Le droit au logement devoir d'Etat
par Denis Vienot


Les constituants de 1789 seraient bien surpris s'ils revenaient au monde. Iis croyaient avoir défini pour longtemps les droits de l'homme, droits civils et droits politiques. Ils trouveraient probablement injuste le reproche qu'on leur a fait de «formalisme » et des privilèges réservés à certaines catégories de citoyens.
Ds seraient surtout étonnés de­vant la prolifération de droits nouveaux revendiqués par les généra­tions suivantes et qualifiés de « sociaux » : droit au travail, droit aux loisirs, droit à la santé, etc.
Ils observeraient d'ailleurs que, si les droits civils et politiques peuvent être plaides devant un juge à qui on peut réclamer leur application, les droits sociaux constituent plutôt des pétitions de principe que des dispositions exigibles dans tous les cas. Un juge pourra toujours affirmer que tout citoyen peut bénéficier de la protection sociale assurée à tous. H ne pourra pas décréter qu'on puisse échapper à telle ou telle maladie discrimi­nante. La vieille devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité ne serait-elle qu'un leurre ?
Au Secours catholique, nous ne le pensons pas. Nous ne nous ré­signerons jamais à ce que des hommes ou des femmes soient traités en citoyens de seconde zone. Pour nous, il n'existe pas de droits - même sociaux - à multiples vitesses, pas de droits réservés à certaines couches de la population. Ainsi en est-il pour le droit au logement.
Vingt-six pour cent des personnes accueillies dans les perma­nences du Secours catholique avouent leur domiciliation dans un squat, une caravane, voire une ca­bane construite plus ou moins en dur. Elles deviennent ou devien­dront un jour des « sans domicile fixe».
D'autre part, ce sont souvent les plus défavorisés qui doivent avoir recours aux solutions les plus coûteuses, « meublés », chambres d'hôtel, etc. Le Secours catholique, surtout dans les grandes villes, rencontre de plus en plus de familles qui, faute de ressources, « ré­solvent » leur problème de loge­ment en s'entassant dans une seule pièce et souvent depuis plusieurs années. Encore heureux quand l'eau et l'électricité ne leur ont pas été coupées.

Il arrive que les organismes HLM, créés à l'origine pour loger des familles ouvrières et modestes mais disposant de ressources, en bons gestionnaires, refusent des demandeurs «pour cause de res­sources insuffisantes» et sous pré­texte que certaines personnes se­raient «déplacées» dans certains ensembles.
Faut-il donc alors réhabiliter et par conséquent reconstruire des bi­donvilles dont les années 70 ont sa­lué la disparition ? Afin d'arrêter l'errance ou la déchéance de cer­taines familles ou de personnes seules, afin d'éviter des solutions aléatoires ou dramatiques qui en­traîneraient l'éclatement des fa­milles ou le placement d'enfants, le Secours catholique, comme d'autres associations humanitaires, a choisi de préparer ces personnes à un relogement définitif par un accompagnement social. Ce dispositif baptisé « logement-passerelle » voudrait devenir une méthode de travail et de négociations à l'échelle nationale avec des partenaires locaux.
Ces recherches des associations, des organismes ou des collectivités de toutes sortes ne doivent pas dédouaner l'Etat de son rôle de garant des droits et de l'égalité de tous les citoyens face au logement.
Il faudra faire preuve d'imagination pour inventer des formes originales de logement pour des populations particulièrement en difficulté ou marquées par des modes de vie spécifiques
C'est un devoir d'Etat qui s'im­pose aux pouvoirs publics issus des élections aussi bien présidentielle que municipales. Ils devront mettre en œuvre la loi Besson du 31 mai 1990, qui a : institué un droit au logement pour les plus démunis, car l'application ne.suit.pas toujours les intentions.

Il faudra faire preuve d'imagination pour inventer des formes originales de logement de qualité pour des populations particulièrement en difficulté ou marquées pai des modes de vie spécifiques. Il faudra surtout garantir les ressources du plus grand nombre de ménages pour qu'ils puissent accéder à un logement classique, condition première de leur insertion, peut-être en privilégiant les plus démunis parmi les bénéficiaires des aides personnelles.
La solidarité nationale doit se traduire en actes et doit ainsi replacer les personnes les plus exclues dans leur statut de citoyens à part entière.

Denis  Vienot est secrétaire général du Secours catholique.