eglise Universelle.

3° Voie : La promotion de l'homme

C'est un des éléments les plus importants de notre démarche. Cette promotion est délibérément articulée à notre Foi, et à l'universalité de la Foi. La Charte de la Solidarité adoptée par l'Assemblée Plénière des Evêques de France en 1988 le dit clairement dans un paragraphe consacré à l'annonce de la « Bonne Nouvelle » :

«Les chrétiens, réellement solidaires de l'aventure humaine, seraient infidèles à leur mission et perdraient leur crédibilité s'ils se désintéressaient du développement authentique. Ce développement, conforme à la vocation intégrale de tout homme et de tous les hommes, comporte des dimensions économiques, sociales, techniques, culturelles, morales et spirituelles ».

Jean-Marie PETITCLERC parle de la relation «plus - plus» dans laquelle les différences sont reconnues : « Aimez votre prochain comme vous-même ». Cela débouche sur les 3 voies de l'insertion qu'il évoque : accompagnement individuel, soutien aux groupes, interpellation.

4° Voie : L'identité du Secours Catholique Celui-ci est clairement inscrit dans l'histoire de l'Eglise, au XXème siècle pour l'instant, au XXIème siècle pour un peu plus tard. Dans l'environnement actuel où tout égale un peu tout, il s'inscrit dans la visée d'une société juste et fraternelle.

Il n'est donc pas une ONG, pas une organisation humanitaire, pas une organisation de solidarité internationale. Il est un service d'Eglise, une association publique de fidèles recevant sa mission en Eglise.

Cette identité est parfois difficile à communiquer avec les mots du grand public. Quels mots employer pour bien se faire comprendre ? Trouvons les moyens de cette identité vraie ; ce n'est pas une fausse identité. Il faut la dire. Elle correspond è notre volonté d'affirmer par l'action ce sens lié à la fraternité, à la transformation sociale qui vise à la mise en oeuvre concrète de la charité, de la solidarité et de la justice, à la suite du Christ.

5° Voie: L'année 1999, l'année de la Charité.

Dans sa lettre apostolique sur la préparation du Jubilé de l'an 2000, le Pape Jean Paul II engage à une démarche pédagogique progressive.

Il fait de 1999 une année centrée sur le cheminement vers le Père dans un parcours de conversion. Le Pape souligne la nécessité de mettre en relief la Charité avec son double visage d'amour pour Dieu et d'amour pour les frères. La Charité dit-il est la synthèse de la vie morale du croyant, et a en Dieu sa source et son aboutissement.

Jean Paul II écrit :

« Dans cette perspective, nous rappelant que Jésus est venu "annoncer la Bonnt Nouvelle aux pauvres", comment ne pas souligner plus nettement l'option préférentielle de l'Eglise pour les pauvres et les exclus ? On doit même dire qut l'engagement pour la justice et pour la paix en un monde comme le nôtre, marqut par tant de conflits et par d'intolérables inégalités sociales et économiques, est un aspect caractéristique de la préparation et de la célébration du Jubilé. Ainsi, dans l'esprit du Livre du Lévitique, les chrétiens devront se faire la voix de tous les pauvres du inonde (...) ».

Le Secours Catholique saisira l'occasion de cette année, en Eglise, pour s'associer à une pastorale sociale où les pauvres auront une vraie place.

Ces 5 voies, la place des pauvres dans l'Alliance et l'année de la Charité en 1999, l'action face aux défis, la promotion de l'homme et l'affirmation de notre identité, traceront l'approfondissement de nos convictions dans la mise en oeuvre, en partenariat avec d'autres. Notre projet est le signe de notre refus d'être auto-centres alors que le sens profond de notre mission nous invite à prendre des risques ensemble. L'Evangile nous y appelle, l'Eglise et les pauvres nous y engagent.

II - EVOLUER DANS L'UNITE ET L'ESPERANCE

Les trois axes du Secours Catholique sont maintenant, avec nos lignes d'action et nos repères, le cap que nous allons suivre. C'est à travers eux qu'il faut envisager l'avenir, enrichis entre autres des « Points à débattre » figurant en annexe à notre document d'orientation.

