Nord-Sud : le Secours catholique, sensible à l’écologie
L’environnement, pilier du développement

Le Secours catholique publie un dossier spécial sur le thème Environnement développement.

• Cherchez-vous à alerter l’opinion sur le fait que « la pauvreté est le plus grand des pollueurs » comme disait Indira Gandhi ?

Le sous-développement génère pour la survie une détérioration de l’environnement qui elle-même aggrave la misère. C’est un cercle vicieux. Au
Bangladesh où j’étais récemment, les habitants ont détruit les mangroves le long de la côte pour faire de la culture de crevettes et récolter du bois, alors que ces forêts les protégeaient en partie de l’impact des cyclones.
Mais il ne faut pas non plus faire des pauvres des boucs émissaires. Les pays riches se sont aussi rendus coupables d’une certaine dégradation de l’environnement. Dans les anciens pays socialistes, celle-ci est catastrophique. Je préfère dire que la lutte contre la pauvreté est le meilleur moyen de lutter contre la détérioration de l’environnement.

• Depuis le sommet de la Terre à Rio, le Secours catholique fait-il plus pour l’environnement ?

Non, car toutes nos activités autour de l’amélioration des sols, de la reforestation ou de la gestion de l’eau par de petits barrages, sont liées depuis toujours au rapport de l’homme et de la nature. En revanche, il y a indéniablement un éveil de l’opinion avec laquelle on travaille. Est-ce lié à Rio ?....Nous sommes passés depuis une dizaine d’années de la conception française – l’environnement c’est protéger l’arbre qui est devant ma fenêtre – à une réflexion plus collective sur la gestion du milieu. Et cette évolution est aussi sensible dans les pays du tiers-monde. Au Bangladesh, dans un groupe animé par Caritas, j’ai entendu ainsi une femme raconter qu’elle avait acheté des plants de jeunes arbres qui avaient péri, mais concluait-elle « je vais en racheter d’autres ». On était passé à une stratégie de développement basée sur la gestion du milieu.

• Les écologistes font de l’explosion démographique du tiers-monde l’un des problèmes-clés de la planète...

Le problème de la démographie est colossal, prioritaire. Mais le débat sur le contrôle des naissances n’est pas le bon. Trop de gens oublient que, si dans le tiers-monde, les gens ont beaucoup d’enfants, c’est parce qu’ils n’ont pas de Sécurité sociale et qu’ils comptent sur leur progéniture pour subvenir à leurs vieux jours. C’est une stratégie de défense pertinente. Face à cela, il faut plaider pour que « l’enfant coûte cher », c’est à dire pour qu’il soit formé. Car si des parents envoient leurs enfants à l’école, le revenu de celui-ci sera supérieur et donc ils auront moins besoin d’avoir une famille nombreuse. Voilà, me semble t-il un argument qui répond à la vraie préoccupation des gens.

• Adhérez vous au discours catastrophiste qui prévaut souvent en matière d’environnement ?

Pas de quoi paniquer parce que l’on coupe un arbre. L’inquiétant, c’est quand une population ne parvient pas à gérer son patrimoine forestier. Or je constate que, lorsque des projets sont centrés autour des communautés humaines avec un volet de formation, cela marche. J’ai donc un sentiment personnel plutôt positif : on peut inverser des processus ! Ce succès est notamment lié au fait que l’on bénéficie dans les pays en voie de développement d’effets de leviers formidables, car on est dans les régions « sous-capitalisées ». Ainsi le moindre investissement en matière de formation – s’il est réussi – peut avoir des effets extrêmement rapides. De même une digue en Ethiopie, qui va coûter de 1 à 3 millions de francs aura une rentabilité économique quasi immédiate. Alors qu’en France, il faudrait des investissements bien plus lourds pour obtenir des résultats significatifs.

• Pourtant plusieurs pays viennent de réduire leur aide publique au développement.

Oui, et c’est très grave, car les ONG n’ont pas les moyens de se substituer à l’intervention des Etats. Nous ne pouvons agir qu’à la marge. Bien sûr, il faut débattre de la gestion de l’aide publique. Mais sans tout remettre en cause. Les grands organismes internationaux, très critiqués, comme la FAO, font tout de même des choses utiles. Quant à la corruption, que l’on brandit toujours pour invoquer l’inutilité de l’aide, il faut rappeler qu’elle n’est pas l’apanage du tiers-monde !

• Les dons que vous recevez pour des actions de développement connaissent-ils ce même recul ?

Non, mais ils stagnent. Je crois que cela tient moins à une forme de désespoir par rapport à l’efficacité de notre action qu’à une réaction de désarroi face à l’imbroglio yougoslave ou somalien.

• Si le Secours catholique vante aujourd’hui l’aspect écologique de son action, est-ce parce que le développement en soi, n’est pas assez médiatique ?

L’environnement est une porte nouvelle dans la réflexion sur la pauvreté ou sur le développement. Et pas seulement parce qu’il est un thème de communication porteur, mais aussi parce qu’il nous interroge concrètement sur la relation de l’homme au monde. Pour quoi est-ce si difficile de parler de développement ? Peut-être parce que c’est un concept qui éloigne. Impossible pour un Français de se sentir semblable à un Bengali en terme de développement. A l’inverse, l’actualité sur les déchets, les marées noires ou les accidents nucléaires illustre une solidarité très concrète en matière d’environnement : l’homme se sent coresponsable de l’avenir de la planète.

Un curieux à principes

L’homme est pudique. Abritée derrière la fumée de ses cigarillos, il parle peu de lui-même. Par exemple, du parcours atypique qui l’a amené à quitter un jour son poste à responsabilité à la Société Générale, pour entrer au Secours catholique. Le secrétaire général de l’association, Louis Gaben, avait décelé chez ce jeune banquier de 29 ans, juriste et diplômé de Sciences-Po, une rigueur et des aptitudes de gestion qui allaient faire merveille à la tête des services administratifs et financiers de la rue du Bac. Denis Viénot s’est donc retrouvé, fauché mais heureux, au sein de cette grande association où il dirigera plus tard le service international avant de remplacer Michel Fauqueux, au secrétariat général en 1991.
« Il y a des situations où il ne faut pas se poser de questions » confiait-il récemment à La Croix l’Evènement, à propos du secours d’urgence aux sans-abri. Et l’homme ressemble à sa maxime : entier, avec du cœur et des principes qui lui donnent un air rigide. Mais la glace fond vite. Car ce passionné de montagne, cultivé et curieux, est d’abord un fou d’horizons.