Paris, le 19 mai 1993
SEMINAIRE EUROPEEN SUR LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
PARIS, 17, 18, 19 MAI 1993
LES OPÉRATIONS DE CONVERSION DE CRÉANCES :
POINT DE VUE DU SECOURS CATHOLIQUE ET PERSPECTIVES.



«Au service de la communauté humaine : une approche éthique de l'endettement international».

Ce texte de la Commission Pontificale Justice et Paix de 1986 invite, entre autres choses, les Etats créanciers à développer des facilités de paiement dans leurs monnaies nationales.

Dans sa conclusion il est écrit : «Pour faire face au grave défi que pose aujourd'hui l'endettement des pays en développement, l'Eglise propose à tous les hommes de bonne volonté d'élargir leur conscience à ces nouvelles responsabilités internationales, urgentes et complexes, et à mobiliser toutes leurs capacités d'action pour trouver et mettre en oeuvre des solutions de solidarité».

Les travaux de l'Assemblée Générale de Caritas Internationalis de mai 1991 poursuivaient la mise en oeuvre des mêmes principes. Au cours du séminaire sur les swaps sociaux, organisé à Mexico en septembre 1991 par FAPRODE el FAC, j'abordais déjà les réticences éthiques face aux opérations de conversion de créances. Quelques conférences épiscopales restent encore réservées ce qui me parait aujourd'hui étrange.

En soutenant les actions du FAC depuis le tremblement de terre de 1985, puis via des opérations de swaps depuis quelques années, le Secours Catholique a manifesté son engagement net, sans hésiter à le rendre largement public comme en témoignent de multiples interventions dans la presse écrite, à la radio et à la télévision.

Depuis 1990 nous avons soutenu onze projets via des opérations de conversion de créances au Mexique, et un en Equateur.

Deux projets sont liés à de petites interventions d'urgence au Mexique, tous les autres sont relatifs à des projets ou à des programmes de développement.

Nous avons investi dans ces opérations 3.750.000 francs, permettant des projets pour un montant de 7.080.000 francs, soit un coefficient multiplicateur moyen de 1,88.

En Equateur le projet consiste en rachats de terres pour des communautés indigènes, sachant qu'à côté nous intervenons plus classiquement pour l'accompagnement des processus de développement avec le soutien d'un cofinancement de la Communauté Européenne.

Au Mexique il s'agissait de logements sociaux, de formations, de la construction d'un important centre social dans le bidonville de Chalco, de la constitution d'un fonds pour des prêts à des artisans avec création d'emplois.

Nous étudions actuellement 5 projets d'un montant total supérieur à ceux déjà réalisés : la poursuite du programme en Equateur, Mexique, Madagascar, Philippines : logements sociaux, développement rural, formation et promotion féminine, centre pour enfants.

Notre intention claire est de poursuivre dans cette voie qui est d'ailleurs vue de façon très positive par nos donateurs et par les opinions publiques françaises et européennes.

Les Opérations de conversions de créances : point de vue du Secours Catholiques et Perspectives

Il est par ailleurs intéressant de noter que la Communauté Européenne et le Ministère Français de la Coopération s'engagent à leur façon dans le soutien des opérations de conversion de créances.

Ces institutions acceptent en effet de participer au financement d'opérations intégrant ces techniques. Il y a là une avancée relativement récente et importante.

Les ONG du Sud ont aussi une responsabilité : Sud-Sud celle-ci. Dans la mesure où nos budgets -essentiellement alimentés par des dons des particuliers- ne sont pas extensibles à l'infini, toute opération de conversion de créances bénéficie indirectement à tout notre réseau dans le monde entier. A budget égal nous pouvons faire plus. En étant paradoxal, je dirai qu'une opération bénéficie directement au pays concerné et indirectement à un pays où la conversion n'est pas possible. Ce point me parait particulièrement important aujourd'hui. Les responsables des ONG du Sud, convaincus de la pertinence de ces opérations pour les pratiquer, doivent convaincre leurs partenaires des autres pays du Sud -je pense particulièrement à des pays d'Amérique Latine- de se lancer à leur tour dans le montage de telles opérations.

C'est également une de mes responsabilités en tant que trésorier de Caritas Internationalis ; ce n'est pas nécessairement facile, ni envers toutes les Caritas du Sud, ni envers toutes les Caritas du Nord.

En France même, la situation est favorable au plan des principes. Les réalisations devront se développer plus fermement.

Mais il est un point sur lequel, en dépit des amicales pressions du Père Enrique Gonzales TORRES, nous n'avons pas pu progresser. C'est celui des dons de dettes, tant de la part des Etats que de celle des banques. C'est une note un peu pessimiste qui vous montre qu'il y a encore du travail à engager.

Le sens profond de nos initiatives et de notre engagement dans le long ternie est "la promotion de tout l'homme et de tout homme". C'est selon nous la responsabilité de nos partenaires Caritas de déterminer leurs politiques et leurs choix. C'est dans leur cadre que nous agissons.

Quelques puissent être les mécanismes financiers c'est bien l'action réalisée, le projet de promotion humaine qui prime. C'est en ce sens que nous sommes, comme organisation non-gouvernementale voulue par l'Eglise de France, indépendants des Pouvoirs Publics et désireux d'une collaboration négociée avec eux, sachant que, selon les cas, nous nous insérons ou non dans les cadres contractuels qu'ils mettent en place. Notre approche est donc géographique évidemment, mais aussi nécessairement territoriale et thématique, par lieux et secteurs de pauvretés, de grandes pauvretés.

Les besoins sont immenses aujourd'hui. Les mécanismes de conversion de créances sont un outil intelligent que nous poursuivrons ; nous voulons continuer à contribuer à l'imagination et à la créativité, entre autres financière, en sachant que nous avons aussi pour fonction de promouvoir un éveil et une conscientisation aux réalités des pauvretés tant en France qu'à l'étranger, aux réalités et aux causes de pauvreté. C'est en ce sens que notre action vers les Pouvoirs Publics et l'opinion publique sont et seront partie intégrante de notre démarche.

Denis VIENOT Secrétaire Général