Chaque axe a un sens profond qu'il faut rappeler pour voir les évolutions nécessaires, les chantiers où il conviendra de s'engager.

1. Evoluer selon le premier axe ; « Promouvoir, dans un réseau ouvert à tous la place et la parole des pauvres, par des actes créateurs de dignité, de solidarités et de partage. »

Le Secours Catholique est en effet un réseau où se croisent les diversités des personnes, tant en France que chez les Caritas.

>- Les acteurs sont différents : personnes en difficulté, bénévoles, donateurs, salariés, Caritas. Une grande diversité à respecter.

-» Certains veulent aller de l'avant, d'autres moins. Certains sont plus créatifs, d'autres plus prudents. Parfois la peur freine l'audace.

-* Certains sont plus centrés sur le local, d'autres sur le national ou l'international, le monde.

-» Certains sont plus attirés par la relation individuelle, la famille restreinte, d'autres par le collectif ou le communautaire.

-» Certains privilégient la démarche morale, d'autres la démarche politique.

-» Certains vivent une pauvreté matérielle, certains une pauvreté affective, spirituelle. D'autres, et c'est fréquent, cumulent ; d'autres découvrent d'abord la pauvreté chez le prochain qui les appelle.

-* Certains ont une Foi de roc, d'autres doutent, cherchent ; certains découvrent le Christ par le pauvre ; d'autres se scandalisent de la souffrance du pauvre, de sa marginalisation.

Toutes ces démarches se croisent chez les uns et les autres, parfois en chacun de nous, plus ou moins pondérées. Nous avons à vivre cette diversité et les tensions qu'elle génère, chacun en lui-même et tous ensemble, solidairement.

Pour évoluer ensemble, selon l'axe d'un réseau ouvert à tous, nous avons à engager sept chantiers.

1) Quel bénévolat voulons-nous ? Les Assemblées Régionales des Bureaux de l'automne dernier ont toutes abordé cette question évidemment centrale pour le Secours Catholique.

Les actions sont diverses. Le bénévolat doit donc l'être aussi. Nous devons équilibrer la pyramide des âges et diversifier le recrutement, veiller à l'équilibre entre les bénévoles généralistes et les bénévoles spécialistes d'un thème ou d'une action. Merci aux bénévoles Action Internationale et Communication, présents ici avec leurs Bureaux, d'avoir enrichi nos débats.

Le Bureau de Délégation est le lieu mandaté de l'orientation en équipe. Il est responsable de la mise en oeuvre des axes sur le terrain. Il veille à l'efficacité des projets sans tomber dans le piège de l'élitisme, ou dans celui de la mise à l'écart. Mais ne soyons pas naïfs ; une fois de plus affirmons que seule la promotion des personnes est l'objectif. Il doit l'être pour les bénévoles, en fonction de leurs potentiels. Tous n'ont pas les mêmes potentiels. A nous de nous organiser en conséquence.

2) Ceci est particulièrement vrai à une époque où les clivages traditionnels commencent à bouger plus fortement que dans le passé. Des personnes en difficulté deviennent bénévoles. Des personnes sorties de leurs difficultés sont bénévoles. Des bénévoles sont en difficulté. Des personnes se groupent, vivent des projets et deviennent partenaires. Les frontières bougent. Plus largement, comment associer les personnes en difficulté à la vie et au fonctionnement du Secours Catholique ? Acceptons que des leaders émergent ; mettons en place des formations adaptées pour eux. C'est ainsi que des personnes nouvelles prendront place dans notre structure et évidemment l'enrichiront de leurs expériences. C'est ainsi que se mettent en oeuvre la place et la parole des pauvres dans notre réseau ouvert, dans la convivialité, vous l'avez dit.

3) Les donateurs devront être associés plus précisément à la mission du Secours Catholique. Ils sont membres à 100 % du réseau. Nous mettrons en place une politique d'animation des donateurs, ou peut-être plus une politique de relations avec eux, avec les donateurs actuels et avec les donateurs potentiels.

L'enquête lancée par Messages l'été dernier auprès des donateurs du Secours Catholique fait l'objet d'un compte rendu dans le numéro de ce mois-ci.

Sur les treize priorités d'actions qui étaient proposées - outre les réponses d'urgence évidemment - les cinq premières sont : - Donner des moyens de prendre sa vie en main - Défendre la dignité et l'accès aux droits - Aider les personnes exclues à s'organiser collectivement - Lutter contre la pauvreté en partenariat avec d'autres associations. - Poursuivre l'action institutionnelle

Nous pouvons avoir confiance dans la générosité et l'intelligence du coeur de nos donateurs qui se déclarent prêts à soutenir, dans l'ordre, des projets liés à l'emploi et à l'insertion économique, au logement et à l'hébergement, à l'enfance et à la famille, à des actions éducatives et à la formation, à des initiatives en faveur des jeunes, au développement au plan international, à la formation des bénévoles et des personnes en difficulté.

Un donateur sur cinq se dit prêt à témoigner de son geste. Beaucoup souhaitent être mieux informés des actions du Secours Catholique par des réunions d'information.

4) Dans le domaine de l'animation il convient de nous donner les moyens d'une cohérence globale en respectant la noblesse de chaque métier, de chaque engagement qui nécessite compétence et précision.

Nous distinguons l'action dans les pays développés, France et Europe, l'action dans le Tiers Monde, l'action de communication, la gestion au sens large. Ces domaines, nous le savons tous, sont imbriqués. Il faut une démarche globale d'animation fondée sur le sens de notre mission. L'élaboration et l'évaluation d'objectifs par les Délégations et les Secteurs du Siège devra se poursuivre et s'approfondir. Nous devrons analyser nos modes d'organisation et de répartition des tâches. Sont-ils adaptés ? Si oui, tout va bien. Si non, il faudra imaginer, évoluer, changer. Sur ce sujet, je sais que certains d'entre vous souhaiteraient que je donne maintenant la réponse à cette question. Je les prie de m'excuser ; je ne le ferai pas. Nous le ferons tous ensemble. Nous venons de vivre deux années en démarche participative. Tout n'a pas été facile. Quoiqu'il en soit nous avons bien progressé. Il devra en être de même en matière de politique d'animation.

5) Un de ses aspects particulièrement important sera la présence et l'animation des jeunes au sein du Secours Catholique. Les Journées Nationales d'Etude de Lourdes de 1991 n'ont pas porté les fruits espérés, même si ce qui y avait été dit reste d'actualité. Tout le Secours Catholique doit rapidement s'engager massivement dans ce domaine des jeunes bénévoles et des jeunes en difficulté. Vous avez fortement insisté ce matin. Nous sommes mobilisés. Il faut entreprendre, en tenant compte de la mentalité et des réalités de vie des jeunes de 1996 : soutenir des projets, prendre des risques.

6) Dans le domaine de la formation, des Délégations ont pris de nombreuses initiatives. Je compte avec le P.SG.A. en saisir l'INC et le Conseil d'Administration car des Délégations et Régions ont déjà bien avancé. Des Secteurs du Siège ont été créatifs. Là aussi, il nous faut aller plus loin, avec une politique globale définissant les responsabilités des uns et des autres. Vous le souhaitez. Formation des bénévoles, des salariés, des personnes en difficulté. Formation de base et formation adaptée à la diversité des responsabilités exercées, de l'animation de réunion à la comptabilité, de la préparation d'une conférence de presse à la connaissance des mécanismes européens. Formation au savoir être et au savoir faire. Il nous faut une politique et des exigences à mettre en place, solidairement entre les secteurs du Siège, les Bureaux de Délégation, et les régions tant à travers les Délégués Régionaux que les diverses équipes régionales d'animation et les Assemblées des Bureaux.

7) Un réseau ouvert, créateur de solidarités et de partage doit être lucide sur les moyens dont il a besoin et sur les moyens dont il dispose, sur ses moyens actuels et futurs.

Du côté des besoins nous devons veiller à ne pas empiler des réponses et des modes d'action. Nous devons être au clair sur nos actions, réserver l'urgence à l'urgence quand elle est indispensable. Mais il nous faut trier. Je rencontrais il y a quelques jours un bénévole qui m'expliquait avec enthousiasme la cohabitation dans son équipe d'une part de distributions alimentaires avec d'autres associations - de l'assistance pure - et d'autre part d'un Groupement d'Alimentation Familiale bien animé et dynamique. S'agit-il de complémentarité ou de contradiction ? L'analyse locale doit le dire et éventuellement arbitrer.

S'il nous faut revoir notre politique des secours, il nous faut aussi développer une politique des ressources pour l'action en France et l'action à l'étranger. Nous prenons actuellement des initiatives en ce domaine. Nous devrons poursuivre tous ensemble et être vigilants sur les économies possibles, les choix indispensables. La collaboration doit s'intensifier avec les Trésoriers des Délégations dans un esprit ouvert et dynamique, créatif et ambitieux. Chacun est co-responsable de l'ensemble.

2. Evoluer selon le deuxième axe ; « Agir pour la transformation sociale et la justice à partir de rechange avec les pauvres par la réalisation de projets et l'action institutionnelle au plan local, national et. au sein du réseau Caritas. au plan international ».

Le synode romain « Justice dans le monde » de 1971, a publié sur une déclaration où l'on peut lire :

«Le combat pour la justice et la participation à la transformation du monde nous apparaissent pleinement comme une dimension constitutive de la prédication de l'Evangile qui est la mission de l'Eglise pour la rédemption de l'humanité et sa libération de toute situation oppressive ».

>• Nous sommes dans le domaine de l'action, du faire où se croisent créativité et nécessaire organisation.

-> L'imagination nous est indispensable pour agir efficacement, dans notre démarche d'abord pédagogique. N'oublions pas l'affirmation de notre fondateur, Jean Rodhain : « J'ai dit que je souhaitais que le Secours Catholique soit une pédagogie, une pédagogie de la Charité ».

Notre charité inventive, notre créativité doivent être au service de la réponse construite d'abord sur l'expression et les initiatives des pauvres.

Dieu a construit le monde en prenant le temps. Nous devons agir dans la durée, respecter les rythmes, les étapes et les prises de conscience. Une pédagogie de l'action et par l'action, c'est ce qui nous caractérise. Elle est évidemment liée à une pédagogie de la communication et de l'explication, elles-mêmes actions.

-» Créativité et imagination, pédagogie et construction s'accompagnent dans la liberté afin de permettre un développement harmonieux des personnes. Cette liberté dont l'idéal se vit dans les relations de l'homme avec à Dieu, donc dans la prière, se fonde sur le respect de l'autre. Il n'y a pas de vraie démarche d'accompagnement des personnes et des groupes sans liberté.

Nous voulons l'exercer dans le respect des rôles de chacun, des responsabilités qui lui sont confiées et non données. Responsabilités confiées pour un temps. Aucun de nous n'est propriétaire de sa fonction. Réalisons que nous sommes des locataires au service de la mission. Mais de plus des locataires particuliers car travaillant toujours en équipe, jamais seuls.

Dans la mise en oeuvre de projets, le critère de réussite c'est le développement des personnes, quel que soit le cas. Dans la construction de ces projets nous avons intérêt à nous laisser bousculer par les méthodes d'animation de certaines Caritas.

Des Caritas d'Asie ont mis au point un processus en trois étapes. D'abord faire naître une communauté d'intérêt, analyser la réalité, élaborer une stratégie e< lancer des projets collectifs. Ensuite, analyse plus critique du milieu, action institutionnelle. Troisième étape : création de groupes d'intérêt et émergence de leaders, réalisation de projets concrets collectifs, redistribution des fruits du travail.

Nous avons là une source d'inspiration visant délibérément la transformation sociale par le concret. En un mot, il ne suffit pas de se cantonner à l'assistance c'est évident pour nous tous, ni à la réalisation de projets, c'est déjà moins évident. Il faut mettre en oeuvre une dynamique d'animation. Il ne suffit pas de dire « échanger avec les pauvres ». Ils doivent être au centre du projet et de sa réalisation. Ceci nous conduira à une réflexion renouvelée et passionnante sur le bénévolat, son rôle et sa place. Mais nous ne sommes pas dans le Tiers Monde. Prenons le temps de l'intégration de ces réflexions, concrètement, pas de façon uniquement intellectuelle mais avec les personnes en difficulté et les bénévoles. J'étais il y a quelques jours à Chambéry pour le lOème anniversaire de la création du premier groupe de femmes. Le débat rassemblait une trentaine de femmes de 4 groupes. On sentait des groupes vraiment chaleureux, de la convivialité. C'est une jeune femme d'origine maghrébine qui a amené la discussion sur l'ouverture de ces groupes vers des quartiers où les relations entre les habitants sont difficiles. N'oublions pas dans la réciprocité que nous voulons avec les Caritas et dont nous bénéficions de plus en plus - je pense particulièrement à l'intérêt des projets productifs au Mexique ou au Pérou, à la promotion de la femme africaine, à la densité des échanges avec les pays arabes, aux difficultés de l'oecuménisme en Europe - n'oublions pas notre responsabilité dans le soutien financier des activités et des projets de ces Caritas.

Elles ont dramatiquement besoin de notre aide financière. N'oublions pas la remarque de Guy HERMET sur le risque du repli sur les pauvres de che2 nous. Les Caritas apprécient de plus le regard que nous portons sur leurs méthodes et leurs projets, non pas pour contempler béatement mais poui engager un dialogue en profondeur. Certaines profitent systématiquement de nos visites pour nous pousser à la critique constructive. C'est ensemble que nous poursuivrons ainsi dans un vrai partenariat.

-» L'autre volet de la transformation sociale, c'est l'action institutionnelle. Les lignes d'action sont parfaitement claires à ce propos. Nous savons qu'elle est incontournable pour analyser les causes et contribuer au changement des pratiques sociales. Nous sommes dans le registre de la dénonciation et de la proposition fondées sur les constats de terrain et la doctrine sociale de l'Eglise.

Christian LEMAIGNAN insiste sur notre rôle de médiateur et de moteur dans les mutations pour créer du lien social.

Le Père MOLIN écrivait en 1982 - il était à l'époque Aumônier Général du Secours Catholique : «Engagés dans ce combat pour la justice (...) nous avons aussi à chercher les causes de la pauvreté et à les combattre (...). Toute action faite au nom de l'Evangile et spécialement pour les plus pauvres a toujours plus ou moins une dimension politique ».

Pour évoluer ensemble, selon l'axe de la transformation sociale, six chantiers doivent être ouverts.

1) Le premier est certainement celui de la remise sur l'établi de notre grille d'action. Elle est un outil pédagogique et d'animation remarquable. Il faudra lui garder ses qualités de concision et de clarté. Les évolutions récentes nous conduiront à la faire évoluer pour y intégrer des éléments nouveaux relatifs à la mise en place des groupes conviviaux, collectifs et communautaires. Il sera intéressant d'approfondir la question posée par le GAF de Toulouse et certains ce matin : autonomie et indépendance des groupes que nous contribuons à faire naître. La grille d'action sera le moyen pédagogique d'impulser nos axes, nos fondamentaux dans le réseau.

2) Un autre chantier est la question de l'urgence et du développement. Nous savons la légitimité de l'assistance dans certaines situations. Nous savons que l'autonomie des personnes et des groupes ne peut procéder que d'une vision de long terme, de promotion, de transformation sociale. Nous devons clarifier les frontières et les objectifs, par l'évaluation, en passant systématiquement nos projets au crible du critère central qu'est la promotion de l'homme.

3) En lien avec cela, évidemment, nous réfléchirons à la place des personnes en difficulté dans nos projets, et dans la durée. Là encore l'expérience de certaines Caritas pourra nous aider. Cette réflexion et sa mise en oeuvre conduiront nécessairement à organiser différemment la place et la fonction des bénévoles. Un point essentiel sera de faire vivre de vraies responsabilités aux membres des groupes conviviaux, aux membres des projets collectifs ou communautaires. Cela exigera d'accepter et d'organiser l'émergence de leaders, accompagnée d'une définition et d'une répartition des tâches, et évidemment d'une formation adaptée.

4) Un chantier important sera celui de notre vie à tous en co-responsabilité dans les projets, dans l'organisation et le fonctionnement de l'institution Secours Catholique. Il est une institution avec ses forces et ses faiblesses bien identifiées à Meschers. Nous n'oublierons pas ce travail de diagnostic et d'évaluation. Sa force principale est certainement son ancrage dans le terrain, le concret.

La vie régionale et l'Instance Nationale Consultative sont des instruments qui nous ont déjà permis de progresser. Il faut poursuivre en respectant la double responsabilité, et elle est centrale, des Bureaux de Délégations et du Conseil d'Administration. Celui-ci est le lieu d'orientation et de décision pour le Secours Catholique dans sa globalité, en lien avec l'Assemblée Générale dont il procède et évidemment en lien avec l'Episcopat. Le premier lieu du Secours Catholique, c'est l'équipe locale, là où se joue d'abord la densité de l'association avec les pauvres.

Des évolutions dans notre organisation et notre fonctionnement devront intervenir, si nécessaire, comme les relations Siège/Délégations, Délégations/Equipes locales. Chacun doit pouvoir être contributif dans la détermination des orientations, la participation aux décisions et à l'action, dans le respect de son rôle. Notre communication interne à tous les niveaux doit s'améliorer.

Les espaces déjà existants doivent être bien investis. Il n'y a pas de vie d'équipe féconde si les membres ne sont pas tous contributifs, dans un Conseil de Délégation, un Bureau, une Assemblée de Bureaux et une équipe régionale d'animation, dans'un secteur ou au sein de l'INC. Chacun peut jouer son rôle et s'engager. C'est seulement ainsi que nous nous améliorerons tous ensemble, chacun individuellement et chaque équipe, tous situés dans une dynamique de service de l'intérêt commun.

5) Le développement de l'action institutionnelle est évidemment un chantiei majeur. Elle est un des éléments originaux, constitutif et essentiel de notre démarche. Elle est à cent pour cent complémentaire de la mise en oeuvre de projets de terrain. Aujourd'hui elle s'impose à tous et à chacun, sans frilosité.

Les Assemblées de Bureaux ont toutes insisté sur cette action. Vous avez noté le rôle clé des Bureaux. Certaines se sont interrogées sur son champ et ses méthodes. Faut-il poser des actes engagés, inspirés de la radicalité de l'Evangile ? Par la vidéo ou en direct plusieurs d'entre nous ont posé des questions percutantes. Sommes-nous trop timorés ? C'est la question du cadre légal de l'action aussi. A nous, ensemble, d'avoir le courage de la réflexion et de l'engagement. L'année 1995 a été fertile en initiatives. Les mois à venir, les années à venir le seront également. C'est indispensable pour que les pauvres soient respectés et considérés. Depuis presque un an les pauvres attendent un grand programme national de lutte contre l'exclusion.

Nous conduirons ces actions avec les pauvres qui sont des citoyens à part entière, avec les Equipes locales. Parfois le Secours Catholique agira seul parfois en partenariat avec d'autres associations et pour l'international toujours avec les Caritas comme actuellement au sujet du Sri Lanka et du Soudan qui vient, enfin, d'être condamné par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Nous nous associons en ces domaines au plan de travail de notre Confédération qui met fortement en avant l'action institutionnelle internationale.

6) Le témoignage, la communication externe. Cette action participe à la globalité de la démarche du Secours Catholique. Elle est une responsabilité dans l'exercice de notre mission de veilleur et d'éveilleur, et une nécessité évangélique et sociale. Elle permet à des « chômeurs de la Charité » de voir, de découvrir et de s'engager, chacun selon ses talents. Elle permet à une société de prendre conscience d'elle-même.

3. Evoluer selon le troisième axe : « Vivre par Faction et la parole des pauvres, la mission reçue en Eglise pour rendre Dieu présent dans la vie des hommes et témoigner de l'Evangile ».

L'Eglise nous confie une mission. Nous participons à notre manière à l'évangélisation.

Le préambule de notre texte « S'associer avec les pauvres pour construire une société juste et fraternelle » éclaire cette visée lorsqu'il dit : « cette expérience donne place et parole aux pauvres. Elle devient alliance, à l'image de l'Alliance entre Dieu et son Peuple. Elle renverse les logiques d'appauvrissement et fait de la Charité un acte de partage, de développement et de libération ».

- Nous sommes dans le domaine de l'option préférentielle - du choix préférentiel - pour les pauvres.

-» Dans l'encyclique « Centesimus Annus » en 1991, Jean Paul II écrit : «Plus que jamais l'Eglise sait que son message social sera rendu crédible par le témoignage des oeuvres. (...) C'est aussi de cette conviction que découle son option préférentielle pour les pauvres. (...) L'amour pour l'homme, et en premier lieu pour les pauvres (...) se traduit concrètement par la promotion de la justice. (...) Seule cette prise de conscience donnera le courage d'affronter le risque et le changement qu'impliqué toute tentative autJientique de se porter au secours d'un autre homme ».

-* II ne s'agit pas de se replier sur une Eglise qui devient minoritaire. Il s'agit à la fois de contribuer à la revitaliser par nos actions et d'agir auprès du plus grand nombre comme nous le dit avec force l'article premier de nos statuts. Ne l'oublions jamais : «apporter partout où le besoin s'en fera sentir » : c'est bien une mission non exclusive quelles que soient les misères, les pauvretés, les horreurs, car l'homme le plus abîmé ou le plus pêcheur reste un homme ayant en lui les germes de son humanité à construire. N'oublions jamais que souvent nous sommes le seul point de contact entre beaucoup et l'Eglise. N'oublions pas l'absolue nécessité du travail avec les autres.

-* C'est ainsi que s'élabore le champ de nos partenariats en Eglise et hors de l'Eglise, en conformité avec nos convictions, nos racines, notre nature. Mais sauvegarder l'unité, ce n'est pas tout accepter ; ce n'est pas le conformisme mou et fade. Il y a des frontières que nous ne pouvons franchir, comme le dit bien l'introduction du document « L'avenir des pauvres : un devoir d'Etat » adressé au nouveau Président de la République en mai 1995 : « Chaque fois que vous ferez avancer les droits des pauvres et la justice, nous soutiendrons ces décisions. Mais nous ne pourrons nous taire lorsque les pauvres ne seront pas aimés et respectés dans notre pays et dans le monde ».

>- Pour évoluer ensemble trois chantiers doivent être ouverts.

1) Le Secours Catholique devra s'organiser pour être plus en lien avec toutes les instances d'Eglise, ses organismes et ses mouvements dans leur diversité pour alerter et travailler sur les enjeux de pauvretés, en répercutant ses actions, ses constats, ses analyses de la pauvreté et ses propositions, en étant un aiguillon voire un empêcheur de prier en rond et en organisant le pont entre nos collaborations hors Eglise et la vie en Eglise. Cela impliquera une présence à tous les niveaux, local, diocésain, régional, national, international et dans de nombreux registres différents.

Ce sera une de nos contributions à la construction d'une pastorale sociale. Mgr SANON insiste sur cette nécessité d'une Eglise qui doit dire et agir dans son domaine d'action le plus important, la Charité.

2) Ce sera une façon concrète d'approfondir la vie de la mission en Eglise, d'engager les Communautés chrétiennes à faire place aux pauvres, pas seulement dans la charité, mais aussi dans la liturgie, les sacrements, la catéchèse. La participation aux conseils diocésains de la solidarité, aux conseils pastoraux paroissiaux sera une occasion de contribuer à la pastorale sociale de l'Eglise diocésaine, à ses orientations. Vous insistez avec Guy COQ et Pablo MARTIN sur cette charité des paroisses, cette Eglise du local créatrice de lien social. Cela permettra de voir en quoi les équipes du Secours Catholique y trouveront leur place. Il sera nécessaire d'accompagner et de former les bénévoles qui s'y engageront.

Il en sera de même au plan national avec le Conseil National de la Solidarité, la Commission Sociale, et au plan international avec Caritas Internationalis et son réseau, ainsi qu'avec Cor Unum dont est membre Michel BENOIST, en tant que Président du Secours Catholique.

3) L'idéal de justice et de fraternité que nous affirmons devra être approfondi et articulé à l'action concrète. Il sera un élément d'évolution des mentalités à l'interne, au sein du réseau dans toutes ses composantes. Cet idéal devra véritablement s'incarner par notre réseau délibérément orienté vers la promotion. C'est notre fidélité. C'est aussi notre liberté en Eglise d'être s'il le faut à contre courant, dans l'esprit des Béatitudes et du Magnificat. La place réelle des pauvres en Eglise sera à la fois l'objectif à atteindre et la voie de conversion de tous.



Par le message qu'il nous a adressé, Mgr Joseph DUVAL, Président de la Conférence des Evêques de France, nous engage à «suivre l'exemple de Jésus Christ avec audace et courage » dans la mise en oeuvre de notre thème : « S'associer avec les pauvres pour construire une société juste et fraternelle » Prenons à bras le coeur la mission ainsi renouvelée. Pour y associer tout le monde, nous préparerons prochainement un texte pour le réseau et le grand public pour bien communiquer. Sous le même titre, il sera un outil pédagogique.

C'est ensemble et en Eglise que nous avons avancé. C'est ainsi que nous allons vivre la mise en oeuvre tant par la poursuite des initiatives engagées depuis quelques années que par la réalisation d'avancées nouvelles.

Nous conduirons cela en lien avec une réflexion sur nos modes de travail, nos modes de fonctionnement, nos rythmes et horaires. Cette réflexion a commencé. Elle se poursuivra à tous niveaux. Dans cette perspective nous utiliserons les temps forts de l'année 1997, la session des cadres, la rencontre des Présidents et les JNL à partir des avancées qui s'engageront et des travaux préparatoires des Bureaux, des Régions, des Secteurs du Siège, de l'INC et avec le Conseil d'Administration.

II nous faut être raisonnables dans la planification. 1996 est déjà bien chargée. Mais nous nous engageons fermement dans la voie de l'adaptation de nos moyens, de nos méthodes, de notre organisation, en fonction des objectifs à poursuivre et des cinq voies que sont la place des pauvres dans l'Alliance et l'année de la Charité en 1999, l'action face aux défis, la promotion de l'homme et l'affirmation de notre identité. Nous devons faire un réel effort méthodologique pour que le Secours Catholique soit non pas un organisme de charité, mais comme le disait notre fondateur, une charité qui s'organise. J'ajoute, qui s'organise avec efficacité et fécondité, et dans la durée. N'oublions pas les pratiques encore un peu assistancielles d'équipes de base. Notre responsabilité est bien de faire avancer l'ensemble.

Des chantiers nous attendent. Trois paraissent absolument prioritaires, un par axe :

- La politique d'animation globale concernant l'action en France et à l'étranger, la formation, les personnes en difficulté, les bénévoles, les salariés, les donateurs, l'opinion publique. Un travail de cohérence.

- la grille d'action, son évolution, et le travail sur les méthodes.

- La participation à la vie diocésaine et paroissiale en Eglise.

Je proposerai au Conseil d'Administration et à l'INC de les ouvrir rapidement.

Nous sommes dans les registres du réel et de l'Espérance. Ces deux registres sont au coeur de notre année 1996 qui nous conduira aux Journées Diocésaines élargies et à la prochaine Journée Nationale.

Le 8 septembre 1996 nous passerons par Bercy pour des rencontres de l'impossible qui diront la Foi qui nous anime, l'Espérance partagée avec les pauvres, l'engagement de tous, bénévoles, salariés, personnes en difficulté, donateurs, partenaires et Caritas, pour construire une société juste et fraternelle.

Le mot «construire» évoque la création par Dieu, la peine au travail, les mains de l'ouvrier, du paysan, du chirurgien. Il évoque l'angoisse de la naissance, le chef d'oeuvre du compagnon - celui avec qui on partage le pain. Soyons des constructeurs. Le Secours Catholique est un lieu d'action, de création, de construction. Il y a du travail pour tout le monde.

Notre liberté est celle de l'Evangile, « C'est une liberté qui rend ciiacun capable de prendre part à l'histoire ».

A chacun de nous de prendre part à l'histoire ; au Secours Catholique, avec tous ses membres, de s'y engager en fidélité aux pauvres et à l'Eglise qui l'a créé il y a 50 ans. Nous le faisons avec respect pour ceux qui ont tracé les chemins, qui nous ont conduits jusqu'ici et avec Espérance pour ceux qui, après nous, seront à leur tour envoyés en mission. Soyons aujourd'hui confiants : «A tous on peut Tout ! ».

Denis VIENOT

Intervention de D. VIENOT - JNL 1